Journée de l'ACAD-MAE - 26 juillet 2001

   
Association professionnelle
"Acteurs de la Coopération internationale et de l'Aide au Développement
auprès du Ministère des Affaires Étrangères"

Journée-débat de l'ACAD-MAE

26 juillet 2001

Centre de conférences internationales
19, avenue Kléber (Paris 16e)

"L'enjeu des ressources humaines
dans la coopération internationale de demain "

L'ACAD-MAE tient à remercier chaleureusement tous les intervenants et participants
à la journée du 26 juillet 2001

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MATIN : Les problématiques

Accueil par Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE.
Coopération internationale et ressources humaines: enjeux croisés ?
bullet Ouverture par Bruno Delaye, directeur général de la Coopération internationale et du Développement (DGCID);
bullet Jean-François Aguinaga, administrateur principal à la Commission Européenne, EuropAid: la France dans l'Union européenne et les enjeux sur les ressources humaines.
Les CONCEPTS de gestion des emplois, des ressources humaines et des compétences
bullet Benoît Théry, consultant (TIM consultants).
L'acquisition des COMPETENCES utiles à l'international
bullet Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au CERI, fondation nationale des Sciences politiques.
Les METIERS de la coopération internationale: évolutions et modalités actuelles de la coopération internationale; perspectives: besoins et attentes en matière de ressources humaines.
bullet Serge Tomasi, sous-directeur de la Coopération technique et du Développement (DGCID/DCT);
bullet Djeidi Sylla, conseiller au bureau des Politiques du développement du PNUD à New York.
La GESTION des ressources humaines pour l'international: atouts et freins de la France; courants et innovations, notamment en matière de mobilité nationale et internationale.
bullet Daniel Kiernan, directeur de la Stratégie pour l'international, Alcatel;
bullet Benoît Théry, consultant (TIM consultants);
bullet Jean David, adjoint au chef de mission des affaires européennes et internationales de la délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE).

APRES-MIDI : Un diagnostic et des propositions
 

Atelier 1 : COMPETENCES: Identification et mobilisation: Comment identifier les besoins en compétences? Comment trouver ou produire les compétences nécessaires et constituer les équipes?
bulletPrésident : Jean Digne, conseiller au Cabinet du ministre de l'Education nationale.
bulletIntervenants: Jean-Louis Bonnin, directeur général du Développement culturel, ville de Nantes ; Alain Calosci, directeur d'Europact/ONG recrutement; Bernard Fontaine président de l'ENTO du ministère de la région Wallone; Florence Lévy de la Représentation permanente de la France à Bruxelles.
bulletExcusés : Daniel Gallissaires, département des ressources humaines de la DREE; Michel Tosca, direction des Affaires internationales du ministère de la Culture.
Atelier 2 : MOBILITE : Valorisation de l'expérience et carrière.
Comment définir des parcours professionnels intégrant la mobilité ? Comment reconnaître l'expérience et la transformer en acquis professionnels valorisables pour la carrière ?
bulletPrésidente : Marie-Françoise Kerroc'h, présidente de l'ARRICOD.
bulletIntervenants : Jean-Loup Chaumet, consultant/CNAM ; Pierre Richez de l'inspection générale du ministère de l'Agriculture ; Patrick Balladur, DRH, service de Coopération technique internationale de Police (SCTIP) du ministère de l'Intérieur ; Dante Monferrer, directeur de CL-ONG Volontariat/AFVP, Claudine Boudre-Millot, délégation aux Relations internationales et à la Coopération (DRIC) du ministère de l'Education nationale.
Atelier 3 : FORMATION et international : Comment faire acquérir et développer les compétences nécessaires à la coopération internationale ?
bulletPrésident : Jean-Michel Delacomptée, maître de conférences à Paris VIII.
bulletIntervenants : Susanne Belot de l'Agence allemande de coopération, GTZ; Alfredo Benitès de la direction du Développement des compétences territoriales du CNFPT; Christophe Mestre directeur du CIEDEL; Maryvonne Lyasid du centre d'Etudes européennes de Strasbourg; Valérie Rossellini de la fondation nationale des Sciences politiques de Paris.
bulletExcusée : Danielle Barret de la délégation aux Relations internationales et à la Coopération (DRIC) du ministère de l'Education nationale.
Propositions des ateliers
Table ronde "Que peuvent apporter ces propositions ?" et "Comment les intégrer dans les faits?"
bulletPrésident : François Grunewald, président de l'URD, membre du HCCI;
bulletJacques Andrieu, délégué pour l'Action extérieure des Collectivités locales du MAE;
bulletJean David, délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE);
bulletAlain Fohr, responsable de la cellule des Ressources humaines de la DGCID;
bulletJean-Michel Marlaud, directeur des Ressources humaines du ministère des Affaires étrangères;
bulletNicolas Wit, directeur adjoint de Cités-unies France;
Clôture par Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE.

SOMMAIRE

Discours d'accueil

Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE 4

Coopération internationale et ressources humaines : enjeux croisés ?

Bruno Delaye, directeur général de la Coopération internationale et du Développement (DGCID) 5

Questions

Réponse de Bruno Delaye

La France dans l'Union européenne et les enjeux sur les ressources humaines

Jean-François Aguinaga, administrateur principal à la commission Européenne, EuropAID

Les concepts de gestion des emplois, des ressources humaines et des compétences

Benoit Théry, TIM consultants

L'acquisition des compétences utiles à l'international

Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au CERI, fondation nationale des Sciences politiques

Les métiers de la coopération internationale : évolutions et modalités actuelles de la coopération internationale ; perspectives : besoins et attentes en matière de ressources humaines

Serge Tomasi, sous-directeur de la Coopération technique et du Développement (DGCID/DCT)

Djeidi Sylla, conseiller au bureau des Politiques du développement du PNUD

La gestion des ressources humaines pour l'international : atouts et freins de la France ; courants et innovations, notamment en matière de mobilité nationale et internationale

Daniel Kiernan, directeur de la Stratégie pour l'international, Alcatel

Benoit Théry, TIM consultants

Questions

Comptes-rendus des ateliers et propositions

Jean-Louis Bonnin, directeur général du Développement culturel, ville de Nantes

Marie-Françoise Kerroc'h, présidente de l'ARRICOD

Jean-Michel Delacomptée, maître de conférences à Paris VIII

Débats

François Grunewald, président de l'URD, membre du HCCI

Nicolas Wit, directeur-adjoint de Cités-unies France

Jacques Andrieu, délégué pour l'Action extérieure des Collectivités locales

Jean-Michel Marlaud, directeur des Ressources humaines du ministère des Affaires étrangères

Alain Fohr, responsable de la cellule des Ressources humaines (DGCID)

Questions

Clôture par Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE

Pièces annexées (présentations lors des ateliers) :

bulletLe CIEDEL
bulletLe CNFPT et la démarche métier
bulletLe CLONG et le volontariat
bulletL'International au ministère de l'Agriculture
bulletPolice et coopération internationale
bulletEurope Aid
bulletAlcatel et la mobilité internationale
bulletENTO et le LE RESEAU EUROPEEN DES INSTITUTIONS DE FORMATION DU PERSONNEL DES COLLECTIVITES LOCALES

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Discours d'accueil

Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE

Cinq minutes, c'est mission impossible, pour d'abord souhaiter la bienvenue aux participants en déclinant leur origine et leurs compétences, pour également présenter l'ACAD-MAE, même rapidement et enfin rappeler le thème du jour : l'enjeu des ressources humaines dans la coopération internationale de demain. Pour faire court, je me propose donc d'utiliser la méthode des mots-clés, il y a en aura trois :

- Le premier sera le mot merci. Merci aux intervenants, venus de France, mais aussi de l'étranger, notamment de Belgique et des Etats-Unis... Merci aussi à tous les participants et invités qui ont accepté de venir discuter de la gestion des ressources humaines. Un remerciement spécial, naturellement, au ministère des Affaires étrangères qui a mis à notre disposition ces locaux généralement réservés à des conférences prestigieuses, et à Bruno Delaye, directeur général de la Coopération internationale et du Développement, et qui, après un marathon épuisant de plusieurs jours à travers le réseau a accepté de venir ici pour ouvrir cette longue journée et répondre aux questions qui seront sans doute, comme d'habitude, un peu difficiles mais toujours positives.

- Deuxième mot clé : ACAD-MAE, Acteurs de la Coopération et de l'Aide au Développement. Vous allez me demander combien de divisions ? Je vous répondrai un peu plus de 400 membres et sympathisants répartis dans 87 pays. C'est donc une association sur laquelle le soleil ne se couche pas. Elle a été créée il y a 10 ans par Jean-Michel Delacomptée, et regroupe des agents engagés, qui mènent une réflexion sur leur action au service de l'international. Poil à gratter pour les uns, laboratoire d'idées pour les autres, l'ACAD, depuis sa création, a toujours cherché à améliorer le système de coopération et d'aide au développement. C'est avant tout une force de propositions, notamment grâce aux manifestations et rencontres qu'elle organise, à l'image de celle-ci, ou du colloque sur "les biens publics mondiaux" tenu à l'Assemblée nationale au mois de janvier 2001, ou encore l'année dernière à peu près à la même date, du séminaire sur "la coopération affaire de tous", qui s'était tenu à l'IMA en présence de Monsieur Delaye qui venait de prendre ses fonctions.

- Troisième mot-clé, qui ouvre le thème choisi cette année, à savoir le problème essentiel des ressources humaines dans la coopération. En effet, dans un contexte concurrentiel de plus en plus tendu, il est indispensable que les organismes qui s'engagent, ou qui désirent le faire, qui sont concernés par les échanges internationaux au sens large, puissent se doter d'une bonne ressource humaine afin d'être des acteurs performants, les mieux adaptés possibles aux missions qui leur sont confiées.

Il s'agit donc de recruter et de former des professionnels capables de répondre aux défis auxquels ils seront confrontés sur un terrain de plus en plus difficile. Des solutions existent, vous le savez, elles ont déjà été étudiées: recrutement ciblé, parcours de formation, mobilité valorisante... Certains de ces concepts ont d'ailleurs été discutés par l'ACAD, certains même ont été inventés par l'association. C'est ce dont nous parlerons au cours de cette journée, en particulier dans les ateliers qui se tiendront cet après-midi, dans lesquels se retrouveront de nombreux acteurs et de nombreux partenaires de l'ACAD, des représentants des ministères techniques, du ministère de l'Education nationale, du ministère de l'Intérieur, des associations partenaires, des organismes de coopération et des membres de la société civile.

L'objectif de cette journée est relativement simple: il s'agit de rechercher, de définir et de proposer les moyens les mieux à même pour mobiliser et mettre en synergie les compétences qui existent dans les différents organismes, dans les différents systèmes de coopération. En attendant, la matinée sera consacrée à mieux cerner les nouveaux enjeux de la coopération et de l'aide au développement, le poids des institutions multilatérales, la place de l'Union Européenne, les relations entre les acteurs et la société civile, l'environnement concurrentiel.

Je me permets maintenant de vous présenter les dessinateurs de ces nouveaux paysages:

- Monsieur Bruno Delaye a accepté d'ouvrir cette journée. Il est le directeur général de la Coopération internationale et du Développement, et donc le patron d'une entreprise (la DGCID), regroupant plusieurs milliers de collaborateurs, et pesant quelque 9,3 milliards de francs;

- Monsieur Jean-François Aguinaga, un ancien de la DGCID, actuellement en fonction à la commission Européenne, ce qui est le signe d'un parcours intéressant à partir du MAE;

- Monsieur Djeidi Sylla vient du PNUD pour nous parler des réflexions qui ont lieu actuellement dans cette institution sur ces questions de formation et de mise à disposition d'experts de haut niveau;

- Nous accueillons également, concernant ces questions de gestion, Monsieur Benoît Théry, de l'agence Théry International Management consultants (TIM consultants);

- S'agissant d'entreprise privée ou semi-publique, Monsieur Daniel Kiernan est parmi nous afin de nous parler de la gestion des ressources humaines dans le groupe Alcatel;

- Monsieur Jean David travaille à la délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE), une commission importante dès qu'il s'agira d'aborder les statuts et la mobilité;

- Monsieur Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au centre d'Etudes et de Recherches internationales, le CERI. Il remplace au pied levé Monsieur François Heisbourg qui devait être parmi nous, auteur d'un rapport sur la formation à l'international. Monsieur Domenach a lui aussi travaillé sur ce dossier.

Un regret encore, Monsieur Yves Dauge, député, rapporteur sur les centres culturels français à l'étranger, a dû annuler à la dernière minute.

Je donne tout de suite la parole à Bruno Delaye, en le remerciant encore une fois d'être parmi nous.

Coopération internationale
et ressources humaines : enjeux croisés ?

Bruno Delaye,
directeur général de la Coopération internationale
et du Développement (DGCID)

Je vous remercie pour votre invitation, car il ne pouvait y avoir un meilleur prolongement aux journées du Réseau qui viennent de se tenir au Palais des congrès, que cette rencontre et cette discussion sur le thème des ressources humaines dans la coopération internationale de demain.

Le vaste chantier des ressources humaines, qui est partie intégrante de la réforme de 1998 de notre dispositif de coopération, n'est pas encore totalement achevé, ni sur le plan de la gestion, ni sur le plan du mélange des cultures des deux institutions.

Si l'on veut vraiment réaliser la réforme mise en place selon les organigrammes et les objectifs définis, il faut passer à la troisième étape, qui consiste à développer une vraie politique, à moyen terme, de mobilisation de la ressource humaine et d'investissements massifs dans une ressource humaine de qualité.

J'en suis persuadé depuis le début, c'est la raison pour laquelle aussi, en arrivant à la DGCID, j'ai souhaité qu'il y ait une cellule des Ressources humaines, directement placée auprès du directeur général, et qui est actuellement animée par Alain Fohr. L'une de ses fonctions est de nous conseiller en permanence, Yves Saint-Geours et moi-même, en vue d'une bonne gestion de la ressource humaine, et, aussi, de faire en sorte que nous puissions avoir, au sein de la DGCID, une réelle possibilité de discussion avec la DGA-DRH, l'entité au sein du ministère des Affaires étrangères chargée de gérer les personnels. On peut ainsi avoir une politique visible, lisible, compréhensible, et puis surtout essayer de bien traiter les agents, et de les traiter humainement.

Notre atout, c'est de reconnaître la formidable diversité humaine et professionnelle. A la DGCID, on trouve en effet des gens issus du monde médical ou du monde de l'économie; qui peuvent venir des milieux du développement ou de la culture; qui viennent du secteur de l'enseignement... et bien sûr de la diplomatie. Tous sont à des moments ou des étapes différentes de leur vie professionnelle. Ils se retrouvent ensemble, pendant une certaine durée, pour exercer des métiers dans des pays tous différents, mais au service d'une même politique. C'est un atout exceptionnel, et qui peut être compliqué à gérer, notamment parce que nous sommes en présence de trajectoires personnelles très différentes: certains étant de passage tandis que les autres sont là pour rester. Nous avons à la fois des collaborateurs à qui nous disons: "On va valoriser vos compétences pour un temps limité, on va vous envoyer à l'étranger où vous allez travailler pour nous, et l'on se séparera...". En revanche, il y en a d'autres à qui l'on dit: " Vous faites partie de la maison, et vous allez y demeurer".

Il y a ainsi des aspects pratiques et administratifs, à côté des aspects statutaires dont je ne vais pas parler dans le détail aujourd'hui; mais, il y a aussi des aspects psychologiques sur lesquels, il faut à tout prix, et cela fait partie de mon travail, agir en permanence afin que tout le monde se sente à l'aise sur le même bateau, quelle que soit son origine, quel que soit son port d'embarquement, quel que soit son mode de recrutement. Ceci est fondamental, et si l'on ne réussissait pas à développer cette culture commune à partir d'une diversité reconnue, la réforme serait en péril.

Nous avons passé la phase 1, comme je vous l'ai dit, qui était la mise en place des outils. Il s'agit désormais d'essayer d'atteindre un certain nombre d'objectifs en fonction d'ambitions qui ont été définies, et rappelées par les ministres pendant les dernières journées du Réseau.

On a sécurisé les moyens budgétaires et les effectifs, comme l'a rappelé notre ministre: on arrête la logique d'attrition et la chasse au gaspillage systématique érigée en politique.

Quant aux crédits du ministère des Affaires étrangères, ils ont longtemps été à la baisse. Celle-ci a été enrayée depuis 1999, mais l'augmentation des crédits du ministère des Affaires étrangères ne s'est pas traduite par une augmentation de ses moyens d'intervention. Ceux-ci ont continué à baisser. Une fois effectué l'arbitrage avec Bercy sur la sécurisation du grosso modo du budget de fonctionnement du ministère (les constructions d'ambassades, les indemnités et les salaires de ses personnels étrangers, le rattrapage des effets change-prix...), le budget d'intervention était la proie du ministère des Finances.

Cette année, on a essayé d'inverser cette logique, sans totalement réussir certes, mais cela a néanmoins permis de sécuriser globalement les crédits de coopération et d'action culturelle, et même de les augmenter, au prix d'arbitrages extrêmement sévères rendus à l'intérieur du ministère, après des discussions que vous pouvez imaginer. Ces arbitrages ont été rendus par les ministres Hubert Védrine, Charles Josselin et Pierre Moscovici, afin de changer l'ordre des choses et de faire en sorte qu'ils le soient en faveur des crédits d'intervention du ministère. Je considère là que c'est symboliquement quelque chose qui nous fait entrer dans la phase 2.

Cette seconde étape, comme je vous le disais, c'est l'investissement intelligent dans la ressource humaine. Qu'est ce que cela veut dire ?

La première des choses, c'est qu'il existe à la fois une mission de service public, de coopération et d'aide au développement, et une mission de service public de coopération culturelle.

Cela a l'air évident, mais cela ne l'est pas toujours. Et pour plusieurs raisons: vous entendez très souvent des gens qui disent:"Mais à quoi bon avoir un centre culturel, les écoles Berlitz, ça suffit"; "A quoi bon faire de la diffusion artistique, le marché peut très bien le faire et si le marché ne le fait pas c'est que nos produits sont mauvais"; "A quoi bon s'escrimer à appuyer la diffusion du cinéma français, s'il est mauvais au départ il ne trouvera pas de clients à l'arrivée"; "A quoi bon faire de la coopération, avoir de l'assistance technique, c'est beaucoup plus simple de donner de l'argent aux organismes multilatéraux. Il suffit de faire un chèque à la Banque mondiale. Et de toute façon, vous savez, vous êtes en retard de plusieurs batailles puisque maintenant, c'est l'Europe. Et donc, il faut passer par l'Europe et puis arrêter d'être des Gaulois attardés qui ont leurs petits projets d'aide bilatérale, leurs petits programmes, leur petite AFD, leur petit FSP et leurs petits assistants Techniques. C'est dépassé!".

D'autre part, on entend aussi: "L'aide est-elle vraiment bien nécessaire alors qu'une bonne négociation à l'OMC peut faire lever les verrous qui empêchent le libre commerce et le développement ?"

Ainsi, vous en venez à douter non seulement de ce que l'on fait mais aussi de l'existence même, de l'idée d'une DGCID, d'une assistance technique, d'une AFD, et ainsi de suite.

Pour l'AFD, en particulier, le problème est sérieux surtout à partir du moment où l'on va entrer dans la logique PPTE, et que l'AFD sera amenée à faire moins de dons et davantage de prêts. A qui prêter, dans le monde d'aujourd'hui, si l'on ne veut pas relancer à nouveau la mécanique folle de la dette ? Il était important, et c'était l'un des objectifs des journées du Réseau, de réasseoir -j'allais dire idéologiquement, au bon sens du mot- la notion de service public, de mission de service public, voulu, organisé par l'Etat au service du développement.

Mais il faut également accepter deux choses :

- la première est que nous ne sommes pas seuls. Nous devons travailler avec le mouvement citoyen, la société civile, les collectivités locales, le mouvement associatif. Ils ont, eux aussi, vocation à s'investir dans ces activités et à être nos partenaires, non pas nos adversaires. C'est un bon mouvement, qui ne délégitime pas l'action de l'Etat, bien au contraire.

- la seconde est que les conditions d'exercice, de cette mission publique ont radicalement changé: il faut se réformer soi-même, sinon, au bout d'un moment, on campe sur ses principes sans conserver prise sur la réalité. Ce qui facilite cette réhabilitation du service public, c'est le fait que nous ne sommes pas les seuls, en France, à nous en rendre compte; et que s'il est vrai que l'époque du grand libéralisme à tout crin n'est pas passée, elle a un peu de plomb dans l'aile dans la mesure où beaucoup de gens se rendent compte que dans les stratégies de développement en tous cas, l'absence d'Etat nuit gravement. Il est impossible de développer un projet si vous n'avez pas quelque part une autorité étatique, garante de l'ordre public et de la sécurité.

On redécouvre donc le rôle de l'Etat dans les régulations et le développement. Comme l'a rappelé le Premier ministre, pourquoi adopter des règlements internationaux s'il n'y a pas d'Etat pour les appliquer localement ? C'est pourquoi, l'appui à l'Etat de droit et le renforcement des mécanismes régulateurs des Etats sont au centre des priorités de la DGCID. Ceci constitue, le coeur d'excellence de notre coopération.

On est très compétent aussi, traditionnellement, dans les domaines de la coopération médicale, de la coopération sanitaire, de la coopération agricole et économique. Notre spécificité, notre valeur ajoutée, c'est de mettre en oeuvre une organisation des systèmes de régulation publique, de bonne marche des affaires publiques et de l'Etat.

