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Les
évolutions de la Coopération Internationale
et
leurs conséquences sur l'exercice des métiers de la coopération.
Serge
Briand
Actuellement Directeur adjoint à la
Sous-direction du Français.
Entretien
de Sophie Lewandowski pour l'ACAD-MAE
| Pourriez-vous nous dire quels sont les différents métiers
que vous avez exercés durant votre carrière et comment vous définiriez
ces métiers?
| Je suis enseignant d'origine, métier dont la définition
est bien connue, ainsi que la formation qu'il requiert. Cette dernière
est essentiellement théorique - dans mon cas, il s'agissait de l'agrégation
de Lettres - et c'est en classe qu'on apprend réellement le métier,
avec l'appoint, éventuellement, de stages de formation pédagogique.
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| J'ai ensuite été mis à disposition du Haut Conseil
de la Francophonie, comme « Chargé de mission ». Métier
plus difficile à cerner que le précédent, puisque c'est la « mission »
qui définit le métier et il m'a fallu acquérir des compétences au
fur et à mesure où les questions se posaient : d'abord en étant chargé
de la réalisation du rapport sur l'état de la francophonie dans le
monde, puis comme adjoint du secrétaire général, fonction impliquant
un certain nombre de responsabilités administratives. Je n'ai suivi
aucune formation particulière, mais diverses expériences
extra-professionnelles, notamment au niveau associatif, m'ont
certainement apporté quelques savoir-faire qui m'ont été utiles.
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| La troisième étape de ma carrière a été une
nomination comme attaché de coopération éducative (ACLE), poste à
vocation régionale, en Amérique centrale. Dans ce cas, je savais que
j'aurais à apprendre sur le terrain un nouveau métier, dont je ne
connaissais que la théorie, par les contacts que j'avais eus avec le
Ministère des Affaires étrangères, les études du Haut Conseil, ses
relations avec les institutions en charge de la francophonie ou de
l'enseignement du français, et diverses missions effectuées à l'étranger,
en particulier dans les pays francophones. Le stage des « nouveaux
partants a complété cette connaissance théorique, mais j'avoue être
resté sur ma faim, au moment du départ, quant aux objectifs que
j'allais avoir à poursuivre, après avoir recueilli des bribes
d'information au Département et auprès de mon prédécesseur.
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| C'est donc l'expérience, l'observation qui m'ont
fourni les informations nécessaires. Mais la phase de compréhension
m'est apparu, a posteriori, trop longue. On sait que parfois, dans les
postes, la transmission de la mémoire peut poser quelques problèmes.
Dans mon cas, j'ai pu bénéficier de la longue expérience d'une secrétaire,
recrutée locale, ancienne professeur de français très motivée et
compétente, jouant excellemment le rôle d'interface avec nos
partenaires. Je crois que bien des recrutés locaux sont des
personnes-ressources qui devraient être considérées comme telles
(c'est-à-dire, tout simplement, être mieux considérées).
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| Comment définir ce métier? Il comporte une dimension
politique importante : c'est de politique culturelle et linguistique
qu'il s'agit, du rayonnement de la France, de diffusion de la langue et
de la culture françaises. Au niveau technique, les compétences
requises relèvent surtout du « relationnel » : avec des
partenaires étrangers, politiques ou éducatifs, et avec les
partenaires du « réseau » français, réseau complexe où
tout le monde n'a pas spontanément envie de travailler en synergie.
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| Pour ce qui concerne mon étape professionnelle
actuelle, il me serait encore plus difficile de définir le profil d'un
« métier », peut-être parce que mon expérience est trop récente
: chargé de mission, adjoint de la sous-directrice du Français, est-ce
un métier ou une fonction? Ce dont je ne doute pas, c'est que de
nouveau il me va falloir acquérir de nouvelles compétences liées aux
dossiers gérés à la Centrale et à la connaissance des circuits et
procédures pour les choix et les décisions.
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| Vous avez parlé de connaissances, de compétences à
acquérir. Qu'en est-il des qualités comportementales qui ont pu être nécessaires
pour ces différents postes? Y a-t-il des différences?
| L'Education nationale demeure largement indifférente
aux profils psychologiques dans le recrutement des personnels, qui
s'effectue sur la base de concours. Lors de mon recrutement par le
ministère des Affaires étrangères, j'ai eu l'impression qu'il en
allait autrement et que cette dimension n'était pas laissée de côté.
A juste titre, car je savais, et j'ai pu le vérifier ensuite, que
l'expatriation, surtout quand elle est prolongée, produit sur les
personnes des effets pouvant être extrêmement redoutables.
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| Les qualités comportementales me semblent se situer
autour d'un équilibre entre énergie, volonté de réussir et esprit d'équipe,
de collaboration. La capacité d'écoute est également importante, a
contrario des tendances à l'imposition des idées, attitude qui peut
facilement se développer, parfois de façon pathologique, quand on se
trouve coupé des réalités françaises et placé dans une situation de
« pouvoir ».
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| Auriez-vous pu exercer ces métiers ou fonctions dans
d'autres institutions que celles où vous les avez pratiqués?
| Oui, j'aurais pu. Mais j'ai sans doute tenu à rester
dans le cadre de la fonction publique, et la dimension politique m'a
toujours intéressé. Je ne sais pas si j'aurais trouvé le même au
niveau d'institutions internationales, ou de collectivités locales.
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| A partir de votre parcours, vous avez peut-être un
avis, ou des suggestions, sur la question des lieux d'échange, de réflexion
ou d'action entre les différents professionnels de la coopération
internationale?
| A priori, je pense que les activités de l'ACAD pour développer
le dialogue et l'échange d'informations sont tout à fait utiles ; mais
je ne sais pas s'il faut aller beaucoup plus loin dans le sens d'une
analyse et de pratiques « corporatives ». Je comprends la légitimité
de la démarche visant à la structuration du discours et du « métier »,
mais je m'interroge sur sa faisabilité, du fait de l'hétérogénéité
des fonctions du champs de la coopération internationale, de leur
caractère évolutif, et de l'importance de la composante politique de
ce métier qui rend difficile toute formalisation et conceptualisation
au seul niveau professionnel (je me réfère au « politique »
en tant définition de valeurs, d'objectifs et de modalités de la coopération,
sur la scène mondiale).
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| Quoi qu'il en soit, le forum que constitue l'ACAD ne
peut être que bénéfique au moment où se posent toutes sortes de
questions non seulement sur les fonctions et les formations, mais aussi
sur les finalités de nos actions. |
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Revenez à
l'introduction au forum !
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