Livre blanc 3

    Livre blanc 3                     ACAD-MAE (1445 octets)

LA COOPERATION : DES METIERS

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Un potentiel à valoriser


Les compétences acquises grâce à des parcours souvent individuels (stages de formation continue, travail sur le terrain, lectures personnelles,...) constituent un capital unique.

Ne pas les valoriser ou ne pas les exploiter représente aujourd'hui un véritable "gâchis".

Selon la quasi totalité des cadres en poste, le système actuel ne reconnaît pas suffisamment ces compétences et ne sait pas comment les réinvestir.

Reconnaître et réinvestir : une priorité

Reconnaître et réinvestir le potentiel que représentent les compétences acquises par les cadres détachés répond à une triple nécessité :

1 - rester compétitif dans un contexte international complexe,
2 - répondre aux besoins récents d'une société civile amenée de plus en plus à travailler avec des partenaires étrangers,
3 - contribuer à développer l'image de professionnalisme émanant du Ministère des Affaires étrangères.

L'évolution du contexte international

Le temps est révolu où la coopération internationale pouvait se ramener aux seules coopérations bilatérales entre pays. Face à la multiplication des acteurs et des sources de financement de la coopération internationale, on assiste aujourd'hui à une véritable explosion des acteurs et des actions de coopération.

Cet accroissement continu des moyens humains et financiers mis au service de la coopération internationale signifie que le temps n'est plus où celle-ci pouvait se contenter d'un certain amateurisme : les enjeux politiques, économiques et budgétaires qui la sous-tendent poussent les grands organismes, les agences, et en France les administrations, les collectivités locales, les fédérations professionnelles, les chambres de commerce, à disposer de personnels doués de compétences professionnelles reconnues.

Dans ces conditions, on imagine mal que le Ministère des Affaires étrangères soit la seule institution qui fasse l'impasse sur les compétences professionnelles des personnels culturels et de coopération. A l'avenir, une telle position serait d'autant plus curieuse que le Ministère des Affaires étrangères a vocation à orienter et à coordonner la diversité des initiatives bilatérales tout en inscrivant son action dans le cadre des programmes multilatéraux.

Les systèmes "concurrents" de coopération

L'appréhension du fonctionnement de la coopération peut être favorisée par l'examen des autres systèmes : quelles réponses apportent-ils aux nouveaux enjeux en termes de profil de compétences et de gestion de carrière des cadres détachés ?

Une enquête approfondie sur le fonctionnement des systèmes de coopération de nos principaux «concurrents» sera entreprise par l'ACAD-MAE dès la rentrée 1994. Cette étude devrait permettre en particulier d'effectuer une comparaison entre l'efficacité des différents systèmes et le mode de gestion de leur personnel.

Sans attendre, il est intéressant d'examiner les système de coopération britannique et allemande.

La coopération britannique

Tout d'abord, il faut souligner que le British Council couvre un très large éventail d'activités, comprenant non seulement les relations culturelles et scientifiques mais aussi, dans les pays en développement, la gestion de nombreux programmes de coopération technique. Ceci nécessite parmi son personnel une très grande variété d'aptitudes et de connaissances spécialisées et un nombre relativement important d'employés dans ses services en Grande Bretagne.

L'Overseas Service est considéré comme l'un des points forts du British Council. La concurrence pour y entrer est sévère et fournit au Council un noyau de personnel permanent soigneusement sélectionné et disponible pour servir partout dans le monde selon les besoins du service. L'âge moyen de recrutement est autour de 30 ans mais il n'y a pas de règles strictes. Les nouvelles recrues peuvent apporter ou développer des spécialités relatives aux activités du Council ainsi que des connaissances géographiques ou linguistiques mais doivent toutes avoir le potentiel pour accéder éventuellement aux postes de dirigeants. Elles suivent régulièrement des stages de formation à la fois pour développer leurs compétences de gestionnaire et acquérir les aptitudes requises pour les postes auxquels ils sont nommés.