Tout cela relégitime notre action mais en même temps, nous devons nous adapter, notamment sur les sujets suivants:

- le premier, c'est notre relation avec les systèmes multilatéraux. Il faut faire nôtre cette culture; et j'irai même plus loin: il faut intégrer, au fil des parcours de carrière, des passages au sein des agences multilatérales. Par exemple, nous aurions besoin d'intégrer massivement dans nos structures, soit à Paris, soit dans les postes, des agents qui ont une expérience multilatérale. Il faut également encourager nos agents à aller dans les structures multilatérales, et à y faire carrière. Ce n'est pas simple; parce que ce ne sont pas les mêmes systèmes de carrière et que, en général, quand on est dans le multilatéral, on n'a pas trop envie de revenir dans le bilatéral. Mais à titre d'exemple, l'expérience de Jean-Michel Sévérino, qui après avoir été vice-président de la Banque mondiale, à son niveau très élevé, revient à la tête de l'AFD, est exemplaire.

- nous devons en outre recruter des compétences nouvelles. Je prends l'exemple des postes d'attachés de Coopération universitaire que nous sommes en train de créer depuis 2-3 ans; l'ouverture à partir de cette année de postes de conseillers régionaux multilatéraux correspond à cette préoccupation. Nous allons les affecter dans 4 régions du monde, auprès des organismes régionaux. Nos Assistants Techniques devront aussi travailler à l'échelle régionale. Peut-être que Serge Tomasi, dans le secteur de la santé, vous en parlera plus précisément, mais l'idée, c'est d'avoir des plates-formes régionales d'assistance technique, à Dakar ou à Abidjan, qui rayonnent dans toute une région. On va commencer petit, à titre expérimental.

J'en viens maintenant à un certain nombre d'autres conditions qu'il nous faut remplir, et si vous voulez, on pourra parler plus en détail de l'assistance technique qui est en soit un chapitre extraordinairement important.

Il nous faut remplir un certain nombre de conditions afin de valoriser la ressource humaine.

- D'abord, il faut mieux identifier les besoins. Et donc, mieux affiner les profils de poste, faire de gros progrès dans l'écriture des lettres de mission. Le ministère de la Coopération avait une très bonne tradition en la matière. Ce n'était pas toujours le cas du ministère des Affaires étrangères. Notre objectif, c'est qu'il n'y ait pas d'agent qui ne parte à l'étranger sans une lettre de mission réactualisée.

- D'autre part, il faut que l'on élargisse nos viviers de recrutement. J'ai parlé du multilatéral, mais il faut aussi évoquer l'interministériel: il faut élargir davantage le vivier d'offres, chercher de nouvelles compétences dans la société française. Avec le ministère de l'Education nationale, on a maintenant une commission de recrutement qui fonctionne. On a mis au point un embryon de procédure du même type avec le ministère de la Culture. On essaie de le faire avec les autres départements ministériels, et aussi de faire en sorte que la DGA-DRH assure une large diffusion des profils de poste mis à recrutement. Il faudrait aussi recourir davantage aux petites annonces, y compris dans la presse grand public, afin que nos viviers de candidatures soient élargis.

- Ensuite, il y a le chapitre de la formation. Je me réjouis que le monde universitaire n'ait pas totalement délaissé les formations de haut niveau dans les domaines du développement. Il y a des formations qui ont été créées dans les universités, comme les DESS de gestion culturelle, les maîtrises de français langue étrangère, qui sont très importants pour nous par rapport aux besoins que nous avons. Sciences Po Paris a ouvert cette année une formation majeure sur les métiers du développement.

On essaie d'encourager les universités et les instituts d'Etudes politiques à développer ces formations. Bien sûr, c'est aussi à la mesure des débouchés qui peuvent exister. Mais, il est clair qu'au-delà du simple réseau de la coopération française, il s'agit de métiers à débouchés de plus en plus importants, surtout si l'on tient compte, et on l'a mis en valeur dans les rencontres de la Coopération multilatérale du mois d'avril dernier, du fait qu'il y a une demande croissante à l'international sur les marchés d'expertise internationale. Les chiffres, vous les connaissez, c'est de l'ordre d'une trentaine de milliards de francs par an pour l'expertise intellectuelle. La France occupe une place raisonnable, mais pas suffisante, sur ces appels d'offres internationaux, puisque nous représentons 14 % de ce marché. Nous pouvons prétendre à beaucoup plus compte tenu du poids intellectuel, scientifique que la France représente. Il s'agit donc de filières à débouchés importants. Si ce n'est pas auprès des structures françaises, au moins sur le marché compétitif international.

- Concernant la formation interne au ministère des Affaires étrangères, on pourrait en parler plus en détail si vous voulez, mais je ne vais pas allonger mon intervention. Cette année, le ministre Hubert Védrine, a voulu mettre un fort accent sur la formation: on a donc ouvert l'Institut Diplomatique, avec une première promotion d'une trentaine d'agents qui ont tous donné un taux de satisfaction très important. Deux agents de la DGCID y ont participé : ils ont été très satisfaits de cette formation. L'an prochain, cela doit s'élargir à 40 agents. Cela dit, reste posé le problème de la formation permanente des agents en poste, des agents à Paris et de l'assistance technique. Nous souhaitons élaborer un plan de formation 2002 pour l'ensemble des agents en poste à la centrale et pour l'assistance technique, au delà des stages de formation des nouveaux partants que nous organisons chaque été.

- Le cinquième point qui est important, c'est assurer aux agents la mobilité nécessaire. Comme je vous le disais, la difficulté, c'est qu'il y a des agents qui sont dans la maison et qui vont faire carrière avec nous, et d'autres qui ne sont que de passage. Notre devoir est d'assurer une bonne carrière aux gens qui sont dans la maison. Personnellement, j'essaie de faire en sorte que les gens qui passent à la DGCID soient promus. Je peux vous promettre que je me bats pour tous ceux qui nous quittent et qui ont fait du bon travail, afin qu'ils aient des postes qui les intéressent. Je crois y être arrivé à peu près jusqu'à présent. Deuxièmement, notre devoir, c'est de faire en sorte que les agents qui sont simplement recrutés contractuellement puissent, quand ils reviennent dans leur ministère d'origine, trouver des perspectives de carrière intéressante. C'est tout le travail que nous menons avec la DRIC du ministère de l'Education nationale et avec le ministère de la Culture. Je considère que c'est aussi l'une des tâches de la cellule des Ressources humaines que nous avons mise en place à la DGCID.

En ce qui concerne l'assistance technique, l'équation est simple. L'assistance technique, c'est à peu près 2000 personnes. C'est un outil extraordinaire que le ministère des Affaires étrangères a entre ses mains. C'est de l'or, c'est du diamant.

C'est un atout exceptionnel pour la politique de solidarité et d'influence de la France, il n'y a pas beaucoup d'autre pays dans le monde qui en bénéficient. Il faut donc qu'on se réapproprie intelligemment cet outil en faisant plusieurs choses : premièrement, il nous revient de négocier intelligemment les points d'implantation de notre assistance technique. L'assistance technique ne doit pas être, si j'ose dire, abonnée. En revanche, il ne faut pas hésiter à imaginer de nouvelles formes d'assistance technique, par exemple dans les pays émergeants ou les pays d'Europe centrale et orientale.

Pour se réapproprier ce fabuleux outil qu'est l'assistance technique, il faut garder le socle de cette assistance technique dite résidentielle, permanente. Celle-ci va être gérée avec le même statut, le même système de rémunération qui nous permet d'avoir des gens de haut niveau. Il faut également développer une assistance technique dite non résidentielle d'expertise. Et pour cela, on doit penser à un système interministériel permettant de mettre en commun les viviers de tous les ministères, de tous les établissements publics (secteur de la santé, secteur de la justice, secteur des transports, de l'équipement etc.), des collectivités locales, extrêmement importantes puisqu'elles représentent un énorme gisement de compétences, très demandées à l'international. Donc, mutualiser les viviers. Il faudra que nous puissions répondre aux appels d'offre internationaux et rentrer dans des consortiums. pour valoriser l'expertise française. C'est très compliqué à mettre en œuvre, mais on va essayer, c'est la direction et c'est ce qui devrait permettre, si on réussit, de revivifier complètement l'outil de coopération technique française. C'est un chantier de 2 ans, et beaucoup de travail.

Encore merci, et à l'année prochaine et j'espère avant aussi.

Questions

Marie-Claire Boulay, chargée de mission (DGCID)

Je suis tout à fait enchantée des propos de Monsieur Delaye (...).

Je voudrais revenir sur la mobilité. La plupart d'entre nous ne faisons pas partie de ce que nous appelons la diplomatie. Nous sommes des détachés, des pièces rapportées. Si l'on veut faire faire de la mobilité externe à des pièces rapportées, on se heurte de suite à une série de problèmes (...). Il y a des quantités d'organismes, l'Union Européenne, la Banque mondiale, le FMI, les collectivités locales, les entreprises privées ou publiques... tout un réseau de mobilité externe qui pourrait être exploité et que nous n'arrivons pas à intégrer parce qu'il y a des barrières administratives à n'en plus finir.

Henri-Luc Tibaut, conseiller de Coopération et d'Action culturelle au Togo

Je suis également tout à fait satisfait du discours que je viens d'entendre (...). Avec un tel discours, Monsieur le directeur général, vous jouez sur du velours, face à un public acquis à ces thématiques et à ces réflexions (...). Ce message que vous venez de nous faire passer, je ne suis pas sûr que les premiers responsables dans les postes l'aient complètement intégré. J'en entends qui considèrent que la coopération au développement ne sert à rien, que ceux qui s'en sont occupé pendant des années étaient des incapables, des gaspilleurs, voire que ceux qui en assurent aujourd'hui la promotion sont des irresponsables; que ce qui compte dans les pays dans lesquels on intervient, c'est d'abord la sécurité intérieure et la sécurité des Français, et qu'ensuite nos entreprises gagnent le plus d'argent possible. En matière d'information et de formation, il y a là un chantier très important à ouvrir, et certainement beaucoup de travail à faire.

Alain Boucher, chargé de mission (DGCID)

Merci pour ces propos, mais je rappelle que les mêmes ont été tenus à d'autres époques. On produit des choses positives qu'on a un peu oubliées et qu'on retrouve aujourd'hui. C'est une très bonne nouvelle! A l'époque, on s'est heurté à une série de difficultés: on a donné beaucoup de moyens à la formation, avec l'idée simple que "si l'on forme les gens, il en restera bien quelque chose".

En revanche, on a complètement buté sur la reconnaissance de cette formation dans les parcours des individus. On a répondu positivement à la demande des gens qui souhaitaient être formés, mais on a moins répondu à la reconnaissance de cette formation. Je crois que le chantier essentiel, aujourd'hui, c'est la formation mais aussi sa validation, surtout à un moment où l'on s'inscrit en mobilité. Vous avez peu développé la mobilité inter-statutaire. Pardonnez mon jargon, mais il s'agit en fait de se demander comment il est possible d'intégrer, dans la coopération de service public, les nouvelles générations qui ne sont pas fonctionnaires, qui ne désirent pas le devenir, et c'est leur droit. Où serait leur place dans le système ? C'est la question concrète que je pose: comment assurer la mobilité à l'intérieur de ces différents gisements qui s'engagent dans la coopération au développement et la coopération culturelle? Quel est le système de reconnaissance et de valorisation de cet engagement, et quelles sont les passerelles organisées pour que cette mobilité soit réelle ?

Jean-Marie Gautherot, CLA de Besançon

Je voudrais, Monsieur le directeur général, me faire l'écho d'une préoccupation. Vous avez évoqué, au sujet de la formation, le rôle des universités ou le champ des formations universitaires, en relation avec les besoins dans le domaine de l'aide au développement et de l'action à l'étranger. Comment envisageriez-vous le dialogue précisément avec les universités, à l'heure où celles-ci sont effectivement très préoccupées par leur action à l'international. Vous avez également évoqué certains DESS: comment pensez-vous dialoguer, sur ce terrain, avec les universités ?

Réponse

Bruno Delaye, directeur général de la Coopération internationale et du Développement (DGCID)

Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions, il y en avait beaucoup. Mais ce que je voudrais que vous compreniez bien c'est que nous avons une stratégie derrière tout cela, c'est qu'on suit un fil directeur. On ne se contente pas de gérer un outil, on va l'améliorer.

Le fil directeur est simple : on a fait une réforme en 1998; il faut désormais mettre des moyens en face des outils qu'on a mis en place. Il faut arrêter l'attrition, c'est-à-dire la logique du "On coupe, on élague, on rabote tous les ans". Ensuite, il faut se donner des objectifs en fonction desquels on investit dans la ressource humaine. Ce n'est pas plus compliqué, et ce que je veux aussi préciser, c'est qu'il s'agit d'un travail collectif; ce ne peut pas être le travail d'un petit état major. C'est également un travail de conviction de tous les instants.

Vous avez entendu six membres du gouvernement, à commencer par le Premier ministre, qui sont venus vous dire cela. Ils ne sont pas entrés dans le détail de la mobilité, des statuts, etc... Mais l'on n'attend pas cela d'eux, je considère que c'est très important qu'ils soient venus dire cela. Cela nous donne les éléments pour rebondir. S'il n'y a pas de consensus, au départ dans la société française, et bien il ne se passe rien, on meurt en silence.

Ensuite, les universités, et les formations universitaires, deux choses :

- La première, bien sûr, c'est de renforcer les relations et les liens avec les universités; en faisant davantage appel, même si on le fait déjà, à la matière grise qui existe dans nos universités, sous les formes des contrats d'étude, des contrats d'évaluation.

- Deuxièmement, associer de façon plus générale les universités à notre réflexion et aux filières de débouchés. C'est pour cela que lors des prochaines rencontres de la Coopération multilatérale que l'on va désormais organiser chaque année, il faut qu'on associe davantage le monde universitaire.

- Troisièmement, et cela fait suite à une réunion de travail tenue hier soir entre Monsieur Védrine et Monsieur Lang sur ce que nous allons prochainement mettre en place, les déclarations d'action internationale des universités françaises. Toutes les universités seront appelées à signer des conventions tripartites. Nous allons proposer aux universités qu'elles rédigent leur plan d'action internationale, qui comportera plusieurs volets: premièrement, la mobilité de leurs enseignants; deuxièmement, la mobilité de leurs étudiants; troisièmement, l'accueil d'étudiants étrangers, et les efforts faits pour mieux les accueillir. Et enfin, le développement de filières débouchant sur les métiers de l'international. Tout cela fait beaucoup de sujets sur lesquels, nous, ministère des Affaires étrangères, nous aurons la possibilité d'influer en mettant un petit peu d'argent incitatif s'il le faut.

On est donc sur ce créneau-là, et on annoncera cela le 29 août au moment de la conférence des Ambassadeurs.

A ce sujet, vous parlez de la différence de culture, des ambassadeurs qui s'en préoccupent peu, qui ne feraient pas attention à ce secteur. Je crois que cela change, il ne faut pas être injuste. Je vois la qualité de la correspondance des ambassades qui sont sur le terrain et ils s'investissent de plus en plus sur les sujets de coopération technique, de coopération culturelle. La qualité augmente. D'autre part, on essaie d'inclure cela dans leur formation. C'est très intéressant, lorsque Yves Saint-Geours et moi-même, nous sommes allés intervenir à l'institut Diplomatique, il y avait des choses dont ils n'avaient jamais entendu parler. Ils ignoraient l'existence d'opérations que nous faisons à la DGCID: "Ah! Vous faites tout cela, mais c'est extraordinaire!". Le simple fait d'avoir fait un rapport d'activité, de l'avoir distribué dans le ministère, a eu d'énormes conséquences: "Mais vous faites tout ça?... Mais c'est vous qui faites ça, on ne savait pas, on croyait que c'était les autres ministères, c'est incroyable! c'est étonnant... Ah, mais l'AEFE, c'est nous....on ne savait pas". C'est vrai qu'il faut communiquer et informer, et sur les tables rondes qui seront organisées pour la conférence des Ambassadeurs, on en co-sponsorise, si j'ose dire, 9 sur les 24 tables rondes qui porteront sur les sujets qui nous intéressent.

En ce qui concerne l'intégration de l'assistance technique sur place, c'est l'un de nos soucis. Les Assistants Techniques qui sont placés auprès des ministères ne doivent pas être abandonnés, et doivent faire partie intégrante des équipes. On demande, dans le cadre des C2D, aux ambassadeurs d'animer des comités de pilotage auxquels participent l'AFD, le SCAC, les Assistants Techniques sectoriels.

La France dans l'Union européenne
et les enjeux sur les ressources humaines

Gilles de Pas, consultant-animateur

Le thème du débat a été abordé pleinement dans cette présentation, ainsi que de nombreux enjeux concernant le MAE. Il serait intéressant, dès lors, de cerner la perception de la coopération internationale, ses enjeux, et observer comment des structures ont pu s'organiser pour y répondre. Je donne la parole à Monsieur Aguinaga qui représente la commission Européenne et qui a participé activement à sa refonte, en particulier dans le cadre d'Europaid.

Jean-François Aguinaga, administrateur principal à la commission Européenne, EuropAID

Présentation

Merci Monsieur le président, et merci à l'ACAD de m'avoir invité à intervenir lors de cette journée. Il est vrai qu'en plus, personnellement, c'est un vrai plaisir de revenir dans ces lieux puisque j'ai passé 17 ans au sein de ce qui était à l'époque la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques. Je retiens de ce parcours professionnel la chance assez extraordinaire que j'ai eue, il faut en être conscient, de faire sur les terrains, de l'enseignement, de la coopération linguistique, également au siège, de la coopération scientifique et technique. Donc, toute une série de métiers relativement différents. J'ai travaillé aux Etats-Unis, en Amérique latine, au Proche Orient. Je dois dire qu'avec le recul, cela a été une expérience tout à fait enrichissante d'un point de vue professionnel et probablement, cela a largement contribué, en terme de formation, à ce que je fais actuellement. J'ai bénéficié par ailleurs, je crois qu'il faut le signaler aussi, dans cette maison, d'un encadrement généralement de grande qualité (...).

Je vais parler de ce qui se passe à la commission Européenne, cette organisation vraiment non-identifiée comme le disait le président Delors. Je vais essentiellement parler de la gestion de la coopération en prenant le cas de l'Amérique latine, mais c'est également un propos qui peut être étendu à l'Asie qui se trouve dans une problématique un petit peu équivalente.

La première chose à savoir c'est que, effectivement, le modèle de coopération qui a été mis en œuvre depuis une dizaine d'années avec l'Amérique latine est un modèle extraordinairement centralisé. Ceci pour des raisons relativement évidentes. Il y a une dizaine d'années, la commission Européenne n'avait quasiment pas de délégations ou de représentations permanentes, ni en Amérique latine, ni en Asie. Plus exactement, elle en avait une qui se trouvait au Vénézuela, et qui était supposée couvrir la totalité des pays latino-américains, ce qui est évidemment quasiment impossible à réaliser. Donc, au total, le modèle était centralisé et très concrètement, ça veut dire que le siège à Bruxelles réalisait la totalité des opérations. Par exemple, les gens du siège n'avaient même pas de la part des délégations sur le terrain un début de programmation budgétaire pour l'année suivante, rien de tout cela. Tout était réalisé directement à partir du siège: les négociations de type commission mixte, la programmation, l'identification, la clôture et l'évaluation des projets, donc l'ensemble du cycle du projet.

Ce modèle aussi se caractérisait par l'attrition. Effectivement, la commission Européenne se trouve aussi dans une situation où la quantité de ressources humaines pose un vrai problème de nature structurelle. Toutes les études montrent que, là où la commission Européenne utilise un fonctionnaire pour gérer un certain montant de coopération, les Etats-membres, ou la Banque mondiale, en utilisent deux, voir trois. Le cas extrême étant le cas de l'agence de développement britannique qui a pour le même montant d'aide, trois fois plus de fonctionnaires qu'à la commission Européenne. C'est un détail intéressant.

Un modèle donc centralisé, avec finalement un règlement qui est sorti en 1992 qui distingue, grosso modo, deux grandes familles de coopération : la coopération au développement, au sens traditionnel du terme; et puis, la coopération économique prise dans le sens de ce que fait en France Bercy, le FASEP et aussi toute la partie de coopération scientifique et universitaire telle qu'on la voit aujourd'hui au sein de la DGCID. C'est relativement large. En terme de ressources humaines, concrètement, il y a 10 ans, il y avait une prédominance d'ingénieurs et spécialement d'ingénieurs agronomes. La raison de cela, c'est qu'il s'agissait du premier métier à l'international. Il a fallu prendre les ressources humaines là où elles étaient, c'est à dire des gens qui avaient travaillé sur les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique, et qui avaient travaillé pour la coopération avec l'Amérique latine. Et puis, petit à petit, notamment avec l'apparition de la coopération économique, on a vu apparaître des profils un peu différents: des économistes, des financiers, des gens qui avaient fait Sciences Po également, et qui ont commencé à occuper une place plus large.

Avec le recul, la principale critique qu'on peut faire de la coopération telle qu'elle a été mise en œuvre dans la période 1990-95 par la commission Européenne, c'est probablement qu'il y avait une proportion très grande de projets de petite taille, lesquels généraient nécessairement au sein de la structure de la commission des coûts de transaction extrêmement élevés. Cela a permis de tester toute une série d'hypothèses, probablement d'acquérir un certain nombre de savoir-faire, mais en même temps, et notamment compte tenu du manque de ressources humaines, il est clair que la commission ne pouvait pas continuer dans une course folle à des petits projets générant énormément d'actes administratifs qui pèsent sur la gestion au sein de la commission.

Le premier essai d'une vision un peu plus structurante, c'est l'apparition, sous forme quasiment de prêt à porter, de programmes qui s'adressent à l'ensemble des universités européennes et latino-américaines en proposant de manière plus standardisée, une offre de coopération européenne. Cela a permis de structurer la coopération sur quelques grands volets (les universités, les collectivités locales, l'appui au PME, la coopération énergétique...) de telle sorte que les coûts de transaction interne pour la commission Européenne soient acceptables. C'est ce qu'on a connu à partir de 95.

