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Journée-débat de l'ACAD-MAE
du 26 juillet 2001
Discours introductif
Discussion entre le DG et la salle
Synthèse des interventions & débats
Ateliers et tables rondes
Compétence
Mobilité
Formation
"L'enjeu des ressources humaines
dans la coopération internationale de demain"
BRUNO DELAYE, directeur général de
coopération internationale et de la coopération
Je vous remercie pour votre invitation, car il ne pouvait y
avoir un meilleur prolongement aux Journées du réseau qui viennent de se tenir
au Palais des congrès, que cette rencontre et cette discussion sur le thème
des ressources humaines dans la coopération internationale de demain.
Le vaste "chantier" des ressources humaines, qui
est partie intégrante de la réforme de 1998 de notre dispositif de
coopération, n’est pas encore totalement achevé, ni sur le plan de la
gestion, ni sur le plan du vrai mélange des "cultures" des deux
institutions, ni même encore au niveau de la vraie perception par les agents
chargés d'avoir une politique à moyen terme dans ce domaine.
Si l’on veut vraiment réaliser la réforme mise en place
selon les organigrammes et les objectifs définis, il faut passer à la
troisième étape, qui est celle de développer une vraie politique, à moyen
terme, de mobilisation de la ressource humaine et d’investissements massifs
dans une ressource humaine de qualité pour les années qui viennent.
J’en suis persuadé depuis le début, c’est la raison
pour laquelle aussi, en arrivant à la DGCID, j’ai souhaité qu’il y ait une
véritable Cellule des ressources humaines, directement placée auprès du
directeur général, et qui est actuellement animée par Alain Fohr dont l'une
des fonctions est de nous conseiller en permanence, Yves Saint-Geours et
moi-même, en vue d'une bonne gestion de la ressource humaine, et aussi faire en
sorte que nous puissions avoir, au sein de la DGCID, une réelle possibilité de
discussion avec la DGA-DRH, l’entité au sein du ministère des Affaires
étrangères chargée de gérer les agents, leur profil de carrière. On peut
ainsi avoir, effectivement, une politique visible, lisible, compréhensible, et
puis surtout aussi essayer de bien traiter les agents, et de les traiter
humainement.
Notre atout, c'est avant toute chose reconnaître qu'il y a
une formidable diversité humaine et professionnelle: dans cet ensemble, qui
constitue celui de la coopération au service du ministère des Affaires
étrangères au sens large, on trouve en effet des gens issus du monde médical
ou du monde de l’économie; qui peuvent venir des milieux du développement ou
de la culture; qui viennent du secteur de l’enseignement... et bien sûr de la
diplomatie. Tous sont à des moments ou des étapes différentes de leur vie
professionnelle. Ils se retrouvent ensemble, pendant une certaine durée, pour
exercer à peu près le même type de métier dans des pays tous forcément
différents, mais au service d’une même politique. C’est un atout
exceptionnel, et qui peut se révéler compliqué à gérer, notamment parce que
nous sommes en présence de trajectoires très différentes selon les agents:
certains étant de passage tandis que les autres sont là pour rester. Nous
avons à la fois des collaborateurs à qui nous disons: "On va prendre
vos compétences pour un temps limité, on va vous envoyer à l’étranger où
vous allez travailler pour nous, et l'on se séparera...". En revanche,
il y en a d’autres à qui l'on dit: " Vous faites partie de la maison,
et vous allez y demeurer". Néanmoins, le sentiment, qui m'a été
rapporté, est qu’il y a deux catégories de gens dans la maison, ceux qui en
font vraiment partie, ceux qui sont presque nés dedans, et puis les autres, qui
sont un peu, et qui ont parfois le sentiment d’être des pièces rapportées
à l’édifice.
Il y a ainsi des aspects pratiques et administratifs, à
côté des aspects statutaires dont je ne vais pas parler dans tout le détail
aujourd’hui; mais, il y a aussi des aspects psychologiques sur lesquels, il
faut à tout prix, et cela fait partie de mon travail, agir en permanence afin
que tout le monde se sente à l’aise sur le même "bateau",
quelle que soit son origine, quel que soit son "port d’embarquement",
quel que soit son mode de recrutement. Ceci est fondamental, et si l'on ne
réussissait pas à développer cette "culture commune" à
partir d’une diversité reconnue, la réussite de la réforme serait en
péril, assez vite.
Nous avons passé la phase 1, comme je vous l’ai dit, qui
était la mise en place des "outils". Il s'agit désormais d’essayer
d’atteindre un certain nombre d’objectifs en fonction d’ambitions qui ont
été définies, et rappelées par les ministres qui se sont succédés pendant
les dernières Journées du réseau.
On a sécurisé les moyens budgétaires et les effectifs, ce
qui nous a été rappelé par notre ministre, c’est à dire qu’on arrête la
logique d’attrition et la chasse au gaspillage systématique érigée en
politique. Finalement, c'était les rapports d’inspection sur des postes
"jugés inutiles" qui définissaient la ligne politique.
Quant aux crédits, ceux du ministère des Affaires
étrangères ont passé leur temps à baisser. Cette baisse a été enrayée
depuis 1999, mais la réaugmentation des crédits du ministère des Affaires
étrangères ne s’est pas traduite par une réaugmentation de ses moyens d’intervention.
Ceux-ci ont continué à baisser. Il y avait là encore une lente logique d’attrition
qui faisait que notre ministère vivait au détriment de son réseau culturel et
de coopération. Finalement, une fois effectué l'arbitrage avec Bercy sur la
sécurisation du grosso modo du budget de fonctionnement du ministère
(les constructions d’ambassades, les indemnités et les salaires de ses
personnels étrangers, le rattrapage des effets change-prix...), le budget d’intervention
était la proie dépecée en contre-partie de ce qui avait été concédé sur
le fonctionnement du ministère.
Cette année, on a essayé d’inverser cette "logique",
sans totalement réussir certes, mais cela a néanmoins permis de sécuriser
globalement les crédits de la DGCID, et même de les augmenter, au prix d’arbitrages
extrêmement sévères rendus à l’intérieur du ministère après des
discussions que vous pouvez imaginer, et d'arbitrages rendus par les ministres
en personne, Hubert Védrine et Charles Josselin, afin de changer l’ordre des
choses et faire en sorte que les arbitrages soient faits en faveur des crédits
d’intervention de ce ministère. Je considère là que c’est symboliquement
quelque chose qui nous fait théoriquement rentrer dans la phase 2 que j’appelle
de mes vœux.
