"Cette cérémonie est notre première rencontre depuis ma prise de fonction à la DGCID. Je suis honoré de la confiance qu'Hubert Védrine a bien voulu m'accorder en me désignant à la tête de cette grande direction qui est au service de la politique étrangère de la France et l'un des instruments principaux de l'influence et du rayonnement de notre pays.
Depuis quatre mois, j'ai pu constater :
la diversité de nos
missions (de l'exploitation des satellites
à la coopération policière, des accélérateurs
de particules à l'encadrement des planteurs de coton) ;
le professionnalisme avec
lequel vous menez votre action ;
la foi et l'engagement personnel
dont vous faites preuve au quotidien : c'est
ce petit supplément d'enthousiasme qui fait toute la différence
: nous savons que notre tâche a un sens, même si parfois, les
conditions quotidiennes dans lesquelles nous travaillons peuvent nous conduire
au doute.
En effet, les conditions matérielles d'exercice de nos compétences peuvent être délicates (locaux vétustes, parc informatique dépassé, déménagement plus ou moins rapide à mettre en oeuvre, procédures bureaucratiques, non remplacement des personnels appelés à d'autres fonctions). Plus généralement, on peut s'interroger sur la capacité de l'État à s'auto-réformer, dans un contexte de contrainte budgétaire et de diminution du temps de travail sans création d'emplois.
Même si le Directeur général
de l'administration et moi-même unissons nos efforts pour améliorer
la situation, vous êtes condamnés
à être les "héros des temps modernes", c'est-à-dire
à avancer, à travailler, à prouver que vous êtes
les meilleurs, en dépit des obstacles posés par "l'énorme
machine à empêcher de travailler" qui, elle, fonctionne à
plein régime.
Au début de cette année, je souhaite partager avec vous mes réflexions sur la DGCID. Je considère que la réforme est faite et réussie : la DGCID unifiée est aujourd'hui en ordre de marche ; l'organigramme est stabilisé ; le succès de la programmation 2001 a été salué par les Ministres. A Paris comme dans les postes, la diversité des cultures, des profils et des expériences des agents est largement mise au service de la coopération et de l'action culturelle. Pleinement intégrée au sein du ministère des Affaires étrangères, la DGCID est une équipe de seulement 500 personnes à Paris, qui est responsable de pas moins de 40 % du budget du Département, soit près de 9,2 milliards de F.
Désormais, il nous faut aller plus loin, selon quatre directions :
1. Définir une politique : soucieux de l'intérêt général, il nous appartient de définir les lignes politiques qui doivent diriger notre action, sous réserve de leur validation par le gouvernement et de leur approbation par la représentation nationale ; rien n'est pire que de naviguer sans boussole, de distribuer l'argent au gré des opportunités circonstancielles. Nous devons pouvoir répondre aux questions suivantes : quelle est notre politique ? quelle est notre stratégie ? comment est-elle formulée et médiatisée ? où ? comment ? C'est ce que le monde extérieur attend de nous. C'est en fonction de ces critères que nous devons dire oui ou non, et non en fonction d'habitudes ou de copinages.
2. Travailler sur des thèmes mobilisateurs en équipes pluridisciplinaires associant plusieurs directions et services. La logique de "task force" (avec un chef de file) au service d'un programme mobilisateur doit l'emporter sur la simple logique d'organigramme.
3. Évaluer systématiquement les actions que nous entreprenons.
4. Communiquer : faire savoir ce que nous faisons, rendre des comptes : par exemple, dès mars prochain, la DGCID publiera pour la première fois son rapport d'activité. Le recours à une agence de communication et la constitution de listes de diffusion par courrier électronique des informations sur l'activité de la DGCID et du réseau sont actuellement en chantier. A terme, chaque projet doit comprendre un volet de communication, selon les formes les plus diverses.
Ces quatre axes de travail doivent nous permettre d'être au coeur du métier diplomatique. A l'heure où les compétences traditionnelles du diplomate sont de plus en plus concurrencées par celles des experts, des médias, de la société civile et des entreprises, les savoir-faire de la DGCID permettent au Quai d'Orsay de relégitimer son rôle d'influence. Dans un monde qui se globalise, les victoires ne sont plus celles des armées, mais celles des idées. Les batailles d'aujourd'hui se gagnent d'abord dans les têtes et les coeurs. "Faites rêver le monde et vous le dirigerez !" Dans ce combat, le ministère des Affaires étrangères dispose, avec la DGCID et son réseau, d'un double outil d'influence :
un réseau d'influence culturelle
au sens large (langues, diversité culturelle, création, audiovisuel
extérieur) ;
un outil de solidarité (aide
publique au développement, lutte contre les mécanismes d'exclusion
plutôt que la simple lutte contre la pauvreté, aide-projets,
assistance technique).