1998 a marqué la première grande réforme qui est intervenue en matière de gestion de l'aide au développement et qui a conduit à la rupture du cycle du projet. En effet, on a fait le choix de séparer les phases d'identification, de décision et d'engagement financier (qui étaient traitées au sein d'une direction générale, politique) et d'autre part le SCR (le service de gestion de la coopération extérieure) qui lui, prenait le bébé après la décision, s'occupant de la gestion technique, de faire les appels d'offre, d'assurer le suivi et le contrôle de chacun des projets jusqu'à la clôture et l'évaluation finale.

Schéma théoriquement très intéressant, mais absolument catastrophique en terme de ralentissement de la mise en œuvre de la coopération. Le transfert, qui théoriquement aurait dû se faire de manière relativement simple, à partir de la décision vers le SCR, s'est trouvé au milieu de discussions invraisemblables, de litiges, de contentieux entre les services, avec en plus une modalité d'arbitrage qui était absolument impraticable, à savoir qu'un arbitrage même marginal, devait se faire au niveau du directeur général de la DG et de son homologue au sein du SCR. Donc, structure qui théoriquement, sur le papier, pouvait fonctionner mais qui a été abandonnée à la fin de l'année 2000 parce que tout à fait impraticable.

Ceci dit, et malgré cette expérience délicate et peu efficace, pendant ces deux années, le SCR a contribué à un certain nombre d'acquis, notamment en terme d'harmonisation des procédures. Pour ceux qui ont pratiqué un peu les circuits européens, la commission se caractérisait pas une pléthore de procédures diverses et variées, un appel d'offre pour l'Amérique centrale n'avait rien à voir avec un appel d'offre sur l'Europe centrale, etc... Tout cela a été ramené à des proportions à peu près raisonnables: on a désormais des appels d'offre, des appels à propositions dont la publicité est effectivement garantie, ce qui n'était pas tout à fait le cas précédemment. Les contrats sont également standardisés. Je pense qu'un bon équilibre a été établi entre les services techniques et les services en charge des contrats et des finances. D'autre part, autour de ce que l'on appelle le cadre logique, on a quelques outils qui sont désormais communs à l'ensemble des gens qui font de la coopération quelle que soit la zone géographique. Enfin, l'évaluation est devenue systématique.

Deux ou trois indications sur la situation actuelle. Au 1er janvier 2001, EuropAID, office de coopération, a été créé. On a réunifié la totalité du cycle du projet. De l'identification jusqu'à l'évaluation finale, c'est toujours une entité géographique, c'est à dire une direction géographique, qui s'occupe de tout, évitant donc tout problème d'arbitrage. On vient d'adopter, (même si on ne le dit pas très clairement) des seuils, c'est à dire que pour nous, un projet, c'est au minimum 10 millions d'euros, sinon, on ne fait rien. Et la tendance lourde également, à la fois sur l'Asie et sur l'Amérique latine, c'est qu'aujourd'hui, on s'oriente, au-delà des projets et programmes comme on a pu les faire dans le passé, vers de l'aide budgétaire, de l'appui à l'ajustement, c'est à dire vers une vraie tendance à la décentralisation et à des opérations chaque fois plus importantes en montant. C'est une modalité qui existe dans d'autres régions géographiques mais qui est relativement nouvelle sur l'Asie et l'Amérique latine.

Le deuxième point, c'est que le modèle très centralisé que je décrivais précédemment, va connaître un changement tout à fait radical puisque la moitié des effectifs d'EuropAID, dans les deux ou trois ans, vont être envoyés sur le terrain auprès des délégations, dans les différents pays en développement. Cela veut dire que sur les 1200 agents que compte EuropAID aujourd'hui, il y en a 600 qui seront sur le terrain dans les deux ou trois ans. C'est considérable, cela suppose un effort de formation gigantesque. Les agents envoyés dans les délégations seront obligés d'assurer une grande variété de tâches: la publicité sur les appels d'offre, la rédaction des appels d'offre, leur sélection, l'offre de contrats, les paiements, les recouvrements,... donc une palette d'activités beaucoup plus large. De plus, il faudra qu'ils le fassent seuls. Il faudra oublier le recours à du back office avec le siège. C'est positif au sens où ça va donner beaucoup de visibilité à la coopération européenne mais à l'évidence, il y aura aussi un effet de ciseaux dans la mesure où une structure qui vient de naître au 1er janvier, et dont on sait que la moitié des effectifs va partir, c'est une structure qu'on aura probablement du mal à stabiliser au niveau du siège.

Deux ou trois considérations en conclusion. La première, c'est que quelle que soit la matrice choisie pour structurer une administration en charge de la coopération (...), au total et au final, l'ajustement se fait toujours en fonction de la qualité des ressources humaines dont on dispose.

La deuxième, c'est qu'on s'oriente vers des mécanismes où le plan de travail, le profil de poste, les lettres de mission seront autant d'instruments qui seront en place de manière systématique, également au sein de la commission. C'est une modalité de gestion à laquelle nous n'échapperons pas. Enfin, il est important de mettre en place des outils d'évaluation de la performance individuelle des différents acteurs.

Et dernier point, la mobilité qui, à la commission, se fera désormais du siège vers le terrain, c'est déjà une grande nouveauté et c'est très bien. Je pense toutefois qu'une mobilité qui se limiterait à un jeu siège-terrain, au sein même des services de la commission, demeurerait une approche étroite. On aurait donc intérêt à penser à des mobilités vers les Etats-membres: mobilité d'un fonctionnaire vers une ONG, ou vers une collectivité territoriale.

(...).

Les concepts de gestion des emplois,
des ressources humaines et des compétences

Gilles de Pas, consultant-animateur

Je vous propose de reprendre la séance. Déjà à travers les exposés de ce matin, certains termes sont apparus, parmi lesquels: compétence, mobilité, métiers... Ils n'ont pas forcément la même signification dans la bouche des uns et des autres. Donc, en préambule aux exposés de la fin de cette matinée, et afin d'éviter les problèmes de sémantique, Benoît Théry va nous faire une courte présentation de certains termes.

Benoit Théry, TIM consultants

On m'a demandé effectivement de vous présenter, en introduction, quelques concepts de gestion des emplois, des ressources humaines et des compétences, susceptibles d'être utilisés dans la suite de la journée. Je vais essayer de donner des définitions les plus simples possibles, en m'efforçant d'en choisir qui soient consensuelles, sans être pour autant spécifiques au secteur public.

En ce qui concerne les variables principales du travail, on peut en distinguer deux essentiellement: d'une part, les activités à assurer, et qui requièrent des compétences, c'est ce qu'on appelle les emplois; d'autre part, les personnes qui peuvent assurer ces activités et apporter des compétences correspondantes.

Je vous propose de passer quelques instants sur les notions qui se situent autour du terme d'emploi et quelques instants sur les notions de ressources humaines.

Emploi, de quoi s'agit-il ? C'est un ensemble organisé d'activités homogènes qui sont à assurer dans une organisation, qu'elle soit une entreprise ou un service public. Ces activités sont suffisamment proches pour pouvoir être exercées par une seule et même personne. Donc, un emploi correspond à un groupe théorique de postes de travail, qui eux sont bien réels, et qui sont similaires ou proches par leurs activités ou les compétences qu'ils requièrent.

Tandis qu'un poste est une situation de travail individuelle et localisée. Par exemple, il y a différents postes de secrétaires dans différents services d'une structure, si leurs activités sont suffisamment proches, on peut considérer qu'elles relèvent d'un même emploi de secrétaire.

Un métier a un sens technologique. C'est un ensemble d'activités définies par la maîtrise d'un corpus de techniques et de compétences, d'ailleurs, souvent reconnues officiellement. Par exemple : médecin, agronome, architecte… La notion de métier est plus large que celle d'emploi. Elle peut traverser différentes organisations, le métier peut regrouper des niveaux de qualification différents, il peut regrouper des spécialisations différentes. Par exemple, le métier de comptable, il peut y avoir des niveaux différents, d'aide comptable à chef comptable, ou des degrés de spécialisation différents comme facturière dans une grande entreprise ou secrétaire comptable dans une PME. Ce qui permet éventuellement de progresser d'un emploi à l'autre dans le même métier. On notera que le métier a aussi un sens collectif, il a déjà été utilisé ce matin, il désigne alors l'activité et la compétence qui sont spécifiques à une organisation. Par exemple, le métier de transporteur aérien, de constructeur automobile, de promoteur immobilier etc.

On a parlé de mobilité, on s'efforce parfois d'organiser cette mobilité en suivant des filières d'emploi, ce qui suppose de faire un tout petit détour par la notion de niveau d'emploi, sans entrer dans la technique. Le niveau de difficulté, de responsabilité inhérent à l'exercice d'un emploi, c'est donc distinct de la notion de grade stricto-sensus. Quant à une filière d'emploi, c'est un parcours professionnel-type, qui permet de passer d'un emploi à l'autre, de niveau égal ou supérieur, de telle sorte que chaque emploi d'origine, prépare par l'expérience et les compétences qu'il a permis d'acquérir, à exercer chaque emploi de destination. Donc, il y a une utilisation successive des expériences, des emplois, de la filière.

On passe rapidement au volet ressources humaines, c'est à dire le volet des personnes cette fois. Et on peut trouver deux sens à ces ressources humaines, c'est à dire aux ressources apportées à une organisation par les personnes. Un sens de ressources en homme, c'est à dire, le facteur travail pourrait-on dire, par distinction des ressources matérielles ou des ressources financières apportées à un processus de production de biens ou de services. Mais aussi le sens des ressources en homme, c'est à dire des compétences, des performances, du potentiel qui peuvent être apportés par les personnes et qui peuvent être développés.

Enfin, on a beaucoup parlé de compétences. Ce qui suppose là aussi un léger détour par le terme de capacité, à savoir le fait d'être capable de réaliser une activité élémentaire donnée, qu'on peut atteindre dans un organisme de formation par exemple. Et les pédagogues parlent souvent, traditionnellement, de capacités, elles-mêmes classées en savoirs, savoir-faire, savoir-être...

Alors, qu'est-ce qu'une compétence? C'est une combinaison opérationnelle de capacités qui permettent un résultat directement utile à l'organisation en mobilisant, d'une manière intégrée et efficace, différentes capacités, c'est à dire différents savoirs ou savoir-faire, y compris relationnels. (...) Par extension, on parle de compétences collectives.

Deux termes encore.

Qualification, c'est un ensemble de capacités ou de compétences qui sont reconnues officiellement, qui sont validées, qui visent un emploi type ou un métier, et reconnues par un système de validation, souvent un système de formation ou éventuellement les partenaires sociaux.

Enfin, dernier mot sur la performance dont on a parlé ce matin, on a parlé d'évaluation de performance par exemple, ce qui signifie un résultat observable de l'activité professionnelle par rapport à une norme ou à un objectif, au moyen d'indicateurs de production, coût, délais, qualité. On retrouve un peu ici la logique de projet. La compétence contribue à produire de la performance mais la performance ne dépend pas seulement de la compétence. Elle résulte aussi d'autres facteurs : motivation, organisation, management, moyens apportés.

Voici quelques conventions de vocabulaire en 3 minutes, qui pourront,peut-être, être utilisées dans la journée.

L'acquisition des compétences utiles à l'international

Gilles de Pas, consultant-animateur

(...) Je donne la parole à Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au CERI, qui appartient à la fondation nationale des Sciences politiques, et qui va aborder le problème de l'acquisition des compétences.

Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au CERI, fondation nationale des Sciences politiques

Je serai aussi bref que je le promets, et je voudrais développer deux points, plus un demi-point utopique sur la fin.

Tout d'abord, je voudrais dire que je suis moi-même spécialiste de la Chine et de l'Asie et c'est peut-être cela pourquoi certains d'entre vous me connaissent. J'ai passé aussi une grande partie de ma carrière à diriger des institutions formant à l'international. C'est le cas notamment du CERI que j'ai dirigé pendant 9 ans, et j'ai été pendant 6 ans directeur scientifique de Sciences Po. Je m'apprête à l'expatriation puisque je vais partir à Pékin prochainement. Je voudrais d'abord réfléchir aux formations à l'international qui existent au plan universitaire et ensuite, au problème tragique, bourbeux littéralement, de la formation continue.

La question des formations existantes sur l'international était l'objet de la commission que François Heisbourg a dirigée, qui a rendu son rapport il y a peu, et à laquelle j'ai beaucoup contribué. En gros, la conclusion de cette commission était assez critique. En effet, la constatation était que les compétences au niveau scientifique, les compétences dans la recherche sont réelles encore que, elles aient une quantité de défauts, je vais y revenir très brièvement, mais que la formation distribuée sur les problèmes internationaux pêche par bien des endroits, encore sommes-nous dans du positif par rapport à ce que je dirai sur la formation continue.

Au plan international, les compétences acquises par la recherche française sont traditionnellement de haut niveau mais il faut le dire franchement, en déclin. Ce déclin tient très largement à des moyens très insuffisants par rapport à nos concurrents, notamment américains, mais aussi européens. Il tient également bien souvent à la faible malléabilité des institutions donatrices, l'absence ou la quasi absence de fondations, vous savez tout cela, vous en souffrez également. Néanmoins, il y a un certain nombre de compétences acquises, avec notamment des institutions comme l'école des Hautes études, le CNRS, Sciences Po, le CERI... Les compétences sont plus fortes sur les aires culturelles car, bizarrement, il y a là une tradition française. Les Français aiment beaucoup les aires culturelles, ils aiment s'intéresser à la différence, quand ils ne la méprisent pas, ils la surévaluent. Il faut se reporter au colonialisme, ou son envers parfois à peine différencié du sudisme. Il y a aussi d'autres traditions françaises, dont par exemple le rôle des militaires dans la connaissance, les traditions littéraires,... toute une série de jolies choses. Bref, ceci fait que nos compétences sont de bonne qualité même si des défauts intellectuels très graves se traduisent parmi les défauts de la formation universitaire auxquels je viens tout de suite.

Depuis quelques années, des progrès intéressants ont lieu dans les troisièmes cycles et les DESS. Néanmoins, les formations universitaires disponibles souffrent de graves défauts, notamment dans les premier et deuxième cycles qui font face à des problèmes structurels bien connus qui d'ailleurs dépendent plus de ce qu'est l'université que de ce que sont les études internationales. Claude Allègre les avait compris, il avait à peine éraflé le problème, il faudra bien un jour, peut être avant quelques siècles, que quelqu'un s'occupe de l'université. Les defauts des formations universitaires sont: les problèmes structurels, une mauvaise adaptation aux besoins professionnels, un enseignement abstrait, général, souvent dominé par des problématiques voisines qui ne sont pas des problématiques d'emblée internationales.

'enseignement international est d'abord juridique (c'est la catastrophe des facs de droit), d'abord de sciences politiques (c'est une autre catastrophe), d'abord économique (c'est la troisième) et, il combine très rarement toutes ces disciplines, ce qu'il devrait pourtant faire. Tout enseignement sur l'international devrait partir d'une problématique pluridisciplinaire. Les problèmes d'inadaptation aux besoins professionnels sont également intellectuels, c'est à dire qu'on privilégie très souvent les area studies, les zones, " Ah, je suis internationaliste"... "Oui, mais de quoi ?"... "Et bien, je suis spécialiste du Paraguay ". Bon, je crois que les spécialistes du Paraguay devraient, d'abord, être des spécialistes d'Amérique latine et avoir une formation disciplinaire forte. Nous sommes donc très bons souvent dans les area studies, et beaucoup moins bons dans les grandes problématiques générales. On a fini par rattraper le terrain dans les problématiques que quelques décennies après on ne pouvait plus ignorer : l'est-ouest, oui, il n'y a plus d'est mais maintenant il y a des études sur l'est-ouest ! La pensée sur le développement, qui a été longtemps très idéologique, est tout simplement devenue aphasique. Je ne crois pas pour ma part que l'université rende le service que la Nation française devrait lui demander. Je pense surtout que les nouveaux enjeux de l'international sont très peu couverts par l'enseignement et la recherche universitaire. Je pense par exemple à l'immense problème sur l'environnement, sur lequel le Haut Conseil de la Coopération Internationale va réunir son séminaire d'été, et c'est une très bonne idée, et j'aurais aimé que des colloques aussi importants fussent organisés dans des milieux universitaires.

C'est également le cas des problématiques de l'espace, c'est à dire ce qui se passe dans le ciel, sur lesquels les ouvrages, les recherches, les enseignements sont faibles. D'ailleurs, aussi, j'ai dit que notre recherche sur le Sud était souvent devenue un peu aphasique, cela n'empêche pas que le Sud intéresse beaucoup plus notre pays que le Nord. Nous avons, paradoxalement, assez peu de très bons spécialistes des problèmes européens. Evidemment, nous avons plus de spécialistes de l'adhésion de la Roumanie que de spécialistes de la commission Européenne. Un des pays que nous connaissons le moins bien est les Etats-Unis, sur lesquels le nombre de spécialistes réels que nous avons (ils sont excellents) n'est paradoxalement pas plus important que ceux que nous avons de l'Angola ou du Mozambique.

La méthode, également, mériterait des réflexions. A Sciences Po, on y a travaillé. Je crois qu'il ne faut pas enseigner des connaissances seulement, il faut enseigner à savoir voir. C'est à dire qu'il faut savoir voir ce qu'il faut voir, ce qui pose au moins trois questions : savoir voir non seulement le haut, mais le bas également d'un ensemble social, non seulement le centre mais sa périphérie, et souvent, il y a des formes de rhizomes qui ramènent la périphérie au centre, non seulement le macro mais le micro. Il y a des micros qui peuvent jouer qualitativement très fortement. Savoir également définir des partenaires, savoir les trouver, savoir jouer avec. Il n'est pas possible de travailler en Asie sans savoir ce que c'est que les réseaux sociaux, qui bien souvent comptent beaucoup plus que le droit. En Chine, il n'y a pratiquement pas de droit, il y a en revanche une sorte de système de réseaux, tantôt de groupes d'intérêts, tantôt purement et simplement mafieux, qui finalement font tenir le régime à peu près aussi bien qu'un système capétien. Donc, je pense que la méthode compte beaucoup, et qu'il faut apprendre non seulement des savoirs, mais apprendre ensuite une façon de travailler, une façon de s'informer localement.

Je voudrais terminer par la question dantesque, dramatique de la langue. On a souvent un train de retard chez nous. C'est à dire que c'est au moment où nous avons enfin compris que tout le monde doit savoir l'anglais, que nous ne comprenons pas assez qu'il faut savoir, non seulement l'anglais, mais au moins deux autres langues étrangères. Je crois que ce n'est pas simplement un besoin concret, c'est une réflexion intellectuelle que je vous propose, car le monde subit trois grandes évolutions. Premièrement une évolution de mondialisation, c'est l'anglais, c'est la langue mondiale, elle doit être une deuxième langue à apprendre le plus tôt possible. Deuxièmement, il y a un phénomène de régionalisation c'est à dire que nous avons à la fois notre région et les autres régions du monde. Cela appelle pour tout Français la connaissance absolument nécessaire d'une autre langue européenne, sans quoi d'ailleurs, le déclin du français risquerait de s'accélérer dramatiquement. Et troisièmement, nous devons avoir l'accès aux autres grandes régions du monde. Je considère donc l'accès au portugais, au chinois, au japonais, au russe, comme absolument nécessaire au niveau du supérieur. Nous ne devrions pas produire un diplômé, et à fortiori un diplômé dans un domaine international, qui n'ait pas la maîtrise de trois langues: la langue de la mondialisation, une langue européenne et une grande langue des régions du monde.

Je crois que le résultat de tout cela, c'est deux choses: d'une part, la catastrophe; et d'autre part, le miracle. La catastrophe, c'est que la formation que nous délivrons, et donc les diplômés qui en sortent, ont souvent une connaissance abstraite, bizarrement abstraite, mais pas forcement conceptuelle. Hegel faisait bien la différence entre l'universel, qui est concret, et le général qui est abstrait. C'est à peu près la situation: formations insuffisamment pratiques et professionnelles, insuffisamment ciblées. Les DEA et les cycles supérieurs dans les universités sont très peu profilés pour les métiers de l'international. Et pourtant, deuxième point, elles tournent, et il y a des compétences qui se forment sur le terrain. Je crois que ça tient beaucoup plus à la qualité de l'enseignement général qui est encore dispensé dans beaucoup de lycées français, ou à des traditions intellectuelles françaises, qu'aux formations spécifiquement adressées à l'international.

J'ai été jusqu'à présent assez sceptique, et je crois qu'à propos de la formation continue, ce sera pire encore. L'habitude est bien connue dans nos entreprises françaises, quelles qu'elles soient, qui travaillent à l'international, commerce, connaissance, expertise … : le manque de temps pour lire, le manque de temps pour assister à des conférences. La preuve qu'il n'y a vraiment pas le temps, c'est la diffusion des revues internationales. Elles sont d'excellente qualité, et survivent en français grâce à un héroïsme de tous les jours. Politique étrangère, Politique internationale, Revue internationale et stratégique, Critique internationale sont d'excellent niveau, mais les chiffres de leur diffusion sont une des hontes de notre société. Je crois qu'il faut réfléchir aux raisons de ce pas le temps. Je crois qu'il y a une atmosphère sociale, c'est la France, l'hexagonalisme, qui font que l'international est peu valorisé. Ceci est vrai aussi pour les carrières. On sait tous que les gens qui partent à l'étranger, à leur retour, éprouvent du mal à se caser, et perdent bien souvent des promotions. Mais l'international est aussi peu valorisé dans les médias, dans l'édition. Par exemple, je n'arrive pas à publier un livre sur l'Inde, je me suis adressé à tous les éditeurs français or, il n'y a pas une édition suffisante sur un très grand problème international, un pays d'un milliard d'habitants! L'atmosphère d'hexagonaliste se traduit également par la faiblesse de notre appareil des médias, le faible nombre de correspondants. Il faut que vous sachiez que par exemple, la Chine a plus de correspondants à Paris actuellement, que nous n'avons de correspondants français à Pékin, le rapport n'est pas de un à deux, il est plutôt de l'ordre de un à quatre, ou cinq. De même, les Japonais s'intéressent à nous beaucoup plus que nous ne nous intéressons à eux puisque les correspondants japonais à Paris dépassent la trentaine, alors que nous en avons peut être trois ou quatre qui sont, sur une base régulière, à Tokyo. Donc voilà, l'hexagonalisme français n'est pas mort. Quelques journaux échappent à cela Le Figaro, Libération et Le Monde.