Cette seconde étape, comme je vous le disais, c’est l’investissement
intelligent dans la ressource humaine. Qu’est ce que cela veut dire ?
La première des choses, si on parle de la coopération en
général, est que nous soyons tous d’accord, au niveau de l’Etat et de ceux
qui nous dirigent, pour dire qu’il existe une mission de service public, de
coopération et d’aide au développement, et qu’il existe une mission de
service public de coopération culturelle.
Cela a l’air évident comme, ça mais cela ne l’est pas
toujours. Et pour plusieurs raisons: vous entendez très souvent des gens qui
disent: « Mais à quoi bon avoir un centre culturel, les écoles
Berlitz, ça suffit »; « A quoi bon faire de la diffusion
artistique, le marché peut très bien le faire et si le marché ne le fait pas
c’est que nos produits sont mauvais »; « A quoi bon s’escrimer
à appuyer la diffusion du cinéma français, s’il est mauvais au départ il
ne trouvera pas de clients à l’arrivée »; « A quoi bon
faire de la coopération, avoir de l’assistance technique, c’est beaucoup
plus simple de donner de l’argent aux organismes multilatéraux. Il suffit de
faire un chèque à la Banque Mondiale, pas aux organismes des Nations Unies
parce qu’ils gaspillent trop, mais la Banque Mondiale, c’est sérieux! Et de
toute façon, vous savez, vous êtes en retard de plusieurs batailles puisque
maintenant, c’est l’Europe. Et donc, il faut passer par l’Europe et puis
arrêter d’être des Gaulois attardés qui ont leurs petits projets d’aide
bilatérale, leurs petits programmes d’aide, leur petite AFD, leur petit FSP
et leurs petits assistants techniques. C’est dépassé! ».
D’autre part, on entend aussi: "L’aide est-elle
vraiment bien nécessaire ? Puisque, désormais, on s’en rend
compte, une bonne négociation à l’OMC pour faire lever les verrous qui
empêchent le libre commerce est bien meilleure que tous les programmes d’APD
qu’on a développés depuis 30 ans".
Ainsi, si vous rajoutez tous ces raisonnements les uns après
les autres, vous en venez à douter non seulement de ce que l’on fait
mais aussi de l’existence même, de l’idée, d’une DGCID, d’une
assistance technique, d’une AFD, et ainsi de suite.
Pour l’AFD, en particulier, le problème est sérieux
surtout à partir du moment où l'on va entrer dans la "logique PPTE",
et que l’AFD sera amenée à faire moins de dons et davantage de prêts. A qui
prêter, dans le monde d’aujourd’hui, si l'on ne veut pas relancer à
nouveau la mécanique folle de la dette ? Il était important, et c’était
un des objectifs des Journées du réseau, de réasseoir -j’allais dire
idéologiquement, au bon sens du mot- la notion de service public, de mission de
service public, voulu, organisé par l’Etat français au service du
développement.
Mais il faut également accepter deux choses :
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la première est que nous ne sommes pas les seuls à le
faire et que nous le faisons en partenariat avec d’autres, c’est à dire
avec le "mouvement citoyen", la "société civile",
les collectivités locales, le mouvement associatif. Ils ont, eux aussi,
vocation à s’investir dans ces activités et à être nos partenaires,
non pas nos adversaires, mais nos partenaires. C’est tout à fait
légitime, et c’est un bon mouvement; sans pour autant délégitimer l’action
de l’Etat, bien au contraire. |
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la seconde est que l’exercice, ou les conditions d’exercice,
de cette mission publique ont radicalement changé: il faut en tenir compte
et se réformer soi-même, sinon, au bout d’un moment, on camperait sur
les principes sans conserver prise sur la réalité. Ce qui a aussi rendu
facile ou relativement facile cette réhabilitation de la notion de service
public au service de la coopération, c’est le fait que nous ne sommes pas
les seuls, en France, à s’en rendre compte; et que s'il est vrai que l’époque
du grand libéralisme à tout crin n’est pas passée, elle a un peu de plomb
dans l’aile dans la mesure où beaucoup de gens se rendent compte que
dans les stratégies de développement en tous cas, l’absence d’Etat
nuit gravement. Elle nuit même totalement. Il est impossible de développer
un projet si vous n’avez pas quelque part une autorité étatique, ne
serait-ce que pour tenir le pays, et empêcher que des bandes armées le
ravagent dans tous les sens. Il était impossible d’aller faire du
développement intelligent au Sierra Léone ou au Libéria, il y a quelques
années. Aujourd’hui, les premières tâches de la communauté
internationale, notamment sur le continent africain, sont les opérations de
maintien de la paix. La montée en puissance des opérations de maintien de
la paix, sur le budget de l’Etat, est l'une des raisons aussi pour
lesquelles, au cours des années précédentes, une grande partie de nos
crédits avait été rognée. Les Affaires étrangères, une fois de plus, s’étaient
fait abuser en acceptant que ces missions soient logées sur leur budget.
Cela va être la même chose avec le Fond Européen pour le Développement
(FED), d’ailleurs, je vous le signale : grosse bêtise. |
On redécouvre donc le rôle, le besoin, la nécessité de l’existence
d’un Etat dans les régulations ou les conditions d’existence du
développement. Même chose pour organiser les régulations de la
mondialisation.
Comme l’a rappelé le Premier ministre: à quoi cela
sert-il d’adopter des règlements au niveau international, s’il n’y a pas
d’Etat après pour les appliquer localement ? L’Etat doit aussi
relégitimer le cœur de l’action que la France avait entreprise depuis un
certain nombre d’années, à savoir l’appui à l’Etat de droit et le
renforcement des mécanismes régulateurs des Etats. Ceci constitue, j’allais
dire, le coeur d’excellence de notre coopération.
On est très compétent aussi, traditionnellement, dans les
domaines de la coopération médicale, de la coopération sanitaire, de la
coopération agricole et économique, en appui financier; mais à chaque fois,
vous voyez que la spécificité de la coopération française, ainsi que sa
valeur ajoutée, c’est d’être capable de rapporter nos actions, nos
transferts en matière de savoir, à une bonne organisation, à une juste
organisation des systèmes de régulation publique, d’organisation de la
dépense, de bonne marche des affaires publique et de l’Etat.
Tout cela nous relégitime donc, mais en même temps, comme
je le disais, on a réellement besoin de s’adapter en ce qui concerne un
certain nombre de champs nouveaux. Et quels sont-ils?