Ainsi un cadre du Overseas Career Service occupe environ trois ou quatre postes en dehors de la Grande Bretagne—chacun d'une durée moyenne de quatre ou cinq ans— avant de devenir directeur d'un bureau à l'étranger. Il passe en règle générale les deux tiers de sa carrière dans des postes à l'étranger et un tiers dans des postes en Grande Bretagne, mais là encore il n'y a pas de règles fixes. Bien que quelquefois certains soient détachés auprès d'autres administrations, ils n'occupent jamais de postes dans les ambassades autres que ceux de conseillers ou d'attachés culturels. De la même façon, le personnel du Foreign Office ne sert jamais dans les postes culturels.

Malgré ses avantages, l'Overseas Career Service connaît aussi des problèmes. Tout d'abord, le nombre limité de postes ne facilite pas la progression des carrières. Ensuite, comparé au service diplomatique, les postes à haute responsabilité sont relativement moins nombreux, la promotion étant souvent ainsi restreinte en fin de carrière. Enfin, les familles sont de moins en moins disposées à accepter l'obligation de mobilité totale.

La coopération allemande

L'administration centrale du Gœthe-Institut située à Munich reçoit en moyenne entre 700 et 1000 candidatures par an.

Pour être valides, les candidatures doivent en règle générale, remplir les conditions suivantes :

-Formation Universitaire : minimum Magister/Diplom (Bac + 5) ou Staatsexam/ Referendariat (Bac + 7)
-Expérience professionnelle acquise soit dans l'enseignement (lycée ou université), soit dans le secteur culturel
-Expérience à l'étranger : les candidats doivent pour la plupart avoir passé une partie de leur vie à l'étranger.

L'âge moyen des candidats se situe entre 30 et 35 ans.

Après étude des dossiers, environ 350 candidats sont invités à un entretien avec deux représentants du Gœthe-Institut.

Les candidats retenus après cet entretien sont invités à participer à un séminaire d'information et de sélection. Quatre à cinq séminaires sont organisés chaque année, comprenant chacun environ 25 personnes. Lors de ce séminaire d'une durée de quatre jours, les candidats reçoivent un certain nombre d'informations sur le fonctionnement du Gœthe-Institut et parallèlement subissent un certain nombre de tests (dynamique de groupe, tests psychologiques...).

Trois à cinq candidats par séminaire sont alors définitivement sélectionnés pour bénéficier de la formation interne au Gœthe-Institut. Ils reçoivent pendant leur temps de formation une allocation financière prise en charge par le Gœthe-Institut.

Formation

La formation comprend essentiellement 7 étapes :

1) Introduction (1 semaine)

Connaissance de base sur les droits, les devoirs et les responsabilités d'un membre du Gœthe-Institut.

2) Introduction à la spécialité Allemand Langue Étrangère (10 à 11 semaines)

Théorie et pratique de l'enseignement d'une langue étrangère. Didactique, analyse des manuels d'enseignements, "Hospitation".

Préparation au stage dans un Institut en Allemagne.

Informations sur l'administration de ces Instituts, relations avec l'Administration centrale...

3) Stage dans un Institut en Allemagne (Inlandspratikum 4 mois)

En règle générale, deux stagiaires sont formés en même temps dans un Institut. Formation à l'enseignement de l'Allemand. Stage pratique de l'enseignement de l'Allemand (en général niveau débutant) au maximum 16 heures par semaine. Initiation aux autres tâches d'un Institut (programmation culturelle, activités annexes, suivi des élèves...).

Initiation aux aspects administratifs du fonctionnement d'un Institut.

4) Stage à l'Administration centrale (2 semaines)

Informations sur les relations entre les Instituts nationaux, les Instituts à l'étranger et l'Administration centrale. Rédaction d'un court rapport de stage.