Il y a une deuxième chose, c'est ce que j'appelle la théorie de la science infuse, théorie qui, à mon avis, gouverne sourdement les organisations françaises, en ce qui concerne à peu près tout d'ailleurs, mais également la connaissance de l'international. Cela tient bien souvent à la conception césaro-papiste que les dirigeants ont de leur direction, c'est à dire qu'ils ont eux-mêmes, plus qu'aucun autre, la science infuse, y compris sur les problèmes internationaux. Ainsi, après vous avoir entendu vingt minutes sur la Chine, ils vous attirent dans un coin pour vous dire : "Cher ami, j'ai compris, la Chine c'est ça, ou le Japon c'est ça, on n'y reviendra pas, ce n'est pas la peine", etc....

Et puis, il y a aussi un autre mécanisme qui est ce que j'appellerai la défense des compétences internes. C'est l'idée que les compétences internes à l'international, comme dans tous les autres domaines techniques, doivent toujours l'emporter sur l'acquisition de compétences externes. Je crois que tout cela est désolant. Certes, on peut signaler des évolutions positives très intéressantes qui sont à l'œuvre, notamment, dans les multinationales françaises.

Je crois aussi qu'il faut que je vous présente publiquement une autocritique. J'ai déjà été dur à l'égard de l'université, je vais l'être plus encore maintenant. Les systèmes de formation continue, offerts par les institutions universitaires (à quelques brillantes exceptions près : Sciences Po, les Hautes études...), sont faibles pour des raisons structurelles. En effet, il y a encore des universités françaises où l'on critique pour des raisons idéologiques l'idée d'offrir une formation continue aux entreprises et où l'on privilégie les formations adressées aux avocats, aux notaires de province... par rapport aux formations à l'international. Ce n'est pas de leur faute, ça marche pas, c'est la France! Et je crois aussi que cette question de la formation continue ne peut pas être isolée de l'absence de liens, dans beaucoup d'universités, avec le secteur privé. On a corrigé ça depuis longtemps à Sciences Po également, mais ça ne suffit pas. Vous ne pouvez pas prétendre enseigner les firmes, si vous ne faites pas appel dans la sélection des personnels enseignant à des professeurs qui viennent des firmes, s'il n'y a pas un dialogue. Il faut comprendre qu'il y a du savoir partout: il y a du savoir à l'université, c'est le travail de l'université de le construire et de le diffuser, mais il y a aussi du savoir ailleurs, et c'est le devoir des universités d'y faire appel.

Alors, je crois que pour toutes ces raisons-là, des mesures doivent être prises dans ce domaine aussi essentiel que la compétence à l'international, pas seulement dans les organismes dont c'est la mission, mais également dans d'autres organismes parce que l'international aide à cibler ce que l'on fait en France. Je crois qu'il faut donc réagir. Il me semble que la situation dans les grandes entreprises commence à bouger, et mériterait des études plus précises. Peut-être, commence-t-il à y avoir certaines opportunités de travailler avec certaines grandes entreprises qui sont engagées très fortement à l'international et qui ont besoin, et le savent de mieux en mieux, de réagir. Je crois aussi que certaines grandes administrations ont mis en place des moyens pour le faire. Je salue par exemple ce qui se fait au ministère de la Défense qui travaille beaucoup maintenant en liaison avec la recherche, et au ministère des Affaires étrangères qui vient de construire cette ébauche d'institut Diplomatique dont le programme est extrêmement intéressant. Je crois qu'il y a des moments où il faut quand même estimer que la meilleure façon d'être réaliste, c'est d'être utopiste. Il faut rappeler la situation assez difficile sur le plan de la transmission du savoir pour reprendre un petit peu les utopies fondamentales qui doivent gouverner toute réflexion sur la formation. Je crois qu'il n'y a que dans des sociétés complètement bureaucratisées que l'on croit que l'université est à part de la société, qu'elle n'est que le travail de l'Etat et l'affaire des universités. Je crois que, quand elle faiblit elle-même, l'université, née à l'origine d'un véritable élan social, doit être recréée par la société. La problématique d'université privée-d'université publique est selon moi une problématique stupide. Le terme universel désigne la priorité du public dans les intérêts, la priorité de la gratuité. On peut très facilement trouver des façons pour l'Etat d'encadrer tout ça, mais la société française doit retrouver des élans pour trouver des institutions productrices de savoirs adaptés à ses besoins.

Deuxièmement, je pense qu'il faut reprendre un certain nombre de consubstantialités fondamentales: on ne peut pas distinguer savoir et voir, et d'autre part, savoir, c'est apprendre à voir. De la même façon, il y a une consubstantialité entre comprendre, agir, enseigner et débattre. Un métier à l'international est un métier qui doit profiter de l'enseignement, mais qui doit également construire et produire de l'enseignement.

Je terminerai sur cette idée que tout organisme, surtout à l'international, qui se donne pour mission l'action, doit être aussi un séminaire lui-même. Il doit lui-même se donner à penser, se donner à voir ce qu'il a vu, ce qu'il a compris, et le transmettre aux autres générations. Merci.

Les métiers de la coopération internationale :
évolutions et modalités actuelles de la coopération internationale ; perspectives : besoins et attentes en matière de ressources humaines

Gilles de Pas, consultant-animateur

Merci à vous. Je vous propose d'écouter les intervenants suivants:

- Serge Tomasi, sous-directeur à la direction du Développement et de la Coopération technique au sein de la DGCID;

- et Djeidi Sylla, conseiller au bureau des Politiques du développement du PNUD.

Serge Tomasi, sous-directeur de la Coopération technique et du Développement (DGCID)

Pour commencer, je voudrais remercier l'ACAD pour cette initiative qui nous permet un échange, un débat sur les ressources humaines en nous invitant à nous projeter dans l'avenir et à penser la coopération internationale de demain. Je crois que l'ACAD est dans son rôle qui n'est pas de gémir mais plutôt d'être un lieu d'échanges, de réflexions et de propositions. J'espère qu'à l'issue de cette journée nous serons capables de dégager des propositions. Je crois qu'il est utile de se projeter dans l'avenir, face aux interrogations sur la coopération pour le développement, sur la prétendue fatigue de l'aide.

Pour ma part, je suis résolument optimiste. Je pense que nous faisons un métier d'avenir. La vraie question, c'est de savoir: comment, dans quelles conditions et peut être dans quel lieu, quelle structure, nous allons exercer notre métier. Je pense aussi que le ministère des Affaires étrangères joue une partie de son avenir sur sa capacité à intégrer pleinement dans ses priorités, ses modes de fonctionnement et ses modes de gestion, cette activité. La coopération internationale, loin de se tarir, est en effet appelée au contraire à s'intensifier dans les prochaines années.

Je voudrais partir d'un point de vue très général, sur notre métier et l'environnement dans lequel nous l'exerçons, pour en venir par la suite à quelques propositions concrètes.

Quel est notre métier aujourd'hui ? Prenons la définition donnée par monsieur Théry : un métier est un ensemble d'activités définies par la maîtrise d'un corpus de techniques et de compétences particulières, souvent reconnues officiellement, et parfois liées à une tradition professionnelle... C'est une notion qui ne se réduit généralement pas au champ d'une organisation donnée, elle est transversale... Je crois que l'activité qui est la nôtre correspond assez bien à cette définition: nous réunissons en effet tous les éléments cités, un ensemble d'activités; ce qui suppose la maîtrise de techniques et de compétences particulières liées à une tradition professionnelle, et renvoie à la notion de transversalité.

Il n'est pas possible d'aborder une discussion sur notre métier sans le situer dans le contexte de la mondialisation, des évolutions géopolitiques récentes. Je rejoins pour ceux qui l'ont suivie l'analyse de Jean-Michel Sévérino sur l'importance de la thématique des biens publics mondiaux pour refonder notre outil de coopération, au service de la construction d'un nouveau monde, d'un village global, qui suppose d'inventer de nouvelles formes de coopération et de régulation.

Effectivement, nous sommes sortis il y a une dizaine d'années de l'affrontement entre deux blocs avec la chute du mur de Berlin, et aujourd'hui nous sommes dans une phase d'intégration accélérée des marchés, des économies mais aussi des sociétés. On est en train de construire ce grand village global, avec une forte compétition, de nature politique, sur le modèle de société qui va émerger. On a parfois l'impression que c'est un bateau ivre sans capitaine, avec une domination des marchés, avec énormément d'exclus (plus de deux milliards de personnes qui vivent avec moins d'un dollar par jour) et beaucoup de conflits, principalement localisés dans les PVD (on compte environ aujourd'hui une quarantaine de conflits dans le monde dont plus de la moitié sont localisés en Afrique). Mais comme l'ont dit les militants de Porto Alegre, un autre monde est possible. C'est aussi le titre de l'excellent ouvrage de Jean-Louis Bianco et de Jean-Michel Sévérino publié à la fondation Jean Jaurès que je vous invite tous à lire. C'est enfin le discours de la France, à travers ses plus hautes autorités qui défendent l'idée d'une mondialisation à visage humain, thème de l'intervention de notre Premier ministre à l'Assemblée générale des Nations unies en octobre 1999, thème du rapport sur le développement humain du PNUD la même année. Nous ne nous satisfaisons pas du monde actuel et nous voulons corriger les déséquilibres, réduire les disparités qui sont insoutenables politiquement, socialement et économiquement à moyen terme.

Je crois que c'est là un point de départ très important : comment refonder notre coopération internationale à la lumière des changements géopolitiques en cours ? Sommes-nous confrontés à une crise du développement, à la fatigue de l'aide, ou bien, et c'est ma conviction, sommes-nous entrés dans une phase d'adaptation des objectifs et modalités de la coopération à un nouveau contexte international qui exige de nouveaux modes de régulation ?

Par rapport à cette première idée, il faut, je crois, relativiser le débat coopération d'influence - coopération de solidarité. La coopération de solidarité, la coopération au développement a toujours été une coopération d'influence. L'ancien champ du ministère de la Coopération était avant tout une zone d'influence envers des pays avec lesquels nous avions des liens historiques. L'idée de solidarité ne veut pas dire absence de valeurs, de volonté de promouvoir un système de valeurs. Même au niveau multilatéral, certaines agences assument totalement cette dualité, la coopération au développement ayant pour objectif de promouvoir un certain nombre de valeurs. Je citerai le cas de l'ONU : à l'ONU, au début des années 90, l'UNICEF a développé ce qu'on a appelé l'approche basée sur les droits à partir de la convention sur les Droits des enfants qui est l'instrument en matière de droits de l'homme le plus largement ratifié au plan international. La convention sur les Droits de l'enfant et l'approche basée sur les droits sont devenus le socle conceptuel de tous les programmes de l'UNICEF. En 1997, le secrétaire général des Nations unies, dans le cadre de la réforme des activités de développement des Nations unies, en a fait le socle de l'ensembles des activités de développement des Nations unies. Le HCCI aujourd'hui, dans son rapport, nous incite à mieux prendre en compte cette approche basée sur les droits dans nos politiques de coopération. Cette évolution est positive et nous devons mieux l'intégrer. Faire de la coopération au développement, c'est aussi défendre et promouvoir des valeurs.

De l'autre côté, celui de la coopération d'influence, il faut s'interroger : à quoi servirait-elle si elle n'avait, à côté de la défense d'intérêts économiques tout à fait légitimes, pour ambition, la promotion d'un certain nombre de valeurs et notamment des valeurs de solidarité ou d'égalité qui sont au coeur de la devise républicaine, mais aussi très présents dans les documents internationaux qui orientent la coopération pour le développement. J'en veux pour preuve, dans le domaine éducatif, la trilogie du forum de Dakar : l'équité, l'accès et la qualité. On est ici dans une démarche fondée sur les valeurs qui renvoie largement à la devise républicaine et au pacte républicain.

Je voudrais aussi souligner l'importance de la thématique de la réduction de la pauvreté et des inégalités. Même si le thème de la réduction de la pauvreté est parfois réducteur, c'est vrai aussi que notre réticence à s'approprier ce thème a parfois été le reflet d'un certain conservatisme de notre outil de coopération qui n'a pas toujours été orienté vers la réduction des inégalités. En matière d'éducation, c'était très clair, et c'est en partie toujours d'actualité. Notre coopération dans les secteurs sociaux (éducation, santé) reste marquée par une prédominance de nos interventions dans le milieu urbain et les secteurs universitaires et secondaire. Or maintes études ont démontré que plus on s'élève dans le degré d'enseignement, plus est faible l'effet redistributif de la dépense publique.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur les trois mutations en cours qui ont une influence majeure sur notre métier et qui conduisent aujourd'hui à une augmentation et une diversification des acteurs de la coopération internationale. Pendant longtemps, nous avons vécu sur un modèle de coopération institutionnelle passant presque exclusivement par l'Etat, dans un cadre essentiellement bilatéral. Ce temps est révolu. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'une multiplicité des acteurs, avec notamment les institutions multilatérales, la société civile et les ministères techniques.

Première mutation, au niveau multilatéral : il est clair que la mondialisation suppose des solutions globales. C'est la problématique des biens publics mondiaux, qui exige un renforcement de la coopération multilatérale.

Cela étant dit, il faut avoir conscience que toutes les institutions multilatérales sont en phase de restructuration, de refondation. La Banque mondiale a connu en l'espace de quelques années une véritable révolution dans ses approches et ses modalités d'intervention. Elle fait face à de sérieuses difficultés au niveau des moyens de fonctionnement. Le PNUD a mené une restructuration au pas de charge avec une baisse de 40% de ses ressources de base, une réduction de 20% de son effectif au niveau du siège. Donc, même les institutions multilatérales sont dans une phase de restructuration et de refondation.

Mais cela étant dit, nous devons mieux articuler notre coopération bilatérale avec la coopération multilatérale, pour trois raisons principales. D'abord, il y a toutes les grandes conférences des Nations unies des années 80 qui ont fixé un cadre pour l'action, avec des objectifs de développement, à la réalisation desquels nous devons travailler. Ensuite, nous devons de plus en plus nouer des partenariats car les défis auxquels nous sommes confrontés ne sont plus à l'échelle ni d'un pays, ni d'une agence de coopération. Enfin, parce que les enjeux et les objectifs de notre coopération ont évolué. De plus en plus, il ne s'agit plus seulement de tirer par le haut un pays donné mais il s'agit d'accompagner l'intégration de ce pays dans le village global, dans cette société globale en gestation.

Trois conséquences pour notre métier.

- D'abord pour nos ambassadeurs, pour nos chefs de SCAC, pour nos attachés de Coopération, pour nos assistants Techniques, la connaissance des institutions multilatérales et des grands enjeux des réunions internationales doit être renforcée pour qu'ils soient en mesure de resituer leur action dans un contexte plus global.

- Ensuite, il faut encourager la mobilité entre le bilatéral et le multilatéral. Il faut l'encourager dans les deux sens. Il faut envoyer des agents de la coopération bilatérale dans les institutions multilatérales mais je pense que nous devons aussi accueillir à la DGCID notamment, des agents des coopérations multilatérales.

- Enfin, pour la DGCID, un autre défi est d'assurer une meilleure articulation avec les directions du ministère qui travaillent sur le multilatéral. Je pense à la direction des Affaires économiques, à la direction des Nations unies, à la direction de la Coopération européenne. Ce travail est en train de se faire et on progresse très rapidement dans cette voie.

Deuxième mutation: la mobilisation croissante de la société civile dans la coopération internationale. Je crois que le temps où la coopération internationale était une compétence régalienne de l'Etat est effectivement totalement révolu. Ce cadre a explosé avec la montée de la société civile sur le plan bilatéral et sur le plan multilatéral. Je voudrais là encore prendre l'exemple des Nations unies. Dans la stratégie du secrétaire général pour réformer le système des Nations unies, l'ouverture à la société civile a été un axe majeur et un levier important. Il a beaucoup pesé et nous l'avons soutenu, pour ouvrir le système aux ONG et aux entreprises du secteur privé.

Au niveau national aussi, nous avons besoin de cette ouverture vers la société civile pour nous réformer, pour nous développer. Plus largement, c'est un enjeu majeur pour l'administration française en général. Nous quittons l'époque du modèle technocratique où l'administration, qui a été créée dans un contexte historique très précis, l'après guerre, au moment où il fallait reconstruire le pays, pouvait tout décider et maîtrisait tous les leviers. Aujourd'hui, notre légitimité et notre capacité d'agir sera aussi étroitement déterminée par notre capacité à mobiliser la société civile et à dialoguer avec elle. C'est ce que j'appelle une administration citoyenne.

Or dans ce dialogue avec la société civile, les fonctionnaires sont mal outillés. C'est un monde que nous connaissons mal. Il faudrait probablement renforcer notre connaissance des structures et des milieux associatifs, et faire un effort de dialogue plus systématique en direction des ONG.

Troisième mutation: la montée en puissance des services des affaires internationales dans tous les ministères techniques. C'est une réalité qui est là aussi, liée à la mondialisation. Il y a une nécessité dans l'élaboration comme la mise en oeuvre des politiques publiques nationales, de mieux prendre en compte leurs conséquences à l'international. C'est la question des externalités. Et il faut aussi mieux prendre en compte l'importance des débats internationaux, et des décisions arrêtées sur le plan multilatéral, dans la conduite de nos politiques nationales. Ces évolutions conduisent à un renforcement des services des affaires internationales dans les ministères techniques : ministère de l'Environnement, ministère de la Santé, ministère des Finances, ministère de l'Equipement et des Transports ...

Une des grandes questions que nous devrons traiter dans un proche avenir, nous, agents du ministère des Affaires étrangères, c'est celle de l'articulation entre notre ministère et les ministères techniques en matière de coopération internationale. Nous n'échapperons pas à une réflexion en profondeur sur ce sujet.

Pour l'exercice de notre métier, nous devons posséder trois grands types de compétences:

En premier lieu, la compétence technique: nous avons besoin de personnels spécialisés, maîtrisant certaines compétences professionnelles spécifiques. Dans mon service, ce sont des médecins de santé publique, ce sont des spécialistes de l'éducation. Dans d'autres, ce sont des spécialistes du développement rural, de l'environnement, de la gestion financière. Cette compétence est nécessaire pour diverses raisons :

- les exigences des négociations multilatérales: les négociations sont de plus en plus techniques. Quand j'étais à New York, par exemple, j'ai été frappé par la capacité du DFID britannique à articuler ses experts bilatéraux et multilatéraux, lui assurant de ce fait une parfaite maîtrise des dimensions politiques et techniques des négociations.

- au niveau bilatéral: le passage d'une coopération de substitution à une coopération de projet s'est accompagné d'une revalorisation du niveau de qualification des coopérants. Cette tendance devrait se poursuivre. Les fonctions de conseil et d'expertise sont appelées à se renforcer, du fait de la technicité croissante des problèmes à traiter comme de la progression de la qualification de nos partenaires. Nous avons besoin de disposer de ces compétences techniques dans les services centraux et déconcentrés quel que soit le mode d'intervention. lorsque nous sommes dans des formes de gestion directe des projets évidemment, mais aussi lorsque nous faisons appel à des opérateurs extérieurs ou à des agents des ministères techniques. Le niveau de qualification de nos agents sur le plan technique sera déterminant dans la capacité de la DGCID à exercer sa compétence de coordination et d'impulsion. Pour animer des réseaux d'experts, dialoguer avec nos partenaires bi et multilatéraux, pour définir le cadre d'intervention des opérateurs techniques. Notre légitimité dépend en partie de notre expertise technique. Dénués de celle-ci, nous serons rapidement réduits à financer des opérations dont la maîtrise nous échappera. Ce n'est pas un hasard si à la DGCID aujourd'hui, 30% des cadres sont mis à disposition ou détachés. Et ce n'est pas un hasard si 50% des cadres de la direction du Développement et de la Coopération technique (DGCID) viennent de ministères techniques par détachement ou par mise à disposition.

Ensuite, deuxième famille de compétences qui me parait aussi très importante: la fonction managériale. Il faut que nous ayons des agents expérimentés dans l'élaboration et la conduite de projets, dans leur suivi et leur évaluation. C'est un enjeu important qui demande un effort de formation. Dans les nouveaux pays de la zone de solidarité prioritaire, nous n'avons pas fait l'effort de formation nécessaire pour que nos collègues soient en mesure d'instruire ou de gérer des programmes de coopération. La volonté d'élargir notre zone d'intervention et de sortir du pré carré pourrait bien buter sur ce problème de qualification des agents.

Enfin, dernière compétence fondamentale, c'est la capacité de négociation, de médiation. Pour animer un réseau de partenaires, que ce soit sur le plan bilatéral ou multilatéral, nous avons besoin d'aptitudes à la négociation, à la médiation. Nous devons renforcer notre capacité d'écoute comme nos aptitudes à nouer et gérer de manière optimale des partenariats. Une tendance claire se dessine et devrait se renforcer : c'est l'élaboration et la conduite de projets de coopération avec de multiples partenaires. Je peux à titre d'exemple citer le cas, dans la santé, du Pôle OMS de Lyon sur les maladies transmissibles. Ce projet associe des partenaires publics (Etat, agences des Nations unies) et privés (fondations), l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics.