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Le premier, c’est l’organisation de notre relation
avec les systèmes multilatéraux. Il faut faire nôtre cette culture; et j’irai
même plus loin: il faut intégrer, au fil des parcours de carrière, des
passages dans un sens et dans l'autre, au sein des agences multilatérales
et au sein du dispositif de la coopération bilatérale française. Par
exemple, nous aurions besoin d’intégrer massivement dans nos structures,
soit à Paris, soit dans les Postes, des agents qui ont une expérience
multilatérale. Il faut également encourager nos agents à aller dans les
structures multilatérales, et à y faire carrière. Ce n’est pas simple;
parce que ce ne sont pas les mêmes systèmes de carrière et que, en
général, quand on est dans le multilatéral, on n'a pas trop envie de
revenir dans le bilatéral. Mais à titre exemple, l’expérience de quelqu’un
comme Jean-Michel Sévérino, qui après avoir été vice-président de la
Banque Mondiale, à son niveau très élevé, revient à la tête de l’AFD,
c’est une excellente chose pour l’AFD. |
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L’autre dimension, c'est les nouveaux métiers, les
compétences nouvelles, qu’il nous faut mettre en place dans les
structures de nos services de coopération et d’action culturelle. Je
prends l’exemple des attachés de coopération universitaire que nous
sommes en train de créer depuis 2-3 ans; l’ouverture à partir de cette
année de postes de conseillers régionaux multilatéraux: c’est aussi un
métier nouveau. Nous allons en affecter dans 4 régions du monde, auprès
des organismes régionaux. Le fait aussi que nous allons devoir habituer
beaucoup de nos assistants techniques à travailler en base régionale.
Peut-être que Serge Tomasi, dans le secteur de la santé, vous en parlera
plus précisément, mais l’idée, c’est d’avoir des plates-formes
régionales d’assistance technique, à Dakar ou à Abidjan, qui rayonnent
dans toute une région. On va commencer petit, à titre expérimental. |
J’en viens maintenant à un certain nombre d'autres
conditions qu’il nous faut remplir, et si vous voulez, on pourra parler plus
en détail de l’assistance technique qui est en soit un chapitre
extraordinairement important.
Il nous faut remplir, et bien remplir, un certain nombre de
conditions afin de réussir cette mission de réinvestissement massif dans la
ressource humaine en qualité, une fois qu’on en a stabilisé la base et que l’on
est plus dans la logique d’attrition.
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D’abord, il faut qu’on s’oblige tous, les uns les
autres, dans nos ambassades, à mieux identifier les besoins. Et donc, à
affiner les profils de poste, à faire de gros progrès dans l’écriture
des lettres de mission. Le ministère de la Coopération avait une très
bonne tradition en la matière. Ce n’était pas le cas du ministère des
Affaires étrangères qui, trop souvent, avait tendance à envoyer ses
agents sans vraiment préciser leur mission. Notre objectif, c’est qu’il
n’y ait pas d’agent qui ne parte à l’étranger sans une lettre de
mission réactualisée. Non pas simplement avec la copie où l'on a juste
réactualisé la date de la lettre de mission de son prédécesseur, mais
avec quelque chose qui a été revu par le Poste, à un niveau élevé, et
aussi revu à Paris. |
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D’autre part, il faut que pour les recrutements
nouveaux, l'on élargisse nos viviers de recrutement. J’ai parlé du
multilatéral, mais aussi en interministériel: il faut qu'à l’intérieur
des ministères qui sont traditionnellement nos gros pourvoyeurs, ils
élargissent davantage le vivier d'offres, et que nous fassions de même
pour les appels à compétences dans la société française. Cela veut dire
par exemple qu'avec le ministère de l’Education nationale, on a
maintenant une commission de recrutement qui fonctionne à peu près bien,
ce n'est pas encore tout à fait satisfaisant mais au moins, il y a une
procédure formelle qui est en place depuis deux ans. On a mis au point un
embryon de procédure du même type avec le ministère de la Culture. On
essaie de le faire avec les autres départements ministériels, et aussi de
faire en sorte que la DGA-DRH, pour tous les profils de poste mis à
recrutement, fasse plus que de les mettre sur l’Internet du ministère. Il
faudrait aussi recourir davantage aux petites annonces, y compris dans la
presse grand public, afin que nos viviers de candidatures soient élargis. |
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Ensuite, il y a le chapitre de la formation. Il est
satisfaisant de voir que le monde universitaire n’a pas totalement
délaissé les formations de haut niveau dans les domaines du
développement. Il y a des formations qui ont été créées dans les
universités, comme les DESS de gestion culturelle, les maîtrises de
français langue étrangère, qui sont très importants pour nous par
rapport aux besoins que nous avons. Sciences-Po Paris a ouvert cette année
une formation "major" sur les métiers du développement. |
On essaie d’encourager les universités et les instituts d’études
politiques à développer plus encore ces formations. Bien sûr, c’est aussi
à la mesure des débouchés qui peuvent exister. Mais, il est clair qu’au-delà
du simple réseau de la coopération française, il s’agit de métiers à
débouchés de plus en plus importants, surtout si l'on tient compte, et on l’a
mis en valeur dans les Rencontres de la coopération multilatérale du mois d’avril
dernier, du fait qu’il y a une demande croissante à l’international sur les
marchés d’expertise internationale. Les chiffres, vous les connaissez, c’est
de l’ordre d’une trentaine de milliards de francs par an pour l’expertise
intellectuelle. La France occupe une place raisonnable, mais pas suffisante, sur
ces appels d'offres internationaux, puisque nous représentons 14% de ce
marché. Nous pouvons prétendre à beaucoup plus par rapport au poids
intellectuel, scientifique que la France représente. Il s'agit donc de
filières à débouchés importants. Si ce n’est pas auprès des structures
françaises, au moins sur le marché compétitif international.
