Nous savons que le métier de cadre en coopération
exige désormais un large éventail de capacités professionnelles, qui vont de
l'expertise des systèmes éducatifs aux méthodes de gestion comptable, de la maîtrise
de langues étrangères aux connaissances en matière de théâtre, d'irrigation, de
recherche agronomique, de médecine hospitalière ou de techniques audiovisuelles. Ce métier nécessite des compétences dans le domaine des
sciences politiques, de l'économie et du droit, voire de la psychologie, dès lors qu'il
implique un constant travail en équipe dans des conditions souvent difficiles. Il demande
une grande habitude des procédures administratives, de l'habileté dans le maniement des
financements multilatéraux, des talents de négociateur, de la sagacité dans
l'appréciation des mentalités étrangères.
Dans la mesure où il s'adresse aux élites
gouvernementales, mais aussi aux niveaux intermédiaires de la machine sociale, ce métier
réclame l'acquisition de méthodes et de savoirs étayée sur une formation initiale et
continue spécifiques, qui fait actuellement défaut. A la différence de ses principaux partenaires étrangers, la France manque, dans ce domaine
pourtant crucial, d'une école des cadres.
C'est pourquoi il est proposé de créer, sous la
responsabilité du Département et en tout cas sous son impulsion, un centre de formation
et d'information au bénéfice des agents de l'Etat comme de l'ensemble des acteurs de
l'hexagone. Le champ de la coopération publique est excessivement cloisonné. Il n'existe
pas de culture professionnelle commune à ceux qui la conduisent. Aucune passerelle
n'existant entre les institutions et organismes intéressés, l'expérience des agents du
réseau culturel extérieur se perd trop souvent (le fait est connu), alors même que
l'importance des enjeux rapportée à la rigueur des budgets devrait nous inciter à
rechercher des synergies en valorisant les compétences acquises.
Un exemple. Le programme européen SOCRATES va
introduire sur une vaste échelle la dimension internationale dans notre système
éducatif : projet passionnant, destiné à amplifier l'ouverture de nos établissements
d'enseignement sur l'Europe et le monde. Pour valoriser ce programme, puis pour initier
les futurs professeurs aux réalités internationales dans leurs Instituts de formation
(IUFM), il semble évident qu'on aurait avantage à s'appuyer sur l'expérience de nos
agents en poste à l'étranger, en particulier lorsqu'ils reviennent en France au terme de
leur mission, moyennant une formation complémentaire adaptée. Il s'agit, de manière
plus générale, d'encourager la mobilité des personnels tout en contribuant à
l'élaboration de nouveaux métiers, de faciliter le brassage de connaissances et de
savoir-faire, de fonder, en somme, un "corps de compétences nouvelles",
indépendamment des corps statutairement définis.
Il y a, dans cette convergence possible entre les
instruments de l'Etat et les initiatives développées par la société civile, une forte
occasion de dépasser les clivages habituels. La proposition de créer un centre de
formation et d'information pour la coopération internationale au bénéfice de l'ensemble
des acteurs découle de cette opportunité. Il ne devrait pas s'agir d'un lieu clos sur
lui même, borné à un petit groupe d'enseignants, mais d'un établissement public
clairement identifié qui serve de point d'entrée et de vitrine, associé par conventions
à des départements universitaires, à des établissements spécialisés comme l'lnstitut
des Sciences Politiques, l'Inalco, l'ENA ou l'IIAP, à des organismes tels que le Centre
National de la Fonction Publique Territoriale, le Centre National des Arts et Métiers, le
Centre International d'Etudes Pédagogiques, mais aussi à des entreprises privées, dont
il est avéré que certaines, et non des moindres, sont sensibles au projet.
Si possible en liaison avec des organismes tel
que l'Institut des Hautes Études francophones de Chamarande, cet établissement public
servirait également à former, informer, perfectionner les personnels concernés des pays
avec lesquels nous coopérons (notamment les pays de la CEE, du Maghreb, de l'Europe
centrale et orientale). La culture professionnelle commune aux acteurs de l'hexagone
s'enrichirait d'un langage commun au plan international.
S'il revient à l'Etat de tracer les grandes
orientations du pays tout en veillant à préserver la cohésion du tissu social, il lui
revient également, dans la logique des efforts déjà entrepris, de stimuler le dialogue
national à travers l'action internationale. C'est à cela que vise in fine la
proposition de créer un centre de formation et d'information pour la coopération,
instrument d'échanges, de rencontres, de transparence et de savoirs communs.
Jean-Michel DELACOMPTÉE
Président de l'ACAD-MAE