Pour conclure, je voudrais souligner quelques points et proposer quelques pistes de solution :

Premièrement: nous avons un métier qui est au coeur des enjeux politiques et diplomatiques actuels, mais en profonde mutation.

Deuxièmement, ce métier exige certaines compétences et il faudra faire un grand effort pour acquérir et développer les compétences nécessaires. L'exercice de ce métier suppose une politique de gestion des ressources humaines et de formation qui soit adaptée et assumée. Il serait souhaitable qu'un plan à moyen terme (5 ans ?) soit élaboré précisant qualitativement et quantitativement le type de poste à pourvoir, et le type de compétences à rassembler. Ce plan devrait ensuite conduire à une réflexion sur la politique de recrutement et de gestion des RH à mettre en oeuvre. Un plan de formation pourrait aussi être défini pour adapter la RH aux besoins actuels et futurs.

Pour terminer, je voudrais dire que nous sommes riches de nos différences d'origine, de formation, de parcours et de compétences professionnels. Je crois que cette diversité renforce notre capacité d'innovation et de réaction dans un monde plus mouvant. Je pense enfin qu'on ne peut pas à la fois sur le plan international, vilipender comme on le fait la pensée unique, le monolithisme de certaines institutions multilatérales, je pense en particulier aux institutions de Bretton-Woods, et vouloir imposer, sur le plan national, un format unique des agents de coopération. Nous avons besoin de personnels détachés de ministères techniques, de contractuels, de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères pour mener à bien notre mission. C'est de cette diversité et de notre capacité à entretenir une mobilité des personnels que dépend en partie notre avenir.

Djeidi Sylla, conseiller au bureau des Politiques du développement du PNUD

Je voudrais joindre ma voix à celle de Serge Tomasi pour féliciter l'ACAD-MAE de cette initiative, et je vous remercie, au nom de la direction du bureau des Politiques du développement du PNUD, pour cette invitation.

Le problème qui se pose ici est presque universel. Je crois que les agents de coopération sont presque devant un mur et traversent une période de turbulence. De ce fait, le sujet de ce colloque intéresse doublement le PNUD. D'abord en tant qu'agence de coopération technique internationale, l'une des plus grandes, et ensuite parce que depuis huit mois nous avons entrepris un exercice de réflexion sur les réalités présentes et l'avenir de la coopération technique à travers le monde.

Avant d'arriver à ma présentation, je voudrais dire deux mots sur cette étude que nous sommes en train de faire au niveau mondial. Comme vous le savez, le PNUD a un peu ce mandat d'être un facilitateur par rapport à ce type de questions qui se posent au niveau multilatéral. L'initiative est conduite par notre bureau des Politiques du développement, avec le financement des Pays Bas et la collaboration de l'institut de la Banque mondiale, et de divers partenaires du Nord et du Sud. Au mois de février 2002, le PNUD prévoit de publier un livre sur les résultats de tout ce processus de réflexion. Il y a déjà un site internet qui existe. Je pense qu'il est très important, pour vous tous, de participer à ce débat.

Je reviens au sujet même du colloque. En nous invitant, l'ACAD-MAE nous a demandé d'essayer de présenter l'expérience que nous sommes en train de conduire actuellement sur notre restructuration et sur les implications que cela avait sur la politique des ressources humaines et sur la création de nouveaux métiers.

Nous avons tenté depuis quatre ans d'apporter une réponse assez spécifique à cette problématique. Le fil conducteur de ma présentation c'est que le PNUD se situe, d'abord, dans une certaine conception de la coopération. Il y a une modification de cette coopération, et du son paradigme même. Il est très important de connaître cette modification, à partir de laquelle le PNUD s'est positionné en disant voilà ce que nous, nous pouvons faire, voilà ce pourquoi nous pensons que nous avons les avantages comparatifs et en fonction de ça, il a restructuré le champ de ses interventions, de son rôle et de son mandat, et pour terminer, il a donc défini les compétences, les ressources nécessaires pour mener cette politique et cette restructuration. C'est la démarche que nous avons développée.

Le point de départ de notre réflexion, c'est que le modèle de coopération technique avec placement d'experts, bourses d'études, constructions d'hôpitaux... tout cela c'est très bien, mais nous sommes à un point du développement où nous avons à faire avec des processus qui sont des processus de système très complexes, des processus de société. On peut construire un hôpital mais on ne modifie pas fonctionnellement et structurellement les rapports et la façon dont l'organisation et la société fonctionnent. Alors, pour nous, il faut maintenant se déplacer de cette vision étroite pour aller vers une nouvelle conception de la coopération technique où nous allons essayer de développer les capacités des pays qui sont partenaires de la coopération technique.

Pour cela, il faut s'intéresser à des problèmes beaucoup plus complexes, mettre en valeur des ressources endogènes, adopter une démarche beaucoup plus humble, reconnaître à celui qui est en face de vous qu'il peut apporter quelque chose. Bien sûr, il y a un certain nombre d'implications. Pour arriver là, il faut corriger les insuffisances passées de la coopération technique parce qu'elle est fragmentée, elle est assujettie à une certaine mode: souvent, on recrute les meilleurs nationaux, on les recrute dans les organisations internationales ou dans les organisations bilatérales, donc, on mine un peu les capacités endogènes. Souvent, il faut le dire, la coopération technique est à l'initiative des donateurs. C'est aussi une faiblesse qu'il faut reconnaître et puis, elle est très chère. Maintenant, il faut corriger ces insuffisances en tenant compte des nouveaux enjeux.

Quels sont ces nouveaux enjeux ? Serge Tomasi y a déjà fait allusion: la mondialisation, la diminution des ressources financières, la révolution de l'information, le fait que toute cette coopération technique a déjà produit des résultats et que des compétences existent au niveau national. Il faut en tenir compte. D'autre part, l'exigence de résultats, par le public des pays donateurs, est de plus en plus importante. Il faut tenir compte également du fait que la plupart des pays en voie de développement se sont engagés dans les processus de démocratisation, ce qui fait que la demande pour la transparence et pour la participation dans la coopération technique est très forte. Et puis, il y a une chose très importante, c'est que le secteur public international a adopté des outils du secteur privé. Nous allons donc, de plus en plus, vers des gestions du public qui s'inspirent du modèle du privé. Même le vocabulaire a changé, on parle de service, on parle de produits etc… Bref, le PNUD a décidé, avec la plupart des bailleurs de fonds, d'aller vers la renforcement des capacités pour la coopération technique. C'est un vaste domaine. Nous nous sommes demandés comment nous organiser pour atteindre ce but, mais à travers vraiment des actions qui soient très précises et très visibles.

Nous avons donc retenu deux grands objectifs pour l'organisation. Le premier: développer des réseaux de capacités et de connaissances pour fournir à temps aux bureaux de pays des conseils de qualité en politique. Parce que maintenant, le PNUD ne va plus être une organisation extrêmement active au niveau des investissements de terrain, nous allons plutôt nous spécialiser et nous cantonner en amont de toutes ces questions-là. Nous allons nous positionner comme un intermédiaire, un conseiller par rapport à toutes les questions globales de développement, ce qui fait que c'est un champ qui est très bien limité. Deuxièmement, nous allons procéder au recentrage et au redimensionnement de nos bureaux de pays pour qu'ils soient à même de mieux fournir des services de qualité à la carte. Toujours des qualités de conseil politique. Je ne dis pas que nous n'allons pas faire des projets comme on le faisait par le passé, mais ce type de projet sera de plus en plus rare au PNUD ou en tous cas, même s'il existe, ce ne sera pas à la dimension que nous avons connue par le passé.

Nous pensons aussi que nous n'avons pas suffisamment de ressources, il faut être réaliste, il faut être capable de concentrer nos ressources sur les domaines où nous avons des avantages comparatifs qui sont reconnus par tout le monde. Nous n'avons pas d'étiquette politique, ça c'est un peu l'avantage du multilatéral. Ce qui fait que nous sommes facilement acceptés pour faire la facilitation et l'intermédiation, et c'est une fonction que nous allons continuer à développer. Et puis, nous pensons aussi que du fait que nous avons près de 140 bureaux de pays, nous avons quand même amassé beaucoup d'expérience, nous voudrions être une organisation qui va disséminer ces connaissances et ces expériences là.

Concrètement, qu'est ce que cela donne par rapport à l'organisation du PNUD ? Dans le passé, le PNUD faisait tout; maintenant, nous avons réduit nos domaines d'intervention à six domaines principaux de la lutte contre la pauvreté. Et par rapport à ces domaines, dorénavant, nous allons faire la promotion des métiers qui font recours de façon très importante à toute la problématique du leadership stratégique et de la gestion du changement. Nous avons besoin aussi de gens qui soient vraiment des spécialistes en négociation, et en gestion des crises et conflits. Nous avons besoin de spécialistes pour gérer les opérations, les procédures et les instruments de programmation et de mise en oeuvre des programmes. Nous avons aussi besoin de gens qui soient capables d'initier et de gérer des réseaux de connaissance et d'expertise. Et nous avons aussi besoin  de nous améliorer dans l'analyse des politiques en amont des six domaines de concentration déjà cités. Et puis enfin, nous avons besoin de gens qui soient capables de développer des partenariats, ce concept est extrêmement important. Nous avons également besoin de gens qui puissent mettre tout ça sous forme de résultats tangibles et concrets, donc des spécialistes de la gestion par les résultats.

Les compétences sont les compétences que vous connaissez tous: l'informatique, l'ouverture au changement, il faut être capable de faire du réseautage, et surtout de travailler en différents groupes, de se coordonner à plusieurs niveaux, etc... Les profils de formation de base que nous recrutons sont des profils d'économistes, de juristes, de spécialistes en sciences sociales, sciences politiques, science de l'environnement, science de l'information et de la communication. Les tâches génériques ont changé. Maintenant, les tâches sont conçues beaucoup plus comme des tâches d'appui, mais pas des tâches d'exécution directe.

Quels sont les moyens que nous utilisons pour mettre en œuvre toute cette politique ? Nous avons procédé à une analyse fonctionnelle pour identifier et promouvoir les capacités et les compétences pertinentes à la fois sur le terrain et au siège. On a fait une analyse complète des compétences que nous avons et des compétences dont nous avons besoin, et nous nous sommes ajustés en conséquence. Nous avons aussi procédé au réalignement des compétences en fonction de cette vision de coopération que nous avons, en fonction de ces nouveaux services et de ces nouveaux produits, et surtout aussi des besoins organisationnels. Et puis nous avons introduit une dimension de promotion de la culture de la performance. On nous a souvent critiqué, disant que les grandes organisations multilatérales n'étaient pas efficaces, maintenant, nous sommes obligés d'être efficaces parce qu'il y a des mesures qui sont là pour nous obliger à l'être. Nous avons aussi introduit des outils qui permettent de mesurer les compétences et leur efficacité directement sur le terrain, à travers des systèmes de reportage et de contrat. Nous avons créé un centre qu'on appelle le Learning ressource center, et nous avons également créé le Virtual développement academy : c'est une sorte d'académie à distance qui forme le personnel du PNUD et ses partenaires sur toutes ces questions que j'ai évoquées. Nous avons aussi créé à travers le monde, neuf centres sous-régionaux de ressources qui sont chargés d'appuyer les bureaux de pays. Et nous avons posté nos spécialistes dans 27 lieux différents à travers le monde, pour qu'ils soient beaucoup plus proches du terrain et qu'ils soient au contact des réalités. Nous avons aussi fait des exercices d'évaluation des compétences, nous avons recruté du nouveau personnel et de plus en plus, nous prenons des jeunes, les anciennes générations du PNUD n'étant pas très préparées pour ça.

Quels sont les quelques messages qui se dégagent de l'expérience du PNUD ? Bien sûr, nous sommes encore en train de continuer cette expérience. Tous les postes ne sont pas encore pourvus et tous les mécanismes organisationnels ne sont pas encore pleinement fonctionnels. Nous continuons notre réflexion et nous pensons qu'au mois de juin prochain, tout le système sera mis en place. Evidemment, nous reconnaissons que notre approche n'est pas sans risque, dans la mesure où elle se veut innovatrice par rapport à des métiers nouveaux, eux-mêmes en recomposition permanente. Nous avons toujours besoin de nouveaux métiers, et c'est quand même un défi. Il faut dire aussi que l'exercice du PNUD a des coûts sociaux et financiers parce qu'il a fallu préparer des programmes de séparation: cela a coûté très cher et cela a été extrêmement douloureux. Un des constats, c'est que ces métiers là ne correspondent pas à des formations classiques. Vous n'aurez pas ces formations dans une académie, dans une université, il y a donc nécessité d'avoir des systèmes de formation qui soient beaucoup plus créatifs et qui soient beaucoup plus adaptés à ces nouveaux besoins.

Une des leçons aussi, c'est que, au PNUD, les nouveaux métiers de la coopération sont des métiers qui feront beaucoup plus référence à des compétences plus horizontales que verticales. Il est important pour nous que le personnel soit capable de repérer les besoins en capacités, d'identifier des formations et surtout de valoriser le partage à travers le terme anglais du networking. Parce que, pour nous, avant de définir les métiers, il faut d'abord que l'organisation ait une vision claire de la coopération qu'elle veut faire. Quels sont les services qu'elle veut rendre, et quels sont les produits qu'on doit en attendre ? C'est extrêmement important parce que sinon, vous allez dans tous les sens et vous saupoudrez. Je pense qu'il faut bien réfléchir sur l'endroit où on veut mettre ses billes. Enfin, je crois qu'il faut aussi comprendre que vous ne pouvez pas avoir toutes les compétences à l'intérieur de vos organisations, il faut maintenant développer des synergies, des complémentarités, c'est pour ça que le réseautage, le partage et les réseaux de connaissance sont extrêmement importants.

La gestion des ressources humaines pour l'international : atouts et freins de la France ; courants et innovations, notamment en matière de mobilité nationale et internationale

Gilles de Pas, consultant-animateur

Avant les questions, et après avoir écouté les institutionnels et institutions internationales, il est peut-être intéressant de voir comment une société privée aborde la question. Daniel Kiernan, directeur aux Affaires réglementaires de la direction des Affaires internationales d'Alcatel, va vous présenter ce qu'ils font en la matière, ce sera l'introduction aux questions à venir.

Daniel Kiernan, directeur de la Stratégie pour l'international, Alcatel

Permettez-moi de vous avouer, en préambule à mon intervention, qu'en venant vous rejoindre, je me suis posé la question: "Qu'est-ce que je peux avoir en commun avec des gens qui travaillent dans la coopération et défendent, par exemple, la langue française à l'étranger?". J'ai trouvé quand même deux points de repère: d'abord, on est tous des expatriés: une expérience à l'international, ça nous donne une dimension personnelle, une capacité à communiquer peut-être, que d'autres n'ont pas. Deuxièmement, dans une autre vie, très jeune, j'ai eu le privilège de fréquenter vos lieux de travail puisque j'ai acquis un certain désir de France, comme vous dîtes très joliment, dans vos centres culturels à l'étranger, et depuis 20 ans, j'ai même choisi la France comme pays définitif d'adoption.

Qui sommes nous? Alcatel est une entreprise française à l'international, vous la connaissez, et je souhaiterais vous exposer son approche, relativement originale, à l'international. Nous sommes fournisseurs de solutions intégrées pour les marchés télécom et internet. Nous sommes aussi un champion national et mondial, numéro 1 pour l'accès large bande (ADSL), câbles sous-marins uniques au monde, réseaux intelligents et satellites de communication. Cela nous différencie des autres acteurs fournisseurs principaux dans les télécoms dans la mesure où nous sommes les seuls à tout offrir. Une grande entreprise, pratiquement aussi grande que le ministère des Affaires étrangères, et certainement aussi grande que le PNUD, puisqu'elle est aussi présente, d'une manière permanente, dans 130 pays avec plus de 2000 employés en poste à l'international.

Alcatel, pour organiser ses zones commerciales doit tenir compte de l'econogéopolitique, c'est à dire que nous décidons de notre implantation commerciale en fonction des flux économiques (...).

L'entreprise est donc fortement décentralisée; ce qui est certainement unique au monde des multinationales puisque nous avons des filiales à travers le monde, puissantes et vraiment autonomes, avec leurs propres us et coutumes. Donc, on est multilingue, on est une véritable tour de Babel, on essaie de dire qu'on utilise l'anglais le plus possible à l'international mais en fait, on est Romains à Rome dans les 130 pays. Il y a eu une croissance constante des équipes de développement multi-site, multi-sectoriel, et aussi la création, il y a dix ans, d'un réseau de mobilité avec ses directeurs et ses 45 experts nationaux. Pour répondre à une question de Gilles de Pas, les experts nationaux sont des membres des DRH nationales qui ont la tâche de collecter toute l'expertise nécessaire pour permettre à des expatriés de circuler entre les frontières. Ils connaissent le cadre juridique et réglementaire, ainsi que tous les problèmes de réinstallation des personnels qui bougent en mobilité. Donc, le siège international n'est rien d'autre qu'un support. Pourquoi a-t-on besoin, dans une grande entreprise comme la nôtre, de mobilité ? Ou d'y attacher autant d'importance? D'abord, à cause de la complexité de nos projets d'infrastructure: Alcatel délivre des réseaux clés en main. Cela signifie qu'à un certain moment, on donne une clé à un opérateur, qui ne se préoccupe pas des boites noires qui fonctionnent ou pas dans son réseau. Il veut simplement vendre des services. Donc, de plus en plus, Alcatel fait absolument tout: depuis trouver des sites pour installer des antennes, jusqu'à fournir même un personnel spécialisé en exploitation de maintenance. Il y a une évolution constante de l'expertise globale; ainsi, les directions, où qu'elles soient, doivent être informées de ce qui se passe dans le monde entier. Et puis, évidemment, il y a le développement des carrières.

Sur ce point, l'affectation à l'international est réservée généralement à des employés classés à fort potentiel. Elle est le cœur de notre activité de mobilité, limitée pour des raisons juridiques dans la majorité des pays à une durée de un à trois ans, gérée à partir du pays d'origine, généralement suivie du retour à l'unité initiale à la fin de la mission. Aussi, permettez-moi d'être fier de pouvoir dire qu'à la différence, semble-t-il, du ministère des Affaires étrangères, nous réussissons avec un taux élevé, et certainement plus élevé que nos concurrents du secteur, à réintégrer les personnes une fois terminée la mission de mobilité.

Mission de courte durée, transfert international, transfert international sur demande de l'employé... il y a différents types de mobilité. Bien entendu, il y a les expatriés. L'expatrié est devenu un terme un peu caduc dans l'entreprise puisque réservé essentiellement pour des postes traditionnellement basés dans les marchés émergeants, sans limitation de durée, gérés à partir du pays d'origine, mais sans unité d'affectation ce qui entraîne un problème au retour. Aujourd'hui, c'est devenu l'exception et non plus la règle. On évite de plus en plus l'affectation permanente d'un expatrié, notamment dans les pays en voie de développement. Il y a une nouvelle notion de mobilité européenne: Bruxelles n'est qu'à un saut de Paris, c'est la banlieue, et il y a donc une catégorie d'eurobanlieusards, d'euro commuters, qui se crée; avec une nouvelle politique mise en place afin de permettre aux cadres dirigeants de jouer un rôle européen. Le système de déplacements et le système de voyages d'affaires permet aussi à Alcatel d'avoir un personnel européen. Il existe aussi des programmes d'échanges, un peu comme dans les écoles, par lesquels des salariés sont échangés sur des postes équivalents. Il y a bien sûr des motivations, un intéressement assez fort, un traitement assez égalitaire, des rémunérations et primes à la mobilité pour favoriser un désir de partir. Avant de partir, ce qui nous diffère un petit peu du secteur public, c'est la clause d'accord préalable de l'employé sur l'ensemble des termes et conditions. Donc, la lettre de mission est toujours actualisée. Enfin, le site-hôte paie une indemnité de service, de logement, les surcoûts sociaux... Les coûts additionnels, bien identifiables, sont les coûts de relocalisation, frais de scolarité, apprentissage linguistique...

Il demeure, néanmoins, des défis à la mobilité :

· cohérence et souplesse: les 45 experts ont des raisons de penser différemment, donc il y a toujours des problèmes de mise en harmonie d'une politique globale.

· problème de gestion des performances, pour laquelle il n'existe pas d'outil commun pour évaluer les performances d'un cadre qui s'expatrie.

· gestion des attentes: il faut trouver un équilibre entre les attentes de l'encadrement hôte et l'employé.

· complexité croissante de l'expatriation, et tous ses problèmes.

· Enfin, problème crucial pour l'entreprise, le maintien d'une expertise opérationnelle dans tous ses sites. Alcatel possède des centres de décisions répartis selon les compétences et les marchés, et vous avez ainsi des relations bilatérales entre différentes régions du monde, et non pas de Paris vers Paris. Avec internet, nous sommes convaincus que la décentralisation va se poursuivre, et les centres de décision également s'aplanir, avec moins de hiérarchie et certainement moins de zones marquées par des frontières claires et nettes.

Présentation

Benoit Théry, TIM consultants

Je vous ai proposé de présenter rapidement quelques modalités très pratiques de gestion de la mobilité internationale, de gestion des cadres internationaux, au regard de certaines grandes entreprises internationales, et vous verrez qu'il y a sans doute des possibilités de transposition ou d'inspiration, le cas échéant, pour le secteur de la coopération.

Je n'aborderai pas ici les aspects matériels et administratifs, tout ce qui peut relever du package, de la rémunération, de la protection sociale, de la fiscalité, des indemnités diverses et variées.