Les nécessaires régulations de la globalisation sont devenues l'enjeu majeur de notre action extérieure. La DGCID, "bras armé du soft power", est donc au coeur des métiers d'avenir du Quai d'Orsay.
Certes, cette bataille globale, il nous faut la gagner avec des lance-pierres pendant que nos concurrents utilisent des orgues de Staline. Mais l'histoire a déjà montré que la détermination de quelques uns pouvait changer le cours des choses. Il nous appartient d'être les fantassins de cette nouvelle bataille : il s'agit de préserver ce que nous sommes : cet équilibre entre création et sécurité ; cette harmonie entre ouverture et protection ; ce primat donné à la raison, à l'universalisme, à la tolérance ; ce souci de l'accueil des étrangers ; cette conciliation entre l'État et le marché, entre l'intérêt général et les intérêts privés. Nous pensons, et c'est là notre insupportable vanité, que notre modèle a une valeur universelle. Et c'est sur la promotion de ces valeurs que nous attendent tous les peuples de la planète. Remettons les valeurs au centre de notre mission. Ce sont elles qui façonneront le monde, en lui donnant du sens.
C'est pour la promotion de ces valeurs que nous devons nous mobiliser au quotidien dans le cadre de grands objectifs.
1) La bataille des idées, la promotion de la pensée française contemporaine : l'action que l'AFAA mène en faveur de la création artistique, nous devons la conduire en faveur de l'intelligence et de l'esprit français (mise en ligne de la pensée française ; colloques et circuits de conférences, coopération avec des revues françaises, contre-offensive sur le développement avec la rédaction de notes de doctrine sur "les biens publics internationaux", "la lutte contre la pauvreté" et "la lutte contre le sida" ; célébration du bicentenaire de Victor Hugo, promotion de l'audiovisuel extérieur avec le renforcement de TV5, la modernisation de notre offre télévisuelle au Maghreb, le soutien aux industries musicales et au cinéma, etc...).
2) La formation en France des élites du monde (constitution et animation du réseau de personnalités étrangères formées en France ; promotion des opérateurs français sur le marché du savoir ; appui à l'internationalisation de l'enseignement supérieur français ; européanisation des centres de recherche ; valorisation des secteurs d'excellence comme l'archéologie).
3) Refonder la doctrine française du développement (réaffirmer la vocation du service public en matière de développement, maintenir l'aide-projet dans le cadre d'un FSP rénové, valoriser et réformer l'assistance technique, apprendre à mieux gérer les situations de post-crise, associer davantage les ONG et les collectivités locales dans le cadre de projets).
4) Renforcer notre liaison avec les organismes multilatéraux (création de la cellule de mobilisation sur les projets multilatéraux au sein d'un réseau de partenaires - DREE, RP, Trésor...-, organisation des Rencontres multilatérales en avril 2001).
5) Jouer avec les opérateurs notre rôle de "holding politique" pour le compte du Département :
c'est l'exercice intelligent d'une tutelle responsable et constructive sur les agences et opérateurs (AFD, AFAA, AEFE, EduFrance, ADPF, opérateurs audiovisuels...) : il s'agit pour nous de définir une ligne politique et des priorités stratégiques, de les mettre en oeuvre avec les opérateurs dans le cadre d'une contractualisation et d'évaluer en permanence les résultats des actions engagées.
6) Continuer à bien
faire nos métiers traditionnels (promotion
de l'enseignement du français s'appuyant sur un réseau de
correspondants ; diffusion et échanges artistiques, en liaison avec
l'AFAA, supervision de la coopération scientifique et intellectuelle
de la France ; définition des stratégies pays par le service
de coordination géographique dont on ne souligne jamais assez le
rôle et la qualité).
L'enjeu de notre mission n'est pas donc pas mince. Sa réussite suppose l'ouverture de la DGCID sur son réseau. Il s'agit d'une part d'être au service de nos postes et de nos établissements culturels : ils sont notre raison d'exister. D'autre part, la DGCID doit être en prise avec le monde qui bouge : nécessité d'être en phase avec la réalité, de suivre les mouvements d'idées.
Au service de la France et de ses valeurs, la DGCID est un collectif humain formidable, une tête de réseaux au coeur du projet de modernisation du Département, appelé de leur voeux par les Ministres. Notre tâche est ambitieuse, mais les batailles perdues sont celles qu'on n'a pas menées."