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Concernant la formation interne au ministère des
Affaires étrangères, on pourrait en parler plus en détail si vous voulez,
mais je ne vais pas allonger mon intervention. Cette année, le ministre
Hubert Védrine, a voulu mettre un fort accent sur la formation des
diplomates au sens large: on a donc ouvert l’Institut d’Etudes
Diplomatiques, avec une première promotion d’une trentaine d’agents qui
ont tous donné un taux de satisfaction très important sur cette première
formation de trois mois. Deux agents de la DGCID y ont participé : ils m’ont
dit qu’ils avaient été très satisfaits de cette formation. L’an
prochain, cela doit s’élargir à 40 agents. On ne peut pas faire beaucoup
plus parce que cela dure trois mois et qu’on enlève les agents de leur
structure. Un des aspects positifs, c’est que c’est de la désignation
autoritaire : comme ça, au moins, on est sûr que les agents peuvent y
aller et qu’ils ne sont pas re-happés par leur service après les trois
premières journées passées en stage! Cela dit, cela ne forme que les
agents de haut niveau du ministère, et ça n’en forme qu’un petit
nombre. Reste entièrement posé, à mon avis, le problème, qui n’est pas
bien traité encore en ce qui nous concerne à la DGCID, de la formation
permanente des agents qui sont en poste, des agents qui sont en place à
Paris et de l’assistance technique. Vous savez que l’assistance
technique avait son propre budget de formation au ministère de la
Coopération, et qu'il représentait 16 millions. L’année dernière, sur
ces 16 millions de francs, 9 avaient été seulement dépensés. La DGA nous
a repris cet argent: on s’est battu pour en récupérer une partie car si
l'on veut une assistance technique de haut niveau, il faut la former. Devant
les arguments de la DGA, tels que les coûts des stages de langue achetés
à grands frais sur le marché privé ou l'absence de réelles formations,
on s’est engagé à sortir pour le mois d’octobre un plan de formation
2002 pour l’ensemble des agents DGCID au sens large, ceux qui sont en
poste, ceux qui sont en Centrale et pour l’assistance technique, au delà
des stages de formation des nouveaux partants que nous organisons chaque
été. |
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Le cinquième point qui est important dans l’investissement
de la ressource humaine, c’est d’assurer aux agents la mobilité
nécessaire. Comme je vous le disais, la difficulté, c’est qu’il y a
des agents qui sont dans la maison et qui vont faire carrière avec nous, et
d’autres qui ne sont que de passage. Notre devoir est, premièrement, d’assurer
une bonne carrière aux gens qui sont dans la maison. Personnellement, j’essaie
de faire en sorte que les gens qui passent à la DGCID y fassent carrière,
c’est à dire qu’après un passage à la DGCID, ils soient promus. Ca
commence par les directeurs, jusqu’aux agents de base. Je peux vous
promettre que je me bats pour tous ceux qui nous quittent et qui ont fait du
bon travail, afin qu’ils aient des postes qui les intéressent. Je crois y
être arrivé à peu près jusqu’à présent. Deuxièmement, notre devoir,
c’est de faire en sorte que les agents qui sont simplement recrutés
contractuellement avec nous puissent, quand ils reviennent dans leur
ministère d’origine, trouver des perspectives de carrière intéressante.
C’est tout le travail que nous menons avec la DRIC du ministère de l’Education
nationale. Avec le ministère de la Culture, c’est beaucoup plus difficile
parce que c’est un ministère plus petit mais au cas par cas, on y arrive
peu à peu. Je considère que c’est aussi l'une des tâches de la Cellule
des ressources humaines que nous avons mise en place à la DGCID. |
En ce qui concerne l’assistance technique, l’équation
est simple. L’assistance technique, c’est à peu près 2000 personnes ou l’équivalent
budgétaire de 2000 personnes, soit 1 milliard 500 millions. C’est un outil
extraordinaire que le ministère des Affaires étrangères a entre ses mains. C’est
de l’or, c’est du diamant, sur lequel il s’était endormi et qu’il
était en train de laisser mourir à petit feu, sans se rendre compte de ce que
c’était.
La politique d'aujourd’hui consiste à faire prendre
conscience que c’est quelque chose d’extraordinaire, que c’est un atout
exceptionnel pour la politique de solidarité et d’influence de la France, et
qu’il n’y a pas beaucoup d’autre pays dans le monde qui en bénéficient.
Il faut donc qu’on se réapproprie intelligemment cet outil en faisant
plusieurs choses : la première, c’est de redéployer géographiquement
cette assistance technique. D’autre part, dans l’assistance technique, tout
en étant au service des Etats, on ne doit pas être leur serviteur, en ce sens
qu'il nous revient de négocier intelligemment les points d’implantation de
notre assistance technique. L’assistance technique ne doit pas être, si j’ose
dire, abonnée. Donc, perdre cette espèce d’habitude de clientélisation,
si j’ose encore dire, de l’assistance technique. Je considère que dans 99%
des cas, on avait dépassé le stade de la substitution. Quand elle existe
encore, elle est parfois justifiée.
Un autre problème est la décentralisation de l’assistance
technique. Il faut que les personnels y participent et qu’ils ne tombent pas
eux aussi dans le confort de cette clientélisation où on s’habitue au
caractère agréable d’un pays, aux habitudes qu’on y a prises, et où l'on
en vient à la fin à justifier son poste plus pour des convenances personnelles
que pour l’intérêt stratégique d’une mission. Donc, déclientéliser,
redéfinir géographiquement, c’est à dire redéployer notre assistance
technique, ces 2000 assistants techniques, dont 1600 dans l'ex-champ, et
400 dans le reste du monde. Ca veut dire, par exemple, moins d’assistance
technique au Gabon, ou au Sénégal, ou à Djibouti, et plus d’assistance
technique en Inde, en Iran, en Chine, au Brésil, en Argentine, en Europe
centrale, dans les Balkans, en Russie. On la redéploie sur d’autres pays qui
sont d’autres types d’enjeux pour notre politique étrangère.
Pour se réapproprier ce fabuleux outil qu’est l’assistance
technique, il faut, d’une part, garder le socle de cette assistance technique
dite résidentielle, permanente. Celle-ci va être basculée dans le décret de
1967, c’est à dire que tout le monde sera géré avec le même statut, le
même système de paiement qui reste très favorable, qui nous permet d’avoir
des gens de haut niveau payés à des tarifs intéressants. D’autre part, il
faut développer une assistance technique dite non résidentielle, c’est à
dire des gens qui vont pendant un certain temps sur le terrain, mais ne s’y
déplacent pas avec leur famille: ils vont et viennent. C’est l’assistance
technique ou l’expertise technique non résidentielle. Et pour cela, on doit
déboucher, au début de l’année prochaine, sur la mise en place d’une
structure. On essaiera de faire en sorte qu’elle soit la plus
interministérielle possible afin de nous permettre trois choses :
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la première, de mettre en commun les viviers de tous les
ministères, les bacs à ressources ou les réseaux à
ressources de tous les ministères et de tous les établissements publics,
secteur de la santé, secteur de la justice, secteur des transports, de l’équipement
etc., des collectivités locales, extrêmement importantes puisqu’elles
représentent un énorme gisement de compétences, très demandées à l’international.