Du point de vue des compétences, les finalités d'une gestion des cadres internationaux sont de satisfaire les postes correspondant aux activités internationales, et préparer des futurs cadres dirigeants en leur donnant une expérience internationale. L'hypothèse est ici que l'on considère de plus en plus que dans le monde d'aujourd'hui, pour accéder à une responsabilité de direction, on a besoin d'avoir vécu une expérience internationale. Si vous voulez, l'équivalent dans le secteur public, ce serait de dire que tous les énarques doivent faire une mobilité internationale avant de prendre une direction en France.

L'objectif de ce type de gestion est de stimuler des candidatures pour des missions internationales, et développer la qualité des candidatures par la gestion d'un vivier, au moins dans certaines entreprises, de cadres internationaux. Cette notion de vivier avait été évoquée, ce matin, par Monsieur Delaye en parlant par exemple de vivier à développer, dans le domaine de la coopération, avec des ministères techniques susceptibles d'offrir des ressources humaines pour la coopération. Par la gestion d'un vivier, l'objectif est également de se donner plus de possibilités, plus de temps, et plus de garanties pour le choix et la formation des cadres internationaux. L'idée est aussi d'anticiper la formation de cadres internationaux, c'est à dire de pouvoir sélectionner et préparer ces cadres, non seulement sur des critères techniques ou strictement professionnels, mais aussi sur des critères managériaux, comportementaux, familiaux, dont on estime de plus en plus qu'ils jouent un rôle très important dans les missions internationales. Et en particulier, l'objectif est aussi de préparer de façon précise le cadre, et sa famille, à la mobilité internationale.

Pour cela, 6 étapes possibles :

· détection des candidats : stimuler et recueillir des candidatures pour la mobilité internationale;

· valider ces candidatures : valider l'opportunité de ces candidatures.

Après être entré dans le vivier:

· formation aux missions internationales, donc développer des compétences spécifiques aux missions internationales;

· décision d'affectation, quand une mission déterminée est finalement décidée à l'étranger, souvent après de longues négociations, il s'agit de confirmer de part et d'autre par un accord des parties;

· préparation directe à cette mission, en finalisant la formation sur une affectation précise;

· et enfin, suivi de la mission et préparation au retour. C'est à dire gérer à distance, garder le contact, faciliter la réinsertion.

Je vais reprendre très rapidement ces différentes étapes.

· Détection de candidats : des exemples de recherche de candidatures internes dans les entreprises internationales, ou qui pourraient être dans d'autres ministères techniques dans le cadre de la coopération, sont: un questionnement systématique lors des entretiens annuels d'appréciation: est-ce que cela vous intéresserait de partir sur une mission internationale ? Le même type de questionnement, cette fois-ci, sur papier en faisant appel à des candidatures éventuelles pour une mobilité.

· Validation de ces intentions de candidatures qui peuvent s'exprimer ainsi: la candidature est-elle réaliste? Il peut y avoir deux types de validation: l'une par le candidat et sa famille, et l'autre par l'entreprise.

En ce qui concerne la validation par le candidat et sa famille, il est assez souvent utilisé ce que l'on pourrait appeler des questionnaires sans retour, c'est à dire qui n'appellent pas de réponse aux services de gestion des ressources humaines qui les émettent. Ces questionnaires sont simplement faits pour poser des questions au candidat et à sa famille, et leur apporter une sensibilisation sur les problèmes professionnels, familiaux, culturel, l'environnement, tous les problèmes de la mobilité internationale que ses membres n'avaient peut-être pas anticipés et sur lesquels on les invite à réfléchir. Il n'y a donc pas de réponse attendue, c'est une démarche de sensibilisation. Ensuite, si le candidat et sa famille peuvent confirmer leur intérêt, à ce moment là, il y a dépôt d'un dossier de candidature officielle.

La validation par l'entreprise peut se faire sous plusieurs formes. Il y a souvent des comités de carrière. Il y a aussi, le rôle-clé, évoqué ce matin par Monsieur Kiernan, d'un personnage essentiel: le directeur des Ressources humaines à l'international, ou le gestionnaire de carrière qui est spécialisé dans la gestion d'un portefeuille de cadres internationaux, qu'il a à préparer, à affecter, à gérer au travers du monde. Il pourra y avoir, en particulier, un entretien de motivation et d'aptitude conduit par ce gestionnaire de carrière avec les candidats. Si on veut aller plus loin, il y a aussi des modalités d'assesment centre qui sont des méthodes d'évaluation par simulation de situations professionnelles, pour valider des aptitudes aux missions internationales et des attitudes et préférences culturelles par rapport à différentes régions ou différents pays du monde. C'est une procédure de validation plus lourde, elle est en même temps plus fiable

· Troisième étape : formation aux missions internationales, et là on va retrouver un certain nombre des éléments évoqués ce matin.

- formation linguistique, notamment en anglais. C'est la langue de plus en plus utilisée dans les relations internationales, en particulier, les relations d'affaires.

- formation dans le domaine du management et de la communication. En particulier, développement des capacités de communication. La relation internationale exige souvent une communication plus claire, plus explicite, pouvant comporter plus de fit-back, plus de reformulation, pour éviter des malentendus pour des raisons linguistiques et culturelles. Le renforcement des capacités de communication est souvent utile.

- formation aux transferts de compétences, qui est un objet fréquent ou exigé des missions internationales. Cela a été aussi évoqué en ce qui concerne la coopération bien évidemment.

- formation à la négociation, Monsieur Tomasi l'avait également évoqué, et éventuellement même, à la gestion de conflits pouvant naître de malentendus dans la relation avec l'étranger.

- management interculturel, c'est à dire sensibilisation, d'abord transversale, aux différences culturelles et à leur gestion, notamment en apportant des clés de décodage de différentes cultures.

- négociation interculturelle. Formation aux opérations internationales qui, naturellement, sont spécifiques à l'activité, on pourrait dire, aux métiers de la structure de l'entreprise dont il s'agit. Mais on retrouve me semble-t-il dans les entreprises et dans le secteur de la coopération, de la similitude: montage de projets, montage de partenariat internationaux, dans le monde des affaires on pourrait appeler ça des joint-ventures. Financements internationaux, conduite d'audit préalable à des grands projets. Démarrage de grands projets, qui ne seront pas exactement de même nature dans le monde des affaires et dans celui de la coopération, mais qui présentent aussi des similitudes de démarche méthodologique.

· On était jusqu'alors dans le cadre d'une gestion de vivier. Vient la décision d'affectation à l'étranger après souvent de longues négociations.

Il s'agit ici de confirmer, de part et d'autre, le départ pour une affectation précise, qui va conduire à nouveau à des entretiens avec le candidat, et si possible sa famille car la motivation et la dimension familiale sont très importantes et elles comptent souvent pour une large part dans la réussite ou dans les échecs des missions internationales. Eventuellement, là encore, on peut utiliser un assesment centre, une évaluation par mise en situation professionnelle, cette fois en amont, en confirmation du choix ou en sélection entre plusieurs candidats. En ce qui concerne la décision du candidat, une modalité fréquemment utilisée par les entreprises est le voyage de reconnaissance dans le pays visé, sur les lieux de la mission visée par le candidat et son conjoint, de façon à évaluer l'environnement local.

· Enfin, préparation directe, formation à l'expatriation dans le pays visé cette fois, maintenant dûment identifié, on sort de la logique de vivier.

Cette formation, en général, touche trois domaines: l'environnement culturel du pays, la vie pratique en expatriation dans ce pays, et le management interculturel appliqué au pays, c'est à dire le type de relations professionnelles dans le pays visé. Formation non plus seulement à l'anglais mais à la langue du pays visé, et certaines grandes entreprises poussent leurs cadres et leurs familles à apprendre des langues y compris rares. Formation aux spécificités du poste si nécessaire, et souvent mise en place d'un parrain dans la structure d'origine, au siège, chargé de garder le contact avec l'expatrié et d'assurer l'interface entre la structure d'origine et le cadre expatrié, et de faciliter sa réintégration au retour. Ceci procède d'un principe d'égalité des chances. Ceux qui sont restés dans la structure d'origine ont plus d'opportunités que les expatriés de connaître, par leur contact avec leur hiérarchie, par le suivi des évolutions de la structure, les opportunités d'emplois et de carrières. Le parrain est là pour mettre à égalité de chance l'expatrié, en assurant le transfert d'informations entre lui et la structure d'origine.

· Suivi de la mission et préparation du retour.

Dans le suivi de la mission, il peut y avoir un accompagnement au choc culturel à l'arrivée, c'est à dire éventuellement avec des consultants sur place, ou d'autres personnes, qui peuvent amener l'expatrié à lire les premiers chocs qu'il rencontre. Une systématisation de cette idée est ce qu'on appellerait le coaching interne ou externe à la structure d'affectation. Le fait de prévoir qu'un responsable expérimenté dans la structure ou à l'extérieur puisse aider le cadre expatrié à prendre ses repères, à comprendre et à gérer ses interlocuteurs professionnels dans le pays où il arrive et à prendre des décisions adaptées. Entretiens téléphoniques, conduits par le gestionnaire de carrière systématiquement un mois après le départ, puis 6 mois après le départ pour faire un point approfondi sur le démarrage de la mission. Communication au gestionnaire de carrière des résultats d'appréciation conduite dans la structure d'affectation. On part, par exemple, sur l'hypothèse d'entretiens d'appréciation annuels. Entretien avec la structure d'origine, à l'occasion des congés annuels du cadre expatrié, c'est plus classique.

Préparation au retour, enfin, qui reste souvent un problème difficile à gérer pour les grandes entreprises, qui peut être éventuellement préparé par un questionnaire sur les acquis et les souhaits de l'expatrié en vue de sa réinsertion. Des entreprises prévoient un entretien systématique six mois avant le retour entre l'expatrié, sa structure d'origine, et les gestionnaires de carrière de façon à trouver une solution adaptée de réintégration sachant qu'on a abandonné l'idée qu'il pouvait y avoir une gestion prévisionnelle, à trois ans par exemple, de ce que ferait un expatrié à son retour, gestion prévisionnelle qui interviendrait pratiquement dès la départ. Ce type de prévision, en général, n'est pas considéré comme réaliste par les entreprises qui préfèrent des outils d'accompagnement plus proches du déroulement de la mission et plus proches de la date du retour.

Voici donc un ensemble d'exemples de modalités possibles. Est-ce du luxe? Certes, toutes les entreprises ne le font pas. Ce qu'il faut savoir, c'est que les risques d'échec sont non négligeables, y compris souvent pour des raisons non-techniques, comme par exemple des raisons managériales, comportementales ou familiales. Les échecs en expatriation sont évalués à environ 30% des cas, entraînant des retours anticipés et des coûts importants sur les missions elles-mêmes. Mais ce taux de 30% selon certaines études serait réduit à 13% avec une préparation et une gestion adaptées des cadres internationaux.

Gilles de Pas, consultant-animateur

Monsieur Jean David, adjoint au chef de mission des affaires européennes et internationales de la délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE) préfère ne pas présenter d'exposé mais se tient à votre disposition pour répondre à vos questions. La parole est donc à la salle.

Questions

Alain Boucher, chargé de mission (DGCID)

Je ne sais pas trop quelles sont les activités de Monsieur David, alors je prends un risque. Il serait l'homme qui pourrait être notre messager auprès de ces conditions exorbitantes que sont les modalités administratives de mobilisation de la ressource humaine. J'ai pour ma part buté plusieurs fois dans ma vie professionnelle sur cette dimension, comme si l'effort d'intelligence collective qu'on avait et qu'on ne va pas manquer d'avoir aujourd'hui, allait buter une fois de plus sur un savoir faire administratif qui n'a pas de base satisfaisante aux questions qu'on pose, et nous aimerions vous entendre sur la question.

Jean David, adjoint au chef de mission des affaires européennes et internationales de la délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE)

Oui, c'est surtout moi qui aimerais vous entendre, que vous soyez plus précis sur ce qui vous est arrivé, sur vos difficultés face à la lourdeur du léviathan administratif. C'est pas du tout que je ne veuille pas répondre mais l'administration a été interpellée sur sa lourdeur et bien qu'on donne des exemples que nous connaissons tous, il sera beaucoup plus intéressant pour la suite de nos travaux d'aller du concret au général que l'inverse.

Lucie Ostuzzi, commission Européenne, bureau d'Assistance technique MEDA

Je peux répondre peut-être par une question concrète. Je suis quelqu'un qui a essayé de vivre la mobilité et j'ai eu les pires difficultés. Je suis fonctionnaire de l'Education nationale et j'ai eu énormément de mal à passer en expertise multilatérale. Il y a un problème énorme de statut. Comment un fonctionnaire français peut-il être contracté par un bureau d'études privé pour passer en expertise multilatérale? Et je crois que cette question se pose pour tous les ministères, et pas uniquement pour le ministère de l'Education nationale.

Jean David, adjoint au chef de mission des affaires européennes et internationales de la délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE)

Je pourrai vous faire une réponse juridique, et vous distribuer une note faite par mon collègue Pigagnolle, grand spécialiste de la fonction publique en France, et maintenant à l'international. Je pourrai vous dire les trois positions qui permettent à un fonctionnaire, à un agent non-titulaire de l'Etat voire à quelqu'un du secteur privé de participer à une mission d'assistance technique. Ce sont: la position d'activité, la mise à disposition, le détachement. Mais je suis obligé, vous le verrez dans ce papier, de vous dire que depuis 1998, il existe explicitement la possibilité d'être détaché auprès d'un cabinet qui assure en somme la fonction d'ensemblier lors d'un appel d'offre multilatéral. Je peux vous en faire l'historique (...), et il est tout à fait possible maintenant d'être détaché pour une période de 3 ou de 6 ans. Evidemment, il vaut mieux que ce soit quelque chose de pas trop lucratif. Il vaut mieux être prêté, j'allais dire, à Médecins du Monde! C'est un peu plus logique du point de vue de ce à quoi faisait référence Monsieur Delaye, c'est à dire la logique du service public puisque le consulting a toujours un coût que ni les instances européennes, ni nous-mêmes, n'ignorons. Mais, je peux vous rassurer, Madame, vous pouvez même vous adresser directement à nous puisque nous avons un rôle interministériel à la direction de la fonction publique, et nous verrons ça avec la délégation aux Relations extérieures de votre ministère.

Bernard Montaville, chargé de mission (DGCID)

Je suis médecin de santé publique, fonctionnaire d'Etat, c'est un autre exemple particulier, mais je crois qu'il reflète assez bien l'ensemble des fonctionnaires techniques, les ingénieurs, tous les corps qui font de la coopération internationale.

Il se trouve que pour l'instant, je suis détaché à l'assistance publique des hôpitaux de Paris, et prêté à temps partiel à la coopération universitaire. Je voudrais juste parler d'une expérience partagée entre plusieurs experts techniques. Vous avez un certain grade dans votre corps d'origine, vous êtes demandé par le ministère en centrale pour faire un certain nombre de choses, de réflexions, la DGCID a quasiment 150 métiers, comme l'hôpital a aussi 150 métiers, donc vous êtes une ressource humaine, intellectuelle, intéressante pour la centrale. Vous avez deux solutions: le détachement ou la mise à disposition. J'ai été mis à disposition pendant 5 ans à temps plein aux Affaires étrangères; j'ai été détaché ailleurs. Vous savez très bien que certains ministères peuvent se le permettre, d'autre beaucoup moins, et c'est même une tendance générale dans certains ministères techniques de refuser de poursuivre ces mises à disposition.

Donc, vous dites, "Ah je vais voir du côté détachement". Oui, mais pour le détachement, vous rentrez dans le système du contractuel détaché du ministère qui vous accueille. Pour les Affaires étrangères, précisément, entre la traitement de base, votre indice de fonction publique et les primes, pour moi qui suit maintenant en haut de ma carrière, comme médecin général, si j'avais vu le problème avec le contrôleur financier, puisqu'on souhaitait m'offrir un contrat, alors là, c'était ministre plénipotentiaire hors classe, ce qui était tout à fait inconcevable. Voilà encore un exemple concret contre la mobilité administrative interne à l'administration centrale de l'Etat.

Gilles Lainé, chef de bureau (DGCID)

J'ai deux exemples concrets que j'aimerais évoquer tout en prenant bonne note de votre proposition de vous contacter directement si nous avons ce type de problème. J'ai réussi à faire partir en détachement auprès de la Banque mondiale un fonctionnaire du ministère de l'Education nationale avec un schéma bizarre, puisque l'Education nationale paie en gros, un tiers du coût, un autre tiers du coût est pris en charge par la Banque mondiale et le troisième tiers par la ministère des Affaires étrangères. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il est bien sûr possible de le faire, mais il a fallu plus de 1 an pour réaliser ce dispositif.

Vous comprenez qu'il y a un certain nombre de cas où il y a urgence en la matière, et si on veut détacher notre agent avant que la guerre ne soit finie, un an, ce sont des délais beaucoup trop longs. Le deuxième exemple est encore plus tordu, c'est l'exemple des contractuels. Il en existe, par exemple, qui veulent travailler dans des institutions multilatérales. La seule possibilité qui était offerte, c'était de démissionner, c'est à dire de perdre le statut de contractuel à durée indéterminée pour se retrouver ensuite dans un no man's land au terme d'un séjour dans une institution multilatérale. La réalité, c'est cela: d'une part, il y a des possibilités qui ne sont pas utilisées à 100% parce que souvent nous avons des DRH pour lesquelles ça pose un certain nombre de problèmes, parce que ce sont des modalités nouvelles, parce qu'on est pas habitué, parce que c'est du travail supplémentaire, parce qu'on ne veut pas ouvrir des portes ou créer des précédents, et d'autre part, c'est un problème de durée du traitement quand la solution existe.

Jean David, adjoint au chef de mission des affaires européennes et internationales de la délégation interministérielle à la Réforme de l'Etat (DIRE)

Le problème de la durée, bien sûr, j'en prends acte. (...) Le problème de la réactivité à toute situation se pose tout le temps, et quelle que soit l'amplitude et la durée de la présence internationale. (...) Je vous invite donc à ne pas trop accabler la lenteur des procédures administratives de détachement, de mise à disposition, et de voir que certains événements politiques demandent aussi une réaction à chaud qui relèvent de l'intuition, du bon sens et aussi des rapports de force immédiats.

Comptes-rendus des ateliers et propositions

Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE

Dernière étape, la table-ronde, qui sera présidée par François Grunewald, président de l'URD (groupe Urgence Réhabilitation Développement), et membre du HCCI. Les participants sont: le préfet Jacques Andrieu, délégué pour l'Action extérieure des Collectivités locales; Jean David qui a participé à nos travaux de ce matin; Alain Fohr, chargé de la cellule des Ressources humaines à la DGCID; Jean-Michel Marlaud, directeur des Ressources humaines du ministère des Affaires étrangères et enfin, Nicolas Wit, directeur adjoint de Cités-Unies France.

Avant le début de la table ronde, les trois présidents d'atelier, atelier compétences, atelier mobilité, et atelier formation, devront en quelques minutes donner le résultat de leur atelier et surtout formuler des propositions concrètes qui puissent être prises en compte par les différentes administrations qui sont représentées ici.

L'atelier sur les compétences est rapporté par Jean-Louis Bonnin, directeur général du Développement culturel à la ville de Nantes.

Jean-Louis Bonnin, directeur général du Développement culturel à la ville de Nantes

Quatre propositions émergent (...) des réflexions du groupe à partir de l'interrogation générale suivante: quelle est la perception, au niveau de l'Europe, des dossiers et des montages français?

Il est apparu que la France était souvent dans une logique uniquement bilatérale, qu'il y avait un manque d'habitude à travailler de façon transversale avec d'autres collectivités, un manque de compréhension des mécanismes communautaires; et un manque de maîtrise observé pour le montage des dossiers, faiblesse particulièrement soulignée par rapport à un certain nombre d'autres pays. De même, a été souligné le manque de logique de partenariat, notre côté trop franco-français, et aussi des difficultés à trouver un vivier d'expertise.

A partir de ce débat, parfois un peu confus entre nous, le groupe est arrivé à faire 4 propositions:

- D'abord, il nous faut définir quels sont les enjeux et les besoins selon les différents commanditaires. On ne pourra pas faire un véritable travail de repérage des compétences, si préalablement, on ne sait pas quels sont les enjeux au niveau de l'international, selon les différents ministères. C'est vraiment le point d'achoppement, en fait, à tout notre débat. Dans ce cadre là, le groupe propose qu'il y ait un groupe interministériel, avec y compris, peut-être, des représentants de l'Europe, pour nous aider à définir les compétences et les besoins au niveau des professionnels; à définir des missions, ou encore des profils de poste. Cette définition des enjeux et des besoins doit donner naissance à un inventaire.

- La deuxième proposition est de mener un travail de repérage des compétences, c'est à dire essayer de repérer où sont les réseaux professionnels dans les collectivités territoriales, dans les différents ministères, dans les sociétés privées; constituer une sorte de vivier qui puisse être la base d'une banque de données. On a fait référence à une banque de données qui existe sur le plan européen, et dont il faudrait peut-être s'inspirer et compléter. Banque de données qui serait accessible par tous, portant à la connaissance de tous les différentes études qui ont été menées, des noms de professionnels; enfin, permettant de repérer toute une série de projets et de professionnels. Enfin, on a insisté sur la nécessité d'une professionnalisation des recrutements, y compris par un travail d'évaluation des projets et des différents acteurs et dans la nécessité, même dans les comités de sélection, d'avoir une professionnalisation beaucoup plus grande.

- Troisièmement, on a évoqué l'idée de mesures de suivi, c'est à dire tous les problèmes de formation continue, et comment au travers de séminaires, d'organisation de colloques, on pouvait déceler des besoins de formation, déceler y compris un certain nombre d'experts qui peuvent devenir des formateurs de formateurs.