5) Introduction au travail du Gœthe-Institut à l'étranger (1 mois)

Informations sur la programmation, l'organisation et la réalisation des manifestations. Relations avec les partenaires pour le travail à l'étranger, autres organismes publics (Internationes), Ministère des Affaires Étrangères, Direction culturelle des municipalités. Relations avec les artistes, les critiques, etc.

6) Stage à l'étranger (3 mois)

Apprentissage du travail à l'étranger à travers l'exemple d'un Institut. Participation à l'ensemble de ses activités: activités culturelles, service pédagogique, cours d'Allemand, bibliothèque, administration. Méthode du "learning by doing". Rédaction d'un rapport de fin de stage comprenant une évaluation du travail de l'Institut en fonction des données du pays d'accueil et de la conception locale/régionale.

7) Spécialisation Allemand Langue Étrangère (3 semaines)

Réflexion et historique des méthodes de l'enseignement des langues étrangères. Familiarisation avec les nouvelles méthodes d'enseignement (travail avec l'image: vidéo, films...). Information sur les examens et tests d'évaluation.

Préparation à l'activité ultérieure dans un Institut en Allemagne qui constituait le début imposé d'un "Dozent" au Gœthe-Institut.

A l'issue de la formation, selon le nombre de postes disponibles et selon ses résultats, le candidat peut alors être définitivement engagé par le Goethe-Institut.

Un double avantage pour le Ministère des Affaires étrangères

Le système actuel souffre à deux endroits :

—il décourage les agents les plus performants dont les compétences ne sont pas valorisées à leur retour et qui se retrouvent désavantagés par rapport à leurs collègues qui auront, eux, bénéficié de promotions internes et occupé les postes les plus intéressants.

—il pousse certains agents à tenter de rester «coûte que coûte» à l'étranger

Une connaissance fine et actualisable des compétences de ses agents en poste présenterait un double avantage pour le Ministère des Affaires étrangères :

—la gestion des personnels, fondée, entre autres, sur l'évaluation des compétences, constituerait un outil de pilotage du système et permettrait d'impliquer des personnes dont le profil serait mieux adapté à la situation,

—la constitution au sein du Ministère des Affaires étrangères d'un vivier de compétences professionnelles reconnues et mises à la disposition de la société civile contribuerait à renforcer l'influence de celui-ci dans la coopération internationale.

Un gain pour la société civile

De nombreux organismes français (Collectivités territoriales, Universités, Organismes déconcentrés de l'Etat, Centres de Recherche et de Formation...) ressentent la nécessité d'employer des personnels qualifiés pour développer leur coopération internationale; connaissent-ils toujours l'existence et la réalité des compétences des cadres détachés auprès du Ministère des Affaires Étrangères ?

La spécificité professionnelle des personnels détachés auprès du Ministère des Affaires étrangères pour exercer des fonctions de cadre dans les milieux culturels et pour le développement doit être mieux connue. L'idée du travail de ces "fonctionnaires de l 'étranger" relève trop souvent d 'une mythologie, d 'une image de roman de gare.

Aujourd'hui, au terme de sa mission, un agent est tout simplement réaffecté au sein de son administration d'origine, sans qu'il soit tenu compte de ses nouvelles compétences. Cela représente aussi bien pour l'intéressé que pour la société civile un gâchis extrêmement regrettable

Reconnaître, oui mais comment ?

Une formation qualifiante

A l'exception notable des compétences en langues étrangères, l'ensemble des formations suivies au cours de la "carrière" ne donne lieu pour l'instant reconnaissance, à aucune certification officielle de l'Administration.

Des compétences non reconnues... faute d'être connues... Dans la pratique il a été particulièrement difficile de faire valoir les compétences, non qu'elles soient insuffisantes ou inadaptées, mais en raison de l'absence de reconnaissance des formations et des expériences acquises dans le cadre des différentes missions auprès du Ministère des Affaires étrangères; tout particulièrement au niveau de mon ministère d'origine : les dizaines de stages encadrés, la gestion d'équipes de plus de cinquante personnes ou d'enveloppes budgétaires importantes, l'organisation de séminaires de haut niveau, la gestion de projets de coopération linguistique ou culturelle, les actions de production, d'encadrement ou d 'animation n'avaient aucune valeur, seuls comptaient ma formation initiale et mon grade.