Donc, mutualiser les viviers. |
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la deuxième, payer et gérer ces gens là. Ca n’est
pas les Postes qui vont les payer, ils le seront par cette structure, et
l'on réservera, dès la programmation 2002, des crédits pour le faire. |
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et troisièmement, avoir la personnalité juridique qui
nous permette d’aller aux appels d’offre internationaux, de rentrer dans
des consortiums. Vous savez que pour valoriser l’expertise technique
française aujourd’hui, on est obligé de se déguiser. On ne peut
pas exister en tant que coopération française. Donc, on aura une structure
spécifique qui pourra s’associer avec GTZ, avec le British Council, avec
un cabinet d’avocat italien, que sais-je encore, pour aller sur les appels
d’offre internationaux et valoriser l’expertise française. C’est
très compliqué à mettre en œuvre, mais on va essayer, c’est la
direction et c’est ce qui devrait permettre, si on réussit, de revivifier
complètement l’outil de coopération technique française. C’est un
chantier de 2 ans, et beaucoup de travail. |
Encore merci, et à l’année prochaine et j’espère avant
aussi.
Réponses aux questions de la salle "Séminaire de
l'ACAD, été 2001"
BRUNO DELAYE, directeur de la DGCID
Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions, il y en
avait beaucoup. Mais ce que je voudrais que vous compreniez bien c’est que je
n’essaie pas de vous tenir des propos pour aller dans le sens du poil des
gens, ce n’est pas du tout l’idée. Ce que je voulais vous expliquer ce
matin, c’est qu’il y a une stratégie derrière tout cela, c’est qu’on
suit un fil directeur. On ne se contente pas de gérer un outil, on va le faire
au mieux.
Le fil directeur est simple : on a fait une réforme en
1998; il faut désormais mettre des moyens en face des outils qu’on a mis en
place. Il faut arrêter l’attrition, c’est-à-dire la logique du "On
coupe, on élague, on rabote tous les ans". Ensuite, il faut se donner
des objectifs en fonction desquels on investit dans la ressource humaine. Ce
n'est pas plus compliqué, et ce que je veux aussi préciser, c’est qu'il
s'agit d'un travail collectif; ce ne peut pas être le travail d’un petit
état major. C’est également un travail de tous les instants pour faire en
sorte qu'effectivement, il n’y ait pas de dichotomie entre, d’un côté la
"caste" des diplomates qui penserait, qui ferait de la
diplomatie et "les autres", qui auraient "les mains
dans le cambouis", qui seraient sur le terrain. C’est absurde. Toute
la journée, mon travail, c’est d’expliquer à mes collègues que s’ils ne
réalisent pas que leur avenir c’est la coopération qui le détient, la
coopération culturelle, la coopération au développement, et que s’ils ne s’investissent
pas eux mêmes dans ces domaines, un beau jour, ils ne seront plus bons qu’à
donner des visas et à faire des plans de table.
Si l'on ne peut pas investir dans l’avenir, si l'on ne peut
pas donner des bourses à des futurs dirigeants étrangers, que fait-on ? On
gère la parole... On prépare les visites de ministres... On écrit des
discours... On s’occupe des visas...? Ce n'est pas satisfaisant. Heureusement,
le ministère des Affaires étrangères est en train de réaliser ça. En tout
cas, il l’a réalisé au sommet. C’est la conviction intime du Ministre
Hubert Védrine: il l’a même dit dans ces dernières Journées du réseau.
Vous avez entendu six membres du gouvernement, à commencer
par le Premier Ministre, qui sont venus vous dire cela. Ils ne sont pas entrés
dans le détail de la mobilité, des statuts, etc... Mais l'on n'attend pas cela
d’eux, je considère que c’est très important qu’ils soient venus dire
cela. Cela nous donne les éléments pour rebondir. S’il n’y a pas de
consensus, au départ dans la société française, et bien il ne se passe rien,
on meurt en silence.
Ensuite, les universités, et les formations universitaires,
deux choses:
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La première, bien sûr, c’est de
renforcer les relations et les liens avec les universités; en faisant
davantage appel, même si on le fait déjà, à la matière grise qui
existe dans nos universités, sous les formes des contrats d’étude, des
contrats d’évaluation que nous passons souvent avec les universités, ou
certains centres de recherche. |
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Deuxièmement, associer de façon plus
générale les universités à notre réflexion et aux filières de
débouchés. C’est pour cela que lors des prochaines Rencontres de la
coopération multilatérale que l'on va désormais organiser chaque année,
il faut qu’on associe davantage le monde universitaire. |
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Troisièmement, et cela fait suite à
une réunion de travail tenue hier soir entre Monsieur Védrine et Monsieur
Lang sur ce que nous allons prochainement mettre en place, les déclarations
d’action internationale des universités françaises. Toutes les
universités seront appelées à signer des conventions tripartites. Nous
allons proposer aux universités qu’elles rédigent leur plan d’action
internationale, qui comportera plusieurs volets: premièrement, la mobilité
de leurs enseignants; deuxièmement, la mobilité de leurs étudiants;
troisièmement, l’accueil d’étudiants étrangers, et les efforts faits
pour mieux les accueillir. Et enfin, quelles filières elles comptent
développer sur les métiers de l’international ? Tout cela fait
beaucoup de sujets sur lesquels, nous, ministère des Affaires étrangères,
nous aurons la possibilité d’influer en mettant un petit peu d’argent
incitatif s'il le faut. |
On est donc sur ce créneau-là, et on annoncera cela le 29
août au moment de la Conférence des ambassadeurs.
A ce sujet, vous parlez de la différence de culture, des
ambassadeurs qui s'en préoccupent peu, qui ne feraient pas attention à ce
secteur. Je crois que cela change quand même; il ne faut pas être injuste. Je
vois la qualité de la correspondance des Ambassades qui sont sur le champ et
ils s’investissent de plus en plus sur les sujets de coopération technique,
de coopération culturelle. La qualité augmente et c’est très rare,
maintenant, de rencontrer des ambassadeurs qui ignorent ce qu’est un FSP ou un
FSD; qui ne savent pas ce que c’est que du titre 6, du titre 4, du titre 3. D’autre
part, on essaie d’inclure cela de plus en plus dans leur formation. C’est
très intéressant, lorsque Yves Saint-Geours et moi-même, nous sommes allés
intervenir à l’Institut d’Etudes Diplomatiques, il y avait des choses dont
ils n’avaient jamais entendu parler. Ils ignoraient l’existence
d'opérations que nous faisons à la DGCID: "Ah! Vous faites tout cela,
mais c’est extraordinaire! ». Le simple fait d’avoir fait un
rapport d’activité, de l’avoir distribué dans le ministère, a eu
d'énormes conséquences: « Mais vous faites tout ça?... Mais c’est
vous qui faites ça, on ne savait pas, on croyait que c’était les autres
ministères, c’est incroyable! c’est étonnant... Ah, mais l’AEFE, c’est
nous....on ne savait pas ». C’est vrai qu’il faut communiquer et
informer, et sur les tables-rondes qui seront organisées pour la Conférence
des Ambassadeurs, on en "co-sponsorise", si j’ose dire, 9 sur
les 24 tables-rondes qui porteront sur les sujets qui nous intéressent.