- Enfin, on a évoqué le problème de l'accompagnement à la conduite de projets. Dans le débat, il a souvent été évoqué l'existence de formations sur des thématiques, par exemple sur les modalités de fonctionnement au niveau européen, mais ces formations sont parfois trop abstraites. On a besoin d'accompagnement sur le projet même c'est à dire de formation-action et donc d'une forme de compagnonnage (même si à un moment le mot compagnonnage a été récusé), car on pense qu'il faut qu'il y ait transfert d'informations et de savoirs, mais avec un esprit critique, avec l'idée qu'il y a une évolution des enjeux et des compétences, et qu'il ne s'agit pas simplement d'un transfert de savoir qui serait figé. Enfin, on a évoqué le problème, qui nous a semblé crucial, des statuts et de la mobilité. Et là, c'est un autre atelier qui va aborder ce thème. Une question avait aussi été abordée, celle de la constitution de collectifs intellectuels et de constitution d'équipes.

Marie-Françoise Kerroc'h, présidente de l'ARRICOD

Tout d'abord, en tant que présidente de l'ARRICOD qui est un réseau professionnel des agents qui travaillent à international dans les collectivités territoriales, je voulais remercier l'ACAD de nous avoir invités, et proposé cette présidence parce que c'est un travail que nous faisons avec notre association depuis quelques années et qui se concrétise. Il y a ici quelques fonctionnaires qui ont franchi cette passerelle dont on parle quelque fois, qui sont en poste dans les collectivités, ou qui sont passés des collectivités au ministère, et je crois qu'ils sont des exemples vivants qu'il faudrait peut-être aussi faire témoigner, une autre fois.

S'agissant du thème que nous avons abordé, nous souhaiterions rappeler que la mobilité, c'est une richesse non récompensée, et là, j'ai vu bondir quelques intervenants autour de moi qui ont dit: "Non, non c'est pas vrai, elle est quand même parfois récompensée". Il faut reconnaître qu'il y a des ministères qui ont fait un effort en ce sens. On voulait aussi rappeler que la mobilité apporte une adaptation facilitée, un dialogue facilité. C'est vrai que les gens qui rentrent sont changés dans leur approche de la vie personnelle et de la vie professionnelle. Ils ont des capacités d'innovation, des capacités de créativité, de remise en cause, et ils ont développé une certaine autonomie. On souhaitait commencer par rappeler ce postulat.

Ensuite, nous avons fait quelques constats. Des constats positifs et puis un petit peu plus, il faut bien l'avouer, de constats négatifs.

Tout d'abord, c'est beaucoup plus vrai pour l'Education nationale que pour d'autres ministères techniques, les candidatures sont assez nombreuses. Il y a bien un vivier potentiel en France. En qualité aussi, la plupart du temps. Le point faible, on l'a rappelé ce matin, ce sont les langues. Il n'y a pas que l'anglais mais aussi l'apprentissage de la langue du pays. Force a été aussi de constater que l'administration garde toute sa rigidité, je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit ce matin et reprendre les exemples, mais la discussion dans notre groupe était intéressante parce qu'il y avait des représentants du ministère de l'Education nationale, de la Police, de l'Agriculture, du milieu associatif et aussi un expert autodidacte, il se reconnaîtra, et son expérience nous a été utile. Donc, cette discrimination existe encore actuellement par les statuts. Cela a été souligné, et on m'a demandé d'être le porte-parole de cette demande de non-discrimination. On s'est un petit peu appesanti sur la gestion difficile du retour sur de multiples points: psychologiques, professionnels etc... et on a parlé même de bricolage. Et ce matin, ce que l'on a entendu, c'est vrai que pour arriver quelque part, c'est parfois du bricolage, du rafistolage.

Les propositions que nous voulons faire vont rejoindre un peu les vôtres, parce que sans banques de données, sans groupes de travail inter-… etc… on ne peut pas bien travailler.

- On vous propose d'abord de faire mieux connaître ce vivier, c'est l'idée de la banque de données car l'information concernant ce que les gens savent faire à leur retour ne circule pas. Un des ministères nous a dit qu'il avait travaillé un peu en confidence avec un autre, et qu'il y avait vraiment eu un très bon travail qualitatif de fait. Il convient donc pour dépasser les confidences, de mettre en place des cellules de réflexions interministérielles.

- On a aussi beaucoup parlé de réduction de la durée d'expatriation. Dans la police, je crois qu'elle est de 6 ans actuellement. On a parlé de la réduire à 4 ans, estimant qu'au niveau psychologique et professionnel, il est plus facile de revenir si la durée est courte.

- On a également parlé de la validation des acquis professionnels, qui a fait un grand bond en avant de 1992 à 2000 et 2001 puisque maintenant on peut donc, et certains dans le groupe l'ont même découvert, obtenir un diplôme avec les compétences professionnelles acquises. C'est quand même une grande révolution en France, et cela permet de réorienter totalement sa vie professionnelle. Là, c'est un point très positif. Il a été demandé aussi par quelqu'un qui travaille dans la fonction territoriale, d'essayer de travailler sur des équivalences entre la fonction publique territoriale.

- On a terminé sur une note en disant que vraiment, l'accompagnement du retour dépend beaucoup de l'accompagnement du départ. Donc, le choix et l'accompagnement du départ est très important pour que le retour se fasse dans de bonnes conditions.

Jean-Michel Delacomptée, maître de conférences à Paris VIII

Après avoir rappelé, encore et toujours, que la question de la formation, était au centre de toute définition, de toute mise en oeuvre, et de toute évaluation des politiques de coopération, nous avons fait quatre propositions. Vous allez voir, et ça n'est pas du tout un hasard que, par bien des aspects, nous rejoignons des points abordés par les deux autres ateliers.

En point préliminaire, aussi bien pour les collectivités locales que pour un certain nombre d'organismes ministériels ou locaux, le groupe a remarqué non seulement l'intérêt porté aux formations par les individus dans le cadre de leur profession, mais aussi l'intérêt porté par les directions des Ressources humaines d'un certain nombre d'institutions. Après nous être également interrogés sur l'évolution de la pensée DGCID en matière de formation, nous avons émis les propositions suivantes :

- La première concerne la formation continue: il s'agit du souhait de pouvoir bénéficier de stages de formation, en cours de mission à l'étranger, et ainsi mettre en place un système de formation continue en ligne, soucis qui a été exprimé avec la même force manifestée pour la deuxième proposition: établir une offre de formation sur les métiers de la coopération. Il semble bien, en effet, que cette offre de formation, non seulement n'existe pas, mais d'autre part soit fort peu connue.

- Le troisième point, qui a été également proposé par l'atelier précédent, concerne la validation des formations et des acquis professionnels. Le groupe a rappelé le besoin extrêmement fort, ressenti par tous les personnels tant en France qu'en poste à l'étranger, de validation des acquis professionnels. Cette demande de validation est récurrente mais nous paraît être de plus en plus ferme. Il en est de même pour la mise en œuvre et la réflexion autour des acquis professionnels, une volontée qui est aujourd'hui portée par une vague de fond et on peut penser qu'il serait tout à fait intéressant que les métiers de l'international bénéficient de cette reconnaissance.

- Tout cela est enfin résumé dans une quatrième proposition, qui est une ancienne proposition de l'ACAD, mais pas seulement puisque les partenaires sur le plan national et même international sont souvent favorables à cette idée, à savoir la mise en place d'un institut de formation qui ne soit pas un jumeau de l'institut Diplomatique mis en place récemment, mais un institut de formation pour l'international qui ne soit pas seulement réservé aux fonctionnaires et aux diplomates, mais ouvert à tous ceux qui veulent travailler à l'international, et qui permette de mettre en place une culture professionnelle commune dans un esprit de partenariat aussi bien entre l'Etat et les collectivités locales, qu'avec la société civile.

Jean-François Lanteri, chef de bureau (DGCID)

Un petit complément, il me semble que dans l'atelier, on a également évoqué l'existence de l'institut Diplomatique mis en place au sein du ministère des Affaires étrangères, et aussi demandé l'ouverture de cet institut à des agents contractuels ou détachés d'autres ministères techniques. Ce n'est pas l'institut tel qu'on le souhaite, décloisonné, mais c'est déjà un pas en avant

Débats

François Grunewald, président de l'URD, membre du HCCI

Merci beaucoup à ceux qui sont là. Je suis ingénieur agronome, cela fait à peu près 20 ans que je travaille sur les problèmes de coopération, d'aide, de développement, d'urgence et de réhabilitation. Ces questions de ressources humaines et de formation sont depuis un certain temps au cœur de mon travail quotidien puisque j'anime ce fameux groupe URD. C'est un réseau de recherche, d'évaluation et de formation, puisque nous faisons 120 à 130 jours de formation par an sur ces questions d'actions humanitaires et d'actions de réhabilitation, liens urgence-développement. Depuis l'année dernière, je dirige le DESS action humanitaire, action de développement de Paris XII. Les questions qui ont été soulevées sont donc tout à fait au cœur de nos préoccupations.

Ce qui m'a semblé très intéressant dans les trois présentations, c'est qu'il y a des recoupements qui je crois, sont au cœur de la problématique de cette journée. Parmi les recoupements importants, j'en note trois.

Le premier, c'est que la gestion des ressources humaines au sens large, y compris la formation, y compris la mobilité, y compris l'identification des compétences, ça a un coût. Cette question du coût a été abordée plusieurs fois: comment les organisations vont-elles se mettre en place, avec quelle structure ?

Le deuxième point, c'est la notion d'intelligence collective, et je crois que c'est quelque chose de très important car les ministères, les collectivités locales, les experts indépendants ne sont pas seulement une somme de compétences individuelles; ils n'auront réellement de force qu'en assurant cette dynamique d'intelligence collective et je crois que c'est un point qui sera fondamental.

La troisième question, que l'on retrouve dans les trois présentations, c'est finalement, des ressources humaines, pour faire quoi? Et donc, par rapport à quelle identification des besoins, des enjeux? Tout cela se cadrant par rapport à des dynamiques institutionnelles, à des dynamiques opérationnelles, etc...

Je pense que ce sont les trois grandes plages de recouvrement qui ressortent des présentations. Nos trois intervenants vont élaborer leur vision de ce qui a été discuté, et voir comment ce qui a été dit peut se transformer en choses concrètes. Nicolas Wit va commencer.

Nicolas Wit, directeur-adjoint de Cités-unies France

Cités-unies France est une association des collectivités locales engagées dans la coopération internationale. Vous avez demandé de confronter les propositions aux faits.

Quelques faits: il y a un public, des acteurs nouveaux, souvent méconnus, parfois un peu méprisés, des élus locaux, des centaines, voire des milliers, tous les six ans renouvelés, des gens qui ont souvent développé une véritable culture d'international, vers le Sud, vers l'Est, mais aussi vers des pays occidentaux. Il y a une spécificité peut-être, qui est que pour ces élus, de plus en plus, la coopération internationale n'est pas uniquement une affaire de donner, mais également de recevoir des transferts de technologie par exemple. Ceci nécessite tout un apprentissage. Aujourd'hui, ce qui m'a frappé, c'est qu'on a parlé que de la formation pour savoir transférer nos connaissances, nos méthodes, nos technologies or, sur beaucoup de questions, que ce soit la démocratie participative, la pollution, la gestion de villes cosmopolites, il y a des choses à apprendre, en Amérique latine, dans les pays du nord de l'Europe ou dans les pays africains. Un thème central, c'est le décloisonnement. Dans les propositions que j'ai entendues, j'ai reconnu beaucoup d'analyses faites à notre niveau des collectivités locales. Nous travaillons sur ces questions avec le CNFPT, avec l'ARRICOD et d'autres.

J'allais donner quelques réactions rapides. Ce qui me paraît important, c'est que pour toutes les actions de formation, d'information, il faut croiser les publics. Une proposition, et on a travaillé dessus sur la phase de conception avec le CNFPT, ce serait d'organiser des journées en France avec des fonctionnaires territoriaux, l'association ARRICOD, avec des fonctionnaires déconcentrés. Aujourd'hui, quasiment tous les ministères français font leur coopération, tout le monde a sa cellule, tout le monde a ses actions et souvent sans aucune concertation. Avec les élus, avec les universitaires, l'intelligence collective, je crois que c'est très important. On entend des notions à la DGCID de stratégie par pays, de programmes concertés, je pense qu'il faut essayer dans l'action et dans l'analyse de confronter les vues. Il y a des pays où la coopération décentralisée est un axe majeur de l'aide publique au développement.

Une autre proposition par rapport à la formation continue. L'action des collectivités territoriales est souvent encore méconnue alors que parfois, ça devient très professionnel. Je pense qu'il faudrait inviter des agents de développement à faire des stages dans des collectivités locales, quelques jours, une mission. La culture des collectivités territoriales, appelées à être de plus en plus présentes sur la scène internationale, doit être également mieux connue. Il y a encore beaucoup de malentendus, même s'il y a des efforts et que l'accueil des élus dans les postes, ils sont unanimes, se fait désormais très bien, montrant qu'il y a aujourd'hui une vraie volonté de partenariat. Il faut traduire ça dans des stages, dans des formations, dans des partages de savoir-faire, peut-être choisir des pays, choisir des zones géographiques, ça ne se fait pas dans l'absolu, ça se fait autour d'objectifs concrets. Je ne pense pas qu'on puisse aborder toutes ces questions dans le vide.

Et je terminerai en remerciant l'ACAD de nous avoir invités, comme l'année dernière, à cette journée; c'est toujours très riche de se frotter un peu à la culture de toutes les personnes ici.

Jacques Andrieu, délégué pour l'Action extérieure des Collectivités locales

Jacques Andrieu, délégué pour l'Action extérieure des Collectivités locales au ministère des Affaires étrangères. Je suis placé auprès du secrétaire général, et je travaille avec toute la maison, surtout avec la DGCID, en toute confiance, et la MCNG.

Six points très simples, en trente secondes chacun.

Le premier, dans l'excellent esprit de la journée d'aujourd'hui où j'ai eu la chance de participer dès la début et où je me sens très à l'aise, je vous recommande de lire le Guide de la coopération décentralisée. Il coûte 50 francs à la documentation française. Il donne le ton de cette extraordinaire aventure qu'est la coopération décentralisée qui devient quelque chose d'extrêmement solide et vous avez dans ce guide l'ensemble des partenaires décrits.

Deuxième point, encore un document, c'est une circulaire très intéressante sur le contrôle de légalité dans la coopération décentralisée. Elle évoque l'ensemble des problèmes de sécurité juridique qui se dégagent, dont certains problèmes de personnel. Pour notre part, nous travaillons en toute confiance avec l'ARRICOD et on a même dans notre équipe notre ami Pierrick Hamon qui est fonctionnaire territorial. Je vous recommande de la réclamer: elle mérite lecture.

Troisième chose, il y a des chantiers dans le cadre de ce que l'on appelle la commission nationale de la Coopération décentralisée. C'est très intéressant, en terme d'organisation et de gestion d'une liberté, que nos collectivités locales ont conquise. Par une loi qui est l'une des plus claires du monde, nous avons des moyens de travailler en sécurité pour nos collectivités locales. Ces chantiers sont le lieu de rencontres avec des élus désignés par les associations représentatives, donc politiquement inattaquables, c'est représentatif, et avec l'Etat. Ce mélange est très enrichissant car on peut parler librement. Beaucoup d'entre vous y ont déjà participé et je propose à l'ACAD d'être éventuellement dans l'un des groupes de travail qu'on envisage sur les problèmes de formation avec nos collectivités locales.

Quatrièmement, à mon avis, ça n'a pas été assez abordé aujourd'hui, c'est l'évaluation. Et là, la commission nationale et les chantiers ont permis de faire un peu d'innovation qui fera du bien à l'Etat. C'est sur le site du CNFPT, c'est un module d'évaluation qui fait travailler dès le départ la collectivité avec son interlocuteur, nous ne le faisions jamais jusqu'à présent.

Les deux derniers points et je termine. N'a pas été évoqué le problème de la formation des élus, et c'est un point important puisque le CNFPT se déclare non compétent. Nous avons beaucoup réfléchi à ce problème, nous souhaiterions continuer à y réfléchir et à nouveau le chantier pourrait y aider. Les élus mènent le jeu dans la coopération décentralisée; s'ils ne le mènent pas, ça devient de la technostructure qui fait des erreurs, mais encore faut-il qu'ils aient une meilleure culture dans certains cas.

Et dernière chose, j'annonce, au nom de Monsieur Charles Josselin, notre ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, que les assises de la Coopération décentralisée se tiendront le lundi 26 et mardi 27 novembre 2001, à Paris, et que dans les deux mois qui viennent si l'ACAD et tous ceux qui sont ici peuvent contribuer à la réflexion intellectuelle, ils seront les bienvenus.

Jean-Michel Marlaud, directeur des Ressources humaines du ministère des Affaires étrangères

Je vais réagir, de façon assez pratique et sans grands dégagements de principes, sur quelques uns des points qui ont été évoqués.

Concernant la professionnalisation du recrutement, c'est évidemment une préoccupation que nous partageons. Je ne dis pas que nous y parvenons parfaitement, mais en tous cas, c'est une direction dans laquelle nous essayons de travailler. Notre intérêt, c'est d'élargir le vivier: c'est la raison pour laquelle nous avons désormais mis l'ensemble des postes sur l'internet. Nous souhaitons également élargir les ministères partenaires. C'est vrai qu'il y a aujourd'hui un poids prédominant de l'Education nationale parmi nos ministères partenaires. Nous souhaitons développer des relations avec d'autres ministères, c'est la raison pour laquelle, maintenant, nous avons des contacts réguliers avec eux, et nous les incitons à inscrire les postes que nous proposons dans leur propre procédure de transparence interne. Depuis deux ans, avec le ministère de l'Education nationale qui reste quand même notre principal partenaire, la professionnalisation du recrutement est également accrue grâce à la création de commissions d'examen des candidatures avec pour le ministère, la présence de la DRH et de la DGCID. Je suis tout à fait ouvert à d'autres suggestions pratiques pour continuer à suivre cette voie de la professionnalisation du recrutement, c'est évidemment notre intérêt.

Concernant la mobilité, je ne vais pas reprendre tous les points. Il y en a quelques uns qui me font cependant réagir :

- Le premier: faut-il réduire la durée de l'expatriation ? C'est toujours un sujet extrêmement vif de débat. Je dirais simplement que pour nous, en gros, un bon séjour dans un poste à l'étranger, c'est 3 ou 4 ans. Un temps maximum, c'est 8 ans. Au-delà de 3 ou 4 ans dans un autre pays, on se fatigue et au-delà de 8 ans, on perd le contact avec la réalité française. C'est quelque chose que nous essayons de tenir de façon extrêmement stricte avec nos propres agents, et c'est de façon générale ce que nous estimons souhaitable.

- Concernant l'accompagnement du départ: il s'agit d'un point franchement compliqué. L'accompagnement du départ, je suis tout à fait d'accord, ce n'est pas suffisant, ce n'est pas satisfaisant. D'ailleurs, j'en ai moi-même fait la constatation. Avant de prendre mon poste, j'étais en Bolivie. Quand j'arrivais dans une ville de province et que je voyais un directeur d'Alliance française à qui on demandait d'être à la fois un gestionnaire, un pédagogue, un administrateur, un communicateur, parfois celui qui débrouillait les problèmes des Français locaux parce qu'il n'y avait pas de consul et capable aussi bien de parler à la télévision, à la radio et de trouver des mécènes, je me disais, le malheureux, je n'aimerais pas être à sa place. Alors l'an dernier, on a essayé de faire une chose que nous allons à nouveau essayer cette année: cela consiste à faire le stage de préparation au départ en septembre, de façon beaucoup plus détaillée et beaucoup plus en modules que ce n'était le cas précédemment. Il est vrai qu'avant c'était un module bâti en un seul bloc, dans lequel on réunissait tout le monde, directeurs d'Alliance, attachés Linguistiques, conseillers de Coopération et d'Action culturelle, etc… Aujourd'hui, on essaie d'aller vers des modules beaucoup plus orientés vers chaque type de fonction. Certes, ce n'est pas suffisant, notamment, il reste le problème de la durée du stage qui n'est que d'une semaine. Mais ici, on se heurte à une difficulté concrète: si vous démarrez avant le 1er septembre, vous n'avez pas foule pour participer à votre stage, ni même pour être formateur. Et si vous continuez sur une deuxième semaine, ce qui avait été le cas l'an dernier, vous vous heurtez à un double problème: d'une part les gens sont pressés de partir parce qu'ils veulent scolariser leurs enfants et ne veulent pas rater la rentrée scolaire dans le pays où ils sont affectés, ce qui est bien légitime; d'autre part, pour ceux qui travaillent dans les services culturels, il faut qu'ils arrivent suffisamment vite pour être un minimum familiarisés avec leurs dossiers avant de s'atteler à la tâche, toujours difficile, de la programmation. Pour l'instant, je n'ai pas trouvé la pierre philosophale. Evidemment, on peut essayer de commencer les recrutements beaucoup plus tôt. Malheureusement, je dois bien le dire, pour l'instant, l'orientation est plutôt inverse, parce que plus nous développons la concertation avec les ministères partenaires, et plus c'est long. Il s'agit donc de problèmes tout à fait concrets auxquels nous sommes confrontés.

- L'accompagnement du retour, c'est vrai, est le complément de l'accompagnement au départ. Je dois dire qu'ici, je me sens moins compétent d'une certaine façon, en tous cas pour ceux qui reviennent dans leur administration d'origine, puisque le retour se fait d'abord dans l'administration d'origine. Nous avons fait une tentative lorsque la commission avec le ministère de l'Education nationale a été créée. La contrepartie de la mise en place de cette commission visant à associer davantage l'Education nationale au recrutement, c'était la mise en place d'une instance de suivi et de réinsertion de son personnel, permettant de valoriser les expériences et les acquis professionnels. Au bout de 2 ans de fonctionnement, j'ai le sentiment que nous pouvons encore progresser. Pour les contractuels qui reviennent sur le marché, il y a la cellule de réinsertion sur laquelle je n'insiste pas.