Pourquoi ne pas valoriser les années passées à l'étranger et l'expérience acquise sous la forme d'une attestation ou d'une certification (sorte de capital-points) permettant à l'agent détaché d'ouvrir l'éventail des fonctions qu'il pourrait occuper à son retour.

Sans aller jusqu'à un principe d'unités capitalisables, la validation des différentes formations suivies par les "cadres détachés" tout au long de leur "carrière" permettrait au Ministère des Affaires étrangères de reconnaître les qualités professionnelles de ses agents et partant, de les affecter sur les postes les plus appropriés, mais aussi aux organismes français de recruter du personnel qualifié sur des bases clairement établies.

Je suggère que soient multipliées les possibilités de stages très courts (une ou deux semaines) sur des thèmes suffisamment précis pour être traités valablement en si peu de temps. Ainsi avec un investissement temps raisonnable, chacun pourrait, année après année, se bâtir une formation à la carte, collant de très près à ses besoins.

Un plan d'organisation de ces formations élaboré par un des adhérents de l'ACAD-MAE a été placé en annexe.

Réinvestir, oui mais comment ?

Faciliter la circulation des compétences

Faciliter l'organisation fonctionnelle de la mobilité des cadres détachés entre l'étranger et la France, et la France et l'étranger, grâce à un système d'alternance et de permutation doit permettre :

—de placer en France sur des postes-clefs de relations internationales dans les régions, les universités, les collectivités territoriales, des agents compétents, porteurs de la culture et du "label Affaires Étrangères" et qui sauront entretenir des collaborations privilégiées avec ce Ministère;

—de donner l'irremplaçable expérience du terrain aux responsables des relations internationales d'institutions françaises intéressées par la coopération.

Recrutement en France de responsables de relations internationales.

Beaucoup d'établissements et d'entreprises auraient besoin d'approches moins empirique en la matière.

Tous les ministères, agences, organismes publics, collectivités territoriales, universités devraient avoir des «chargés de mission» ayant une expérience dans ce domaine.

Il faut dépasser la logique administrative détachement/réintégration et aller vers une cohérence de l'alternance entre les missions à l'étranger et celles accomplies en France au sein du Ministère des Affaires Étrangères, d'autres Ministères, de collectivités locales ou d'autres organismes.

La création récente au sein de la Direction de la Coopération Culturelle et Linguistique d'un bureau "retour-mobilité" doit être considérée comme un élément essentiel pour la réussite de cette politique de circulation des compétences.

Ce service est en particulier chargé d'aider les agents à préparer leur retour en France, mais aussi de favoriser les échanges entre les organismes culturels, scientifiques, techniques et éducatifs ayant en France une politique de relations internationales et les postes diplomatiques à l'étranger.

Favoriser l'échange d'informations

Compte tenu de l'ampleur du problème et des enjeux, 1'ACAD-MAE propose que soit mis en place un Institut des Relations Culturelles et de la Coopération qui recenserait à la fois les besoins du Ministère et ceux des partenaires français concernés, et contribuerait à une meilleure synergie des efforts mis en place en amont. Cette proposition figure dans les conclusions de nombreux rapports et audits.

En effet, si un véritable "Institut de la Coopération" voyait le jour, il est certain que nombre d'agents, de retour de l'étranger, pourraient à la fois contribuer à la formation des futurs coopérants, mais également continuer à exercer ce métier en France, métier pour lequel le Ministère a énormément investi mais dont les retombées en termes de réemploi de compétences sont mal exploitées à l'heure actuelle.


ACAD - MAE, Ministère des Affaires étrangères

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Contact  : Annie DUBERNET.
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Dernière modification : samedi 10 juillet 1999.