ACAD - MAE

Correspondance JM Delacomptée, mai 1995
Projet de centre de formation et d'information

Pour un centre de formation et d'information

Nous savons que le métier de cadre en coopération exige désormais un large éventail de capacités professionnelles, qui vont de l'expertise des systèmes éducatifs aux méthodes de gestion comptable, de la maîtrise de langues étrangères aux connaissances en matière de théâtre, d'irrigation, de recherche agronomique, de médecine hospitalière ou de techniques audiovisuelles.

Ce métier nécessite des compétences dans le domaine des sciences politiques, de l'économie et du droit, voire de la psychologie, dès lors qu'il implique un constant travail en équipe dans des conditions souvent difficiles. Il demande une grande habitude des procédures administratives, de l'habileté dans le maniement des financements multilatéraux, des talents de négociateur, de la sagacité dans l'appréciation des mentalités étrangères.

Dans la mesure où il s'adresse aux élites gouvernementales, mais aussi aux niveaux intermédiaires de la machine sociale, ce métier réclame l'acquisition de méthodes et de savoirs étayée sur une formation initiale et continue spécifiques, qui fait actuellement défaut. A la différence de ses principaux partenaires étrangers, la France manque, dans ce domaine pourtant crucial, d'une école des cadres.

C'est pourquoi il est proposé de créer, sous la responsabilité du Département et en tout cas sous son impulsion, un centre de formation et d'information au bénéfice des agents de l'Etat comme de l'ensemble des acteurs de l'hexagone. Le champ de la coopération publique est excessivement cloisonné. Il n'existe pas de culture professionnelle commune à ceux qui la conduisent. Aucune passerelle n'existant entre les institutions et organismes intéressés, l'expérience des agents du réseau culturel extérieur se perd trop souvent (le fait est connu), alors même que l'importance des enjeux rapportée à la rigueur des budgets devrait nous inciter à rechercher des synergies en valorisant les compétences acquises.

Un exemple. Le programme européen SOCRATES va introduire sur une vaste échelle la dimension internationale dans notre système éducatif : projet passionnant, destiné à amplifier l'ouverture de nos établissements d'enseignement sur l'Europe et le monde. Pour valoriser ce programme, puis pour initier les futurs professeurs aux réalités internationales dans leurs Instituts de formation (IUFM), il semble évident qu'on aurait avantage à s'appuyer sur l'expérience de nos agents en poste à l'étranger, en particulier lorsqu'ils reviennent en France au terme de leur mission, moyennant une formation complémentaire adaptée. Il s'agit, de manière plus générale, d'encourager la mobilité des personnels tout en contribuant à l'élaboration de nouveaux métiers, de faciliter le brassage de connaissances et de savoir-faire, de fonder, en somme, un "corps de compétences nouvelles", indépendamment des corps statutairement définis.

Il y a, dans cette convergence possible entre les instruments de l'Etat et les initiatives développées par la société civile, une forte occasion de dépasser les clivages habituels. La proposition de créer un centre de formation et d'information pour la coopération internationale au bénéfice de l'ensemble des acteurs découle de cette opportunité. Il ne devrait pas s'agir d'un lieu clos sur lui même, borné à un petit groupe d'enseignants, mais d'un établissement public clairement identifié qui serve de point d'entrée et de vitrine, associé par conventions à des départements universitaires, à des établissements spécialisés comme l'lnstitut des Sciences Politiques, l'Inalco, l'ENA ou l'IIAP, à des organismes tels que le Centre National de la Fonction Publique Territoriale, le Centre National des Arts et Métiers, le Centre International d'Etudes Pédagogiques, mais aussi à des entreprises privées, dont il est avéré que certaines, et non des moindres, sont sensibles au projet.

Si possible en liaison avec des organismes tel que l'Institut des Hautes Études francophones de Chamarande, cet établissement public servirait également à former, informer, perfectionner les personnels concernés des pays avec lesquels nous coopérons (notamment les pays de la CEE, du Maghreb, de l'Europe centrale et orientale). La culture professionnelle commune aux acteurs de l'hexagone s'enrichirait d'un langage commun au plan international.

S'il revient à l'Etat de tracer les grandes orientations du pays tout en veillant à préserver la cohésion du tissu social, il lui revient également, dans la logique des efforts déjà entrepris, de stimuler le dialogue national à travers l'action internationale. C'est à cela que vise in fine la proposition de créer un centre de formation et d'information pour la coopération, instrument d'échanges, de rencontres, de transparence et de savoirs communs.

Jean-Michel DELACOMPTÉE
Président de l'ACAD-MAE


ACAD - MAE, Ministère des Affaires étrangères