- En matière de formation, premièrement, je tiens à préciser que la gestion des crédits relève des compétences de la direction des Ressources humaines. Deuxièmement, nous souhaitons maintenir l'unité des crédits de formation: ces derniers s'élèvent à 40 millions de francs, ce n'est pas complètement négligeable, et je ne pense pas qu'ils soient susceptibles d'augmenter... D'autre part, nous avons un problème d'arbitrage car avec ces crédits, nous devons former des culturels, mais aussi le personnel consulaire, le personnel des visas, les chefs de poste... Nous devons former à la gestion, à la gestion des ressources humaines; nous devons financer l'institut Diplomatique... Il y a donc un problème d'arbitrage global, et c'est la raison pour laquelle nous souhaitons conserver la maîtrise d'ensemble des crédits de formation. Cela ne veut pas dire que nous avons l'intention de faire payer les autres formations par les culturels, mais qu'il faut qu'on ait un pilotage d'ensemble, étant entendu naturellement que la mise en place des stages doit se faire et se fait en étroite liaison avec la DGCID. D'ailleurs, c'est un peu un problème d'œuf et de poule, parce que inversement, il y a des stages organisés, y compris dans le domaine culturel, pour lesquels finalement il n'y a pas assez de participants, et que nous sommes obligés d'annuler.

- S'agissant de l'institut de formation que vous voulez créer, je n'y suis pas favorable pour deux raisons. La première, c'est qu'il faudrait mobiliser des ressources humaines, des moyens supplémentaires, et là je ne suis pas d'accord. Je ne peux pas plaider partout la diminution des effectifs, à laquelle le ministère est contraint, et faire exception pour la DRH en augmentant les siens. Deuxièmement, je crois qu'il serait dangereux de créer un ghetto dans lequel on mettrait les formations aux problèmes de coopération, de développement ou aux questions culturelles. Je crois qu'au contraire, la richesse de nos actions de formation, c'est de mélanger des gens qui, sur des mêmes problèmes, arrivent avec des approches différentes. Et pour moi, l'un de nos grands échecs actuels, ce n'est pas de ne pas avoir un institut de formation dans le domaine de la coopération, c'est plutôt que le cycle coopération-développement, qui existe déjà depuis un certain temps et que nous organisons notamment avec l'AFD, soit trop cloisonné; car pour l'instant, on y trouve exclusivement des collègues de la DGCID ou de l'AFD. J'aimerais bien, par exemple, que la personne qui suit le comité d'Aide au développement de l'OCDE à la direction Economique, ou tel ou tel rédacteur à la direction d'Afrique, ou celui qui s'occupe des pays d'Asie du sud-est... participent aussi à ce cycle. Le décloisonnement de la formation permettrait d'avoir des débats de différentes personnes avec des points de vue différents.

Enfin, nous n'avons pas d'opposition de principe à l'ouverture de l'Institut Diplomatique. Je rappelle simplement que la première session s'est terminée il y a 15 jours. Nous en sommes pour l'instant à une phase d'évaluation. Cette année, on a eu 30 participants, 20 du ministère, 10 de l'extérieur. Je pense que l'an prochain, on aura à peu près le même nombre et la même proportion. Sur l'idée d'avoir une ou deux personnes venant du réseau culturel et de coopération, nous n'avons pas d'objection de principe.

Alain Fohr, responsable de la cellule des Ressources humaines (DGCID)

Je crois qu'en premier lieu, on ne peut qu'adhérer aux propositions qui ont été émises par les différents groupes de travail. Je pense que toutes ces propositions sont extrêmement pertinentes et qu'elles ont été, j'imagine, déjà abordées par le directeur général ce matin à l'occasion de son intervention.

Je voudrais juste me permettre d'ajouter quelques points dont je n'ai pas entendu parler à l'occasion du rapport de ces trois ateliers.

Le premier point concerne la réflexion, la définition de ce que sont aujourd'hui les métiers de la coopération internationale. Ils ne sont plus ce qu'ils étaient il y a 20 ans: la définition d'un profil de poste par une ambassade, publié ensuite à la transparence du ministère des Affaires étrangères et au B.O.E.N, reste insuffisant. Je crois que se pose aujourd'hui, en France, un problème de représentation de ce que sont ces métiers. Je suis très content d'entendre les différents orateurs et le président de cette table ronde parler d'intelligence collective parce que je pense qu'effectivement, c'est une affaire d'intelligence collective, c'est donc une affaire de mutualisation de la problématique, pas seulement en interministériel. Comme nous disait Jean-Michel Marlaud, je crois que des progrès notoires ont été accomplis pour ce qui est de la concertation interministérielle, mais c'est insuffisant. Reste la concertation avec l'ensemble des institutions publiques, parapubliques et privées, et avec la société civile. Nous sommes encore loin d'avoir approfondi ces mécanismes de concertation qui devraient nous permettre de donner une représentation beaucoup plus précise de ce que sont aujourd'hui les métiers au sein de la direction générale de la Coopération internationale et du Développement. A cet égard, et là je parle à titre strictement personnel, on pourrait estimer qu'il y a un paradoxe à publier l'ensemble des postes, notamment à l'attention de tous les personnels du ministère de l'Education nationale, parce que ça donne à penser que, finalement, tout le monde peut faire ces métiers. Or, je ne suis pas du tout d'accord avec ce point de vue. Je pense même que ces métiers sont de plus en plus exigeants, beaucoup d'entre-vous peuvent en témoigner, je peux en témoigner. Jean-Michel Marlaud vient d'énumérer rapidement l'accumulation des compétences que l'on doit posséder. Les métiers de la coopération internationale sont une accumulation de compétences ou de micro-compétences. S'il y en a une qui est défaillante, c'est tout le parcours de l'agent qui est défaillant. L'enjeu c'est de faire en sorte que les agents qui partent ne soient pas bons, mais excellents. De ce point de vue, je suis désolé, mais on ne peut pas dire que tout le monde peut faire ça, je pense que c'est une imposture intellectuelle, qu'il faut être extrêmement exigeant s'agissant de la définition des profils de poste. Des efforts ont été accomplis, c'est indiscutable, mais il ne faut pas laisser croire, je me permets d'insister sur ce point, que n'importe qui peut accomplir ces métiers. Le directeur des Ressources humaines qui est à mes côtés a été témoin, cette année, comme nous tous d'un certain nombre d'incidents et de défaillances dans le réseau, y compris à des niveaux de responsabilité élevée, donc il faut s'interroger sur ces accidents et sur leur nature.

Se pose donc, de mon point de vue, le problème de la formation initiale. J'ai entendu parlé de formation continue et sauf erreur de ma part, je n'ai pas beaucoup entendu parler de formation initiale, de préparation au départ, d'accompagnement. Evidemment, nous sommes tous idéalistes et le scénario idéal serait que les agents se préparent un an à l'avance, pas seulement au plan de la maîtrise de la langue mais sur tous les plans. Les contraintes de l'administration étant ce qu'elles sont, effectivement cela paraît difficile. Enfin, sachons simplement que dans d'autres pays, on trouve le moyen de préparer des agents à des métiers de la coopération culturelle, scientifique, universitaire, 8 mois avant. Grosso modo, la durée moyenne, c'est 8 mois, voire 6 mois. Il se pose donc le problème de la formation initiale et de l'adéquation au poste que l'on va occuper. Dans le même état d'esprit, j'estime qu'aujourd'hui, tout agent devrait pouvoir partir doté d'une lettre de mission. Il n'est pas normal qu'on ne puisse pas attribuer une lettre de mission à un collègue qui part en poste. Cela se produit dans certains cas, et la pratique va se faire maintenant systématiquement pour ce qui concerne les conseillers, attachés scientifiques, et techniques; ça se fait très fréquemment pour ne pas dire systématiquement pour ce qui concerne les assistants techniques, et je ne vois pas pourquoi un attaché de Coopération pour le français partirait sans lettre de mission. Il faut donc qu'à la DGCID, il y ait l'attribution systématique d'une lettre de mission à l'ensemble des agents.

Sur la mobilité, je trouve que c'est l'une des grosses faiblesses aujourd'hui de notre dispositif. Pour ce qui nous concerne, il y a dans mon équipe une collègue qui s'occupe de mobilité. Je dois dire qu'au regard des moyens dont nous disposons, finalement, nous avons obtenu des résultats, mais c'est nettement insuffisant. Dans la réflexion qui sera entamée sur la problématique de la ressource humaine appliquée aux métiers de la coopération internationale, il ne faudra pas oublier la question du retour. Il faut que l'accompagnement soit professionnel pour que les collègues le soient ensuite sur le terrain. Il faut accompagner de la façon la plus professionnelle possible le parcours des agents et cela passe par une évaluation efficace, or aujourd'hui, dans le réseau culturel, je me permets de le dire, les évaluations ne nous permettent pas encore d'apprécier, à leur juste valeur, les qualités des agents.

François Grunewald, président de l'URD, membre du HCCI

Merci. Vous avez apporté au débat deux éléments très importants. Le premier est cette différence entre les métiers qui peuvent se faire à l'international, avec l'accompagnement ad hoc, et les métiers spécifiques de l'international. Le second, c'est toute la problématique de l'évaluation des compétences, des performances et de l'accompagnement autour de ça.

Quatre mots pour résumer ce qui vient d'être dit : professionnalisation, formation, décloisonnement et gestion des flux. Maintenant, la parole est à la salle.

Claudine Boudre-Millot, délégation aux Relations internationales et à la Coopération (DRIC), ministère de l'Education nationale

Juste un mot pour préciser que le petit retard que nous avons eu sur le rendu est dû à la mise en place d'une base de données. Un outil informatique aussi complexe ne s'élabore pas du jour au lendemain, il a fallu apporter des modifications en permanence. Pour l'année prochaine, nous avons maintenant un outil et des modes de concertation qui fonctionnent et je crois que c'est très positif.

Quand à la réintégration à l'Education nationale, et l'accompagnement au retour des fonctionnaires, j'ai volontairement et délibérément utilisé moi-même, le mot de bricolage dans l'atelier. Mais malgré tout, je crois que les choses ne se sont pas si mal passées, et que la plupart des candidats au retour sur des postes à profil ont aujourd'hui obtenu satisfaction. Il y a beaucoup d'améliorations encore à apporter mais je crois qu'on est dans une phase positive.

Jean-Michel Marlaud, directeur des Ressources humaines du ministère des Affaires étrangères

Le processus de concertation est plus long car il y a une présélection qui est faite par les ministères partenaires et donc, c'est plus compliqué. De ce fait, il y a 3 ou 4 mois d'écart : le mouvement sur l'étranger est bouclé en décembre dans le réseau diplomatique et consulaire alors qu'il est achevé en mai-juin dans le réseau culturel et de coopération.

Jean-Michel Delacomptée, maître de conférences à Paris VIII

A travers la question de l'institut, je crois que le problème qui se pose est la reconnaissance du métier en coopération internationale. Cette question d'institut, il faut la penser nécessairement en relation avec la reconnaissance du métier, avec la question du recrutement et de la mobilité. Par ailleurs, bien sûr qu'une semaine de formation pour les gens qu'on envoie en poste, c'est insuffisant. Quelles sont les solutions si on veut sortir de l'impasse? Il faut un système de validation qui permette, au départ, sur la formation initiale, de valider, de donner des critères de compétences, sinon de qualités, de telle sorte qu'on se place dans une optique non pas fermée, mais totalement ouverte. Parce que le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que c'est de facto relativement fermé, alors que la question peut-être c'est justement d'ouvrir à la société civile dans son ensemble. Quel est le seul moyen de résoudre toutes ces contradictions sinon de faire, ce que je crois font à peu près tous les corps de métier, c'est à dire une formation préalable, une formation qui soit ouverte d'une façon très large. Ceci signifie qu'il y a des critères à peu près objectifs de recrutement, de compétences, relativement aux grilles de postes. Les gens sont ainsi mieux préparés au départ, on arrive mieux à régler la question très épineuse et récurrente des délais entre la nomination et le départ, et je sais très bien à quel point c'est difficile de gérer tout cela. La question de l'institut doit être prise d'une façon symbolique, autour de laquelle on essaie de penser la problématique de la reconnaissance des métiers.

Jean-François Lantéri, chef de bureau (DGCID)

Dans l'atelier auquel j'ai assisté, on a eu une expérience très intéressante du CNFPT qui travaille sur les métiers. En mars 2001, il aura défini des référentiels de métiers accompagnés des référentiels de compétences et accompagnés des référentiels de formations. J'ai proposé que cela soit repris par la DGCID, et qu'en mars 2002, celle-ci ne puisse pas être en retard par rapport au CNFPT et aux collectivités locales, car elle aura défini des référentiels de métiers, des référentiels de compétences et des référentiels de formations.

Sur l'institut, je crois aussi que c'est d'abord symbolique. Mais, concrètement, est-ce qu'on ne peut pas définir un itinéraire de formation pour les candidats au départ sur un an ? Je crois que ce sont des choses qui ne sont pas totalement impossibles à condition qu'on ait ces référentiels de métiers et de formations.

Mireille Cheval, centre Européen de la Langue française, Bruxelles

Je voulais juste rappeler qu'il y a quelques années, existait un stage de formation auquel j'ai eu la chance de participer qui était un stage du BELC long, à peu près de 8 mois. Je voulais juste apporter un témoignage: pendant ce stage, j'ai appris mon métier. Bien sûr que cet outil était peut-être à réformer, mais peut-être aussi faudrait-il penser à le recréer d'une autre manière.

Jean-Louis Maurer, DGCID

J'ai remarqué parmi les interventions celles de deux consultants qui ont émis des observations et des suggestions qui n'ont pas été reprises. Ils ont énormément insisté sur l'environnement psychologique et les capacités psychologiques des candidats au départ à l'étranger. On sait tous que lors des expériences à l'étranger il se passe parfois des incidents, voir des accidents, des collègues qui ne s'avèrent pas aptes à exercer les fonctions qui leur ont été confiées, et pour des raisons qui ne sont pas propres aux problèmes de formation initiale, continue, à tous ces problèmes de compétence professionnelle, dont on a discuté jusqu'à présent. J'ai noté parmi les interventions des consultants que la dimension familiale doit être prise en compte, que l'encadrement psychologique des candidats au départ devait également être pris en compte, et je trouve que c'est une dimension que notre ministère ne doit pas oublier.

Jean-Loup Chaumet, consultant

Quand j'entends mobilité et organisme de formation interne, je trouve ça un peu bizarre, car c'est effectivement tout le contraire de la mobilité. J'ai entendu parler de validation des acquis et il se trouve que la validation des acquis n'est possible que dans un cadre universitaire. Pourquoi ne pas constituer, en partenariat avec des universités, des diplômes accessibles à vos collègues qui pourraient construire eux-mêmes leurs parcours à l'extérieur.

Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE

Je souhaiterais rassurer Jean-Michel Marlaud, et lui préciser que dans le projet ACAD, qui date de 1994 ou 1995, il ne s'agissait pas de construire une Ecole d'outre-mer, ni vraiment des bâtiments de 15 étages ! Il s'agissait de mettre en réseau toutes les possibilités qui existent déjà: les DESS qui ont été évoqués, les travaux qui sont réalisés à Clermont-Ferrand, à Dijon, etc …Et tout ceci figure aussi dans le rapport Heisbourg qui constate les grosses carences en matière de formation à l'internationale. Il s'agit d'avoir une sorte de tête de réseau située ici ou dans une université. C'est bien clair, il n'est pas du tout question de créer une université. Et si on estime que la formation initiale et continue est un passage obligé, je pense que c'est le seul moyen. La plupart des gens d'ici, de notre génération ont fait un an de formation dans les années 1974-1976, payée d'ailleurs par l'Education nationale non pas par les Affaires étrangères.

François Grunewald, président de l'URD, membre du HCCI

De nombreuses questions ont été soulevées, et il n'y a pas beaucoup de réponses. Je crois qu'il y a un élément fondamental qui vient de sortir de cet échange: la question de l'institut. Il s'agit d'une trajectoire validée, pas nécessairement installée dans des murs, nécessitant du personnel… mais c'est un réseau avec une offre de formation, avec des modules identifiés qui se prennent à travers ce qu'offrent déjà les différents acteurs de formation. Et qu'on puisse à partir de là, construire cette offre validée, pour les gens dont ça deviendra le métier, ou qui veulent se recycler et améliorer leurs compétences en vue d'en faire leur métier. A partir de là, doivent se mettre en place les mécanismes pour pouvoir bénéficier de cette offre avant leur départ. Je crois que c'est un peu ce schéma-ci qui est derrière la question de l'institut. Comment identifier cette offre ? La mettre en musique ? Lui donner une validation et permettre aux gens qui vont partir d'en bénéficier ?

Jean-Michel Marlaud, directeur des Ressources humaines du ministère des Affaires étrangères

Il y a deux choses. D'abord, j'ai eu un ton peut-être un peu provocateur, et je ne voudrais pas qu'il ait créé de malentendus. Je n'ai jamais dit que la formation n'était pas importante; je n'ai jamais dit qu'on avait l'intention de sacrifier la formation aux métiers culturels; je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas reconnaître les métiers culturels: je voudrais que ce soit bien clair. Et de la même façon, quand je dis qu'il faut décloisonner, et que l'on mêle des collègues d'origines différentes, ceci est vrai pour un cycle du type coopération et développement, qui est un cycle plutôt général. Il est clair que par exemple, pour une formation à la préparation d'une programmation, nous ne sommes pas dans la même logique, et c'est aussi une formation qui est utile.

De façon plus générale, sur la question de la formation préalable, je crois qu'on a plusieurs possibilités pour répondre à ce type de problèmes.

Première possibilité, on peut essayer de bouleverser complètement notre calendrier d'affectation, l'avancer de plusieurs mois, ce qui permettrait d'organiser une formation correcte avant le départ en poste. C'est le chemin qu'on a choisi pour les agents titulaires du ministère. Il y a deux ans, on bouclait notre mouvement sur l'étranger au mois de mai, ce qui laissait très peu de temps pour organiser des formations. Cette année on a bouclé notre mouvement en décembre, ce qui nous a laissé le temps suffisant pour organiser les formations. Pour les raisons dont je parlais tout à l'heure, c'est manifestement beaucoup plus compliqué dans le domaine culturel et de coopération. Ce n'est pas parce que c'est plus compliqué qu'il faut abandonner cette piste. Je dis simplement, que cela ne va pas se faire du jour au lendemain

Deuxième possibilité, on peut, effectivement, être beaucoup plus sélectifs au niveau des fiches de poste et poser des conditions. Par exemple, si vous n'avez pas fait un DESS de développement, vous ne pouvez pas vous présenter. Est-ce opportun ? Je ne sais pas. Nous avons eu pour l'instant plutôt une politique attrape-tout : on élargit le vivier, plus on a de candidatures, plus on pourra sélectionner. C'est vrai qu'à partir d'un moment, on a tellement de candidatures que, du coup, on a un problème de sélection correcte des candidatures. Est-ce qu'il faut mettre un certain nombre de conditions supplémentaires ? Oui, pourquoi pas ? On peut y réfléchir.

Troisième idée que j'ai entendue, c'est que les candidats vont se préparer en faisant certaines formations un an avant, pourquoi pas aussi le samedi et le dimanche, etc... Là encore, je ne suis pas contre par principe. Je pose simplement deux questions. La première, c'est qu'il doit être bien clair que ce n'est pas parce que quelqu'un fait l'effort de suivre ces modules de formation qu'on est obligé de le retenir au bout de l'année. Deuxièmement, il y a un problème de financement parce que cela signifie qu'on aura plus de candidats pour suivre ces formations que nous ne retiendrons de personnes. Il va y avoir une déperdition, et cela pose un problème de coût. Peut-on imaginer, par exemple, que ceux qui s'inscrivent à ce type de formation payent ? C'est le genre de questions qu'effectivement, on peut se poser. Les trois approches n'étant pas forcément exclusives les unes des autres.

Alain Fohr, responsable de la cellule des Ressources humaines (DGCID)

Certains observateurs des journées du Réseau que nous venons d'organiser nous ont dit: "le réseau ne se caractérise pas par sa jeunesse". Ca s'explique sans doute par le fait que la plupart de nos ambassadeurs sont exigeants en matière de recrutement, et que dans neuf cas sur dix, la nécessité d'avoir déjà exercé des fonctions à l'étranger figure dans les profils de poste, ce qui barre de facto la route à beaucoup de jeunes. Je pense que se pose aujourd'hui un problème de renouvellement des effectifs et des personnels, d'où la question de la formation initiale.

François Grunewald, président de l'URD, membre du HCCI

Très bien! Voici donc de nombreuses bonnes raisons pour se retrousser les manches, et je crois que maintenant le président Charroing va conclure.

Jean Charroing, président de l'ACAD-MAE

L'année dernière, je le rappelle, le sujet de notre rencontre était "La coopération, l'affaire de tous ": on l'a encore constaté aujourd'hui.

On a vu tout le monde s'interroger, et tout le monde chercher des solutions. On a vu aussi que la mobilité, la compétence et la formation constituaient un triangle d'or, et qu'il est important de tenir les trois bouts du triangle.

Ce qui m'a semblé également très important, mais je vous laisse juges, c'est qu'on a eu ce matin, de la part du directeur de la DGCID, un discours refondateur.

Je vous propose de nous retrouver l'année prochaine. Je vous remercie encore une fois de votre présence.

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Dernière modification : 25 déc. 2001

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