En ce qui concerne l’intégration de l’assistance
technique sur place, c’est l'un de nos soucis. Les assistants techniques qui
sont placés auprès des ministères ne doivent pas être abandonnés, et
doivent faire partie intégrante des équipes. On va le faire par le biais des
instructions. C’est déjà dans les instructions qui ont été envoyées aux
Ambassades pour la mise en œuvre des contrats de désendettement-développement.
C’est à dire que les Ambassadeurs doivent animer des comités de pilotage
dans lesquels il y a l’AFD, dans lesquels il y a le SCAC, et dans lesquels il
y a les assistants techniques sectoriels. Puisque dans les contrats de
désendettement-développement, il faudra suivre les fonds qui vont être
employés à la lutte contre la pauvreté dans les secteurs sociaux, on aura
donc besoin des assistants techniques dans l’éducatif, dans le sanitaire,
dans le social, qui suivront l'utilisation de ces fonds dans ces filières
là./.
Synthèse des interventions & débats
L'association ACAD-MAE, "Acteurs de la Coopération
internationale et de l'Aide au Développement", a organisé le 26
juillet 2001 au Centre de Conférences Internationales, avenue Kléber à
Paris, une journée-débat sur le thème : "L'enjeu des ressources
humaines dans la coopération internationale de demain".
La présence de nombreux acteurs, français mais aussi
étrangers, de la coopération internationale (représentants du ministère
des Affaires étrangères et des autres ministères techniques,
représentants d'institutions multilatérales -ONU, Union Européenne-, des
collectivités locales et territoriales, du secteur privé, des universités
et de la société civile) a permis la confrontation de vues et l'échange
d'expériences sur la question cruciale que représente, dans un
environnement international en mutation, une bonne gestion des ressources
humaines. D'une part celle-ci doit s'adapter aux nouveaux enjeux de la
coopération internationale. D'autre part, il convient d'identifier les
besoins en ressources humaines en réfléchissant sur les métiers et les
compétences nécessaires à l'international, d'y répondre dans la cadre de
formations initiales appropriées et d'une gestion efficace des viviers de
candidatures. Enfin, il s'agit de renforcer et d'adapter ces compétences
grâce à des formations continues, mais aussi à une mobilité qui prenne
en compte et valorise les acquis professionnels.
Les nouveaux enjeux de la coopération et de l'aide au
développement, qu'ils soient externes ou internes, influent sur la gestion
des ressources humaines au sein du ministère des Affaires étrangères.
Tout d'abord, du fait de la mondialisation, le centre de gravité de l'aide
au développement et de la coopération internationale a glissé vers les
instances multilatérales, au détriment des aides bilatérales, et
notamment de l'aide française. D'autre part, de nouveaux acteurs sont
apparus, tels que les collectivités locales, les Organisations Non
Gouvernementales, les membres de la société civile... Le ministère des
Affaires étrangères doit développer ses relations avec les systèmes
multilatéraux et avec les nouveaux acteurs de la coopération
internationale tout en gardant à l'esprit le fait qu'il existe bien une
mission de service public d'aide au développement et de coopération
culturelle. L'émergence de nouveaux acteurs et les modifications des
conditions d'exercice de cette mission publique ne doivent pas empêcher un
nécessaire rôle de l'Etat dans l'impulsion, la régulation et la
légitimation de l'aide au développement.
D'autre part, au niveau interne, le ministère des
Affaires étrangères doit relever plusieurs défis s'il veut optimiser la
gestion de ses ressources humaines. La réussite de cette entreprise passe
par le développement d'une culture commune et reconnue de la coopération
internationale et la mobilisation collective des personnels travaillant à
l'international, sans distinction de statuts ou d'origine. En 1998, la
réforme du dispositif de coopération a été lancée. Après la fin de la
logique d'attrition et la sécurisation des moyens budgétaires et des
effectifs, la réussite de la réforme passe par une bonne gestion de la
ressource humaine. Le ministère des Affaires étrangères possède comme
indéniable atout une formidable diversité humaine et professionnelle. Pour
des raisons pratiques et administratives, mais aussi pour des questions
d'ordre statutaires et psychologiques..., cet outil est difficile à gérer
mais c'est à partir de cette diversité qu'il faut développer une culture
et des objectifs communs. Enfin, le nouveau contexte international appelle
une professionnalisation accrue des personnels de la coopération
internationale.
Une réponse adaptée aux nouveaux enjeux externes et
internes de la coopération internationale comporterait plusieurs aspects
complémentaires qu'il conviendrait de mettre en place, en concertation et
en partenariat avec les différents acteurs de l'aide au développement.
| Amplifier les relations avec les systèmes multilatéraux et les nouveaux
acteurs de la coopération internationale. Dans le cadre de la gestion
des parcours de carrière, une mobilité à double sens entre les agences
multilatérales et les institutions françaises de coopération bilatérale
doit être favorisée, de même que la mobilité entre le ministère des
Affaires étrangères et les autres acteurs de la coopération internationale.
En effet, aujourd'hui, quasiment tous les ministères font de la coopération
mais aussi les collectivités territoriales, les collectivités locales, les
universités... et ceci, le plus souvent, dans un splendide isolement alors
même qu'ils sont source d'un énorme gisement de compétences. Il serait donc
souhaitable de rompre cet isolement, d'essayer, dans l'analyse et dans
l'action, de confronter les vues. |
| D'une façon concrète, un certain nombre de participants à la journée
de l'ACAD ont cependant souligné combien il est difficile de vivre la
mobilité, notamment la mobilité externe (par exemple pour aller travailler
pour la Banque Mondiale, au Fond Monétaire international, dans des
collectivités locales ou territoriales, dans des entreprises publiques ou
des organismes privés...), déplorant l'existence de modalités
administratives trop lourdes et extrêmement complexes et la persistance de
problèmes statutaires. La mobilité interne souffre également de délais
beaucoup trop longs, de lenteur des procédures administratives de
détachement et de mise à disposition. |
| Se pose aussi le problème de la gestion de la mobilité. Plusieurs
intervenants, issus du secteur privé ou d'institutions publiques, ont
souligné la complexité croissante de l'expatriation : gestion des
performances, gestion des attentes du pays hôte et de l'expert, assurer aux
agents la mobilité nécessaire en leur assurant une bonne carrière. Dans
la gestion de la mobilité, il serait important de prendre davantage en
compte l'expérience du candidat. Le secteur de la coopération pourrait
s'inspirer de certaines modalités très pratiques de gestion de la
mobilité internationale, de gestion des cadres internationaux tel que
peuvent le faire certaines grandes entreprises. Alcatel par exemple, il y a
10 ans, a mis en place une politique de mobilité à l'international prenant
en compte la diversité de la mobilité selon les profils des candidats et
des missions à remplir (missions de courte durée, mobilité européenne,
programmes d'échange...), instaurant des rémunérations, des primes à la
mobilité et un accompagnement au retour élaboré en fonction du
développement de carrière du candidat. |
| Il faut aussi prendre en compte les nouveaux métiers de la
coopération internationale, les nouvelles compétences et les mettre en
place dans les structures des services de coopération et d'action
culturelle (renforcement des compétences techniques, des fonctions
managériales, des capacités de négociation et de médiation). Au niveau
européen, par exemple, on constate que les ingénieurs, à l'origine
prédominants, font place à des profils plus variés (économistes,
financiers, sciences politiques...), témoignant d'une évolution des
métiers à l'international. Le PNUD, lui, tente de développer des réseaux
de capacités et de connaissances pour fournir à temps, aux bureaux de
pays, une expertise de qualité. Les fonctions de conseil, les tâches
d'appui faisant appel à des compétences plus horizontales que verticales
(par exemple, des spécialistes pour gérer les opérations, les procédures
et les instruments de programmation) caractérisent ces nouveaux métiers au
sein du PNUD. |
| Des progrès notoires ont été accomplis à la DGCID pour ce qui est de
la concertation interministérielle. Il reste à élargir cette concertation
à l'ensemble des institutions publiques, parapubliques, privées et à la
société civile, ce qui permettrait d'établir une typologie précise de ce
que sont devenus aujourd'hui les métiers de la coopération internationale. |
| L'assistance technique est un atout exceptionnel pour la politique de
solidarité et d'influence de la France. C'est un formidable outil, parfois
contesté dans sa forme actuelle, qu'il convient aujourd'hui de se
réapproprier. La première exigence est de redéployer géographiquement
l'assistance technique en fonction des nouveaux enjeux de la politique
étrangère de la France. D'autre part, il faut mettre fin à la
clientélisation de l'assistance technique : elle doit être au service des
Etats mais ne pas perdre pour cela son indépendance. L'assistance technique
résidentielle permanente se verra complétée par une assistance technique
non résidentielle. Pour cela, le ministère prévoit, pour le début de
l'année prochaine, la mise en place d'une structure spécifique, la plus
interministérielle possible, visant à mutualiser les viviers et
bénéficiant de la personnalité juridique afin de pouvoir répondre aux
appels d'offre internationaux et valoriser l'expertise française. Cette
structure pourra agir sur le marché de l'expertise internationale au même
titre que le font aujourd'hui des organismes comme le GTZ ou le British
Council. |
| Afin de répondre aux besoins en ressources humaines, il est indispensable
d'établir un vivier de candidatures en collaboration avec les ministères
techniques partenaires du MAE mais aussi avec les nouveaux acteurs de la
coopération internationale et de l'aide au développement. Il convient
d'élargir les viviers de recrutement déjà existants, avec le
multilatéral mais aussi en interministériel ou même par petites annonces,
y compris dans la presse grand public. La mise en place, avec le ministère
de l'Education nationale, d'une commission de recrutement, constitue un
précédent dont pourrait s'inspirer les autres ministères. La gestion
de ce vivier devrait permettre de se donner plus de possibilités, plus de
temps, et plus de garantie pour le choix et la formation des cadres
internationaux. La gestion à priori d'un vivier de candidatures induit
l'anticipation de la formation des cadres internationaux et donc doit
permettre une réponse plus rapide et mieux adaptée aux demandes
d'expertise internationale. La sélection et la préparation des cadres
internationaux se trouvent aussi améliorées puisqu'on dispose alors du
temps nécessaire pour juger les candidats au départ non seulement sur des
critères techniques ou strictement professionnels mais aussi sur des
critères managériaux, comportementaux ou familiaux dont on se rend compte
qu'ils ont aussi une grande importance. Les échecs en expatriation sont
évalués à environ 30% des cas, entraînant des retours anticipés et des
coûts importants. Ce taux serait réduit, selon certaines études, à 13%
avec une préparation et une gestion adaptée. |
| S'agissant de la formation des acteurs de la coopération, il
existe aujourd'hui un panel relativement important de formations aux
métiers de l'international, il s'agit de métiers à débouchés importants
puisqu'on observe une croissance de la demande à l'international sur les
marchés d'expertise internationale. La France représente 14% du marché
des appels d'offres internationaux et peut prétendre à plus, compte tenu
de son poids intellectuel et scientifique. Pourtant, les formations
universitaires disponibles souffrent de graves défauts parmi lesquels la
mauvaise adaptation aux besoins professionnels, un enseignement abstrait,
trop général et des enseignements cloisonnés par zones géographiques ou
par sujets, l'insuffisance de l'apprentissage des langues étrangères et de
l'enseignement concernant des sujets pourtant incontournables tel que par
exemple, les nouveaux enjeux internationaux. Pour remédier à ces défauts,
l'université doit s'ouvrir sur l'extérieur, elle ne doit pas seulement
produire et diffuser du savoir, elle doit aussi faire appel aux savoir issus
d'autres organismes, publics ou privés. L'accent doit être mis sur la mise
en place de liens plus forts avec les Universités qui doivent être
associées de façon plus étroite aux réflexions et aux filières de
débouchés du ministère (par exemple, grâce à la Déclaration d'action
internationale des universités françaises, programme annoncé le 29 août
2001 et visant à renforcer les liens entre le MAE et les Universités). |
| Au niveau interne, a été créé l'Institut d'Etudes Diplomatiques qui
forme un petit nombre seulement d'agents de haut niveau. Plusieurs
intervenants ont réclamé le décloisonnement de cet organisme de
formation. |
| Reste posée la question de la formation continue à l'administration
centrale, dans les postes ou pour les assistants techniques. Compte tenu de
la compléxité du problème, une commission interministérielle regroupant,
à la demande de la DGA, les différents partenaires du MAE devrait se
réunir début septembre. |
| La situation actuelle n'est pas satisfaisante : en ce qui concerne la
formation des nouveaux partants, la plupart des intervenants ont estimé que
sa durée était trop courte et son contenu trop général. Ils ont situé
la durée idéale de préparation au départ autour de 8-12 mois et
suggéré qu'elle s'organise en modules. Mais l'augmentation des moyens
donnés à la formation doit s'accompagner de la reconnaissance de cette
formation dans les parcours individuels. Aujourd'hui, l'enjeu essentiel
semble être la validation de la formation, surtout lorsqu'elle s'inscrit en
mobilité. Enfin, il convient de renforcer et d'élargir le système
d'accompagnement au retour. Cela passe par une évaluation des compétences
acquises qui permette d'apprécier à leur juste valeur les qualités
professionnelles des agents et de construire avec eux un profil de carrière
adapté. Le ministère de l'Education nationale (notamment la DRIC) pour sa
part étudie les modalités de mise en place d'une reconnaissance des
compétences acquises "sur le terrain". |
LES ATELIERS
L'objectif de la journée-débat organisée par
l'ACAD-MAE sur le thème de "L'enjeu des ressources humaines dans la
coopération internationale de demain" était de pouvoir élaborer des
propositions sur trois volets essentiels de la gestion des ressources
humaines : les compétences, la mobilité et la formation, et de les
soumettre aux institutions.
Le premier atelier s'est réuni
autour du thème des compétences utiles à l'international. Tout
d'abord, il convient de rappeler ce qu'est une compétence. Celle-ci
pourrait être définie par la combinaison opérationnelle de capacités qui
permet d'arriver à un résultat directement utile à l'organisation. C'est
la capacité à mobiliser et à mettre en oeuvre de façon intégrée et
efficace, des ressources de connaissances, de raisonnement, et de
savoir-faire. La compétence contribue à produire de la performance.
A partir d'exemple concrets (au niveau européen et dans
la région Wallone) trois propositions ont émergé, visant à améliorer
l'identification et la mobilisation des compétences.
1) Il convient de s'interroger sur les enjeux et les
besoins en terme de compétences selon les différents commanditaires. Pour
cela, les participants à l'atelier ont appelé à la mise en place d'un
groupe interministériel qui définirait les compétences, les besoins, les
profils de poste et les missions. D'autre part, tout départ en poste
devrait s'accompagner d'une lettre de mission détaillée et actualisée.
2) Il est important de procéder à un repérage des
compétences par la constitution d'un vivier, lequel suppose une plus grande
professionnalisation des recrutements, un travail d'évaluation des projets
et des acteurs. Il faut mettre en place des outils d'évaluation permettant
d'apprécier correctement les compétences et les performances des agents.
3) La mobilisation des compétences passe par la mise en
place de mesures de suivi permettant de déceler les besoins en formation et
d'y répondre efficacement. Il semble nécessaire par exemple de remplacer
les formations abstraites par des formation-actions, d'accompagnement de
projets et des stages en responsabilité permettant un transfert
d'informations, de savoir et de savoir-faire tout en gardant à l'esprit
l'idée qu'il y a évolution des enjeux et des compétences.
Le deuxième atelier a abordé
les questions de mobilité, de valorisation de l'expérience et de la
carrière. La mobilité, qualifiée par certains de "richesse pas
toujours récompensée", apporte des capacités d'adaptation,
d'innovation et de créativité, une plus grande autonomie, une plus grande
efficacité, un dialogue facilité... La quantité des candidatures ainsi
que leur qualité démontrent qu'il y a en France un vivier potentiel
important. Cependant, des freins à la mobilité persistent : les
compétences linguistiques, la rigidité de l'administration, le problème
de la gestion difficile du retour et enfin, le fait que la validation des
acquis professionnels soit loin d'être systématique.
A l'issue de leur travail, les participants à l'atelier
sur la mobilité ont souhaité faire quatre propositions.
1) mettre en place des cellules de réflexion
interministérielles visant à établir un vivier adapté aux nouveaux
métiers de la coopération internationale, faire connaître ce vivier et le
faire valoir.
2) réduire la durée d'expatriation (à 4 ans).
3) faciliter la validation des acquis professionnels des
personnels et tenter de supprimer les barrières statutaires à la
mobilité.
4) encourager la mobilité interne mais aussi externe,
par exemple, travailler sur des équivalences entre la fonction publique d'Etat
et la fonction publique territoriale.
Enfin, le troisième atelier a
travaillé sur les questions de formation, d'acquisition et de
développement des compétences nécessaires à la coopération
internationale. La plupart des acteurs de la coopération internationale,
individus comme institutions (collectivités locales, organismes
ministériels ou locaux), attachent une grande importance aux questions de
formation. Finalement, la DGCID semble être, en France, une des rares
administrations qui ne considère pas ce sujet comme prioritaire. Après
avoir fait ce constat, les participants à l'atelier formation ont émis
plusieurs propositions.
1) développer la formation continue en mettant en place
des stages en cours de mission à l'étranger.
2) établir une offre de formation sur les nouveaux
métiers de la coopération, offre qui est pour l'instant inexistante ou
très peu connue. Les métiers à l'international sont de plus en plus
exigeants, il faut, après concertation avec l'ensemble des institutions
publiques, parapubliques, privées et avec la société civile, tenter
d'établir des réseaux de formation, des référentiels de métiers, des
référentiels de compétences et des référentiels de formations.
3) mettre en place un système de validation des
formations et des acquis professionnels, pour les personnels en poste à
l'étranger ou en France.
4) créer un institut "hors les murs" de
formation pour l'international qui ne soit pas réservé aux fonctionnaires
et aux diplomates, favorisant ainsi l'émergence d'une culture
professionnelle commune dans un esprit de partenariat aussi bien avec l'Etat
qu'avec les collectivités locales ou la société civile. Dans cette
perspective, l'Institut d'Etudes Diplomatiques doit être décloisonné au
profit d'agents contractuels ou détachés d'autres ministères techniques.
En conclusion, cette deuxième journée organisée par
l'ACAD-MAE s'est révélée très riche. Elle a permis de comparer les
différents systèmes de valorisation des ressources humaines chez nos
partenaires du bilatéral et du multilatéral et surtout de faire
reconnaître l'Association comme interlocuteur à part entière de la DGA
sur les "politiques de formation".
Une première réunion sur ce sujet important a eu lieu
le 7 septembre 2001 et son compte rendu sera disponible sur le site dans les
meilleurs délais